Le Jour d'Achoura commençait ...

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Le Jour d'Achoura commençait ...

Avant que la bataille ne s'engage, l'Imam Hussein essaya une dernière fois de raisonner les assaillants, dans l'espoir d'éviter à ceux qui ne se seraient pas rendu compte de la gravité de ce qu'ils allaient faire, de participer à un crime et un péché impardonnables. Il leur rappela les milliers de messages que les leurs lui avaient envoyés pour l'inviter à venir en Iraq et lui prêter serment d'allégeance, pour défendre à ses cotés le Message de l'Islam. Mais ses discours furent vains. Ses appels pathétiques ne furent pas entendus par ces hommes épris d'argent et assoiffés de pouvoir.

L'Imam Hussein ne désespéra pas. Il fit avancer encore un peu son cheval, plus près de l'armée omeyyade. Il leva le Saint Coran et dit : "Soldats de Yazd ! Nous avons en commun le Livre de Dieu et la Sounna de mon grand-père, le Messager de Dieu !". Personne ne réagit. Il insista : "Ne voyez-vous pas que je porte l'épée du Messager de Dieu, son vêtement de guerre, et son propre turban ?

- Oui, nous voyons cela.

- Pourquoi donc alors voulez-vous me combattre ?

Pour obéir aux ordres de notre Maître, Obeidullah fils de Ziyâd !

Alors l'Imam Hussein s'adressa à Omar fils de Saad, le commandant de l'armée de Yazd : "Omar ! Tu veux me tuer pour que celui qui a usurpé le Califat te nomme Gouverneur de la moitié de la Perse. Par Dieu ! Tu n'auras pas ce plaisir. Fais-moi ce que tu comptes me faire. Mais je te jure que jamais après ma mort tu ne connaîtras de joie, ni dans ce monde, ni dans l'autre ! Je vois ta tête attachée à un bâton, et les enfants de Koufa jouant avec...


Exaspéré par cette prédiction, 0mar fils de Saad tourna les talons. Il prit son arc, y plaça une flèche et tira, en criant : " Soyez tous témoins que je suis le premier à avoir tiré !

Hour supplia l'Imam Hussein de lui permettre, ainsi qu'à son fils et à son esclave, d'être les premiers à combattre. Sans doute espérait-il convaincre les mille hommes placés sous son commandement de le rejoindre et de soutenir le petit-fils de l'Envoyé de Dieu. Peut-être alors les autres soldats se rallieraient-ils à eux. 0u du moins peut-être hésiteraient-ils à combattre un ennemi autrement plus nombreux que celui qu'ils s'apprêtaient à affronter. Hour pouvait espérer empêcher de la sorte qu'ait lieu le massacre qu'il avait contribué à préparer.

L'Imam Hussein ayant donné son accord, Hour, son fils et son esclave se mirent en selle et s'avancèrent vers les lignes ennemies. Ils firent halte lorsqu'ils furent tout près de l'armée de Yazd. Hour commença à haranguer ses anciens hommes. Il leur parlait avec une grande éloquence, appuyant son argumentation sur de nombreux Versets du Coran. Il leur expliquait pourquoi il avait choisi de se ranger du coté de la Vérité et de la Justice, sous la bannière de l'Imam Hussein, et les pressait de réfléchir aux conséquences qui ne manqueraient pas de résulter pour eux du fait de combattre et de tuer le petit-fils du Prophète, que celui-ci avait tant aimé.

Il leur parlait du choix qu'il leur fallait faire entre le Paradis et l'Enfer... Ses paroles avaient un effet extraordinaire sur ses anciens soldats. Chimr fils de Jawchane, l'un des chefs de l'armée omeyyade voyant le changement qui s'opérait dans le cœur et l'esprit des hommes. IL pressa Omar fils de Saad, le commandant en chef de l'armée, d'attaquer en masse et immédiatement les trois hommes, car la situation risquait fort de se retourner en faveur de l'Imam Hussein ! Une récompense fabuleuse fut promise à ceux qui tueraient Hour et ses deux compagnons.

Les trois hommes firent preuve de tant de vaillance et d'adresse qu'ils tuèrent à eux seuls des dizaines d'ennemis. Le fils de Hour fut tué le premier, puis ce fut le tour de son esclave. Hour continuait de faire des ravages dans les rangs de l'armée de Yazd. Mais ses nombreuses blessures lui avaient fait perdre beaucoup de sang. IL fut pris d'étourdissement et tomba de cheval. A l'heure de la mort, il souhaita entendre encore une fois de la bouche de l'Imam Hussein l'assurance que celui-ci lui avait pardonné. Aussi l'appela-t-il de toutes ses forces, avant de perdre connaissance.

Quand ils entendirent le cri de Hour, l'Imam Hussein et Abbas bondirent sur leurs chevaux. Sabre au poing, ils traversèrent les rangs ennemis, jusqu'à l'endroit où gisait Hour. L'Imam Hussein y parvint le premier. IL souleva la tête de Hour et la posa sur ses genoux. Puis il essuya le sang qui couvrait son visage et pansa la large blessure ouverte dans son crâne en se servant d'une écharpe que Fatima (as) sa mère avait tissé elle-même. Hour ouvrit les yeux. IL était incapable de parler, mais il fixa ses yeux droits dans ceux de l'Imam. Celui-ci comprit ce que le mourant voulait savoir. Il posa sa main sur la tête de Hour, en priant :

- Que Dieu t'accorde Ses Bénédictions pour ce que tu as accompli aujourd'hui pour me défendre ! En entendant ces mots, Hour poussa son dernier soupir, sa tête reposant toujours sur les genoux de l'Imam Hussein. Celui-ci et Abbas soulevèrent le corps sans vie, et le transportèrent jusqu'au campement.

Après Hourd vint le tour de chacun des vaillants et dévoués partisants de l'Imam Hussein. Chacun d'eux revendiquait l'honneur de sacrifier sa vie en premier. Chacun d'eux brillait du désir de mourir en défendant la vie du petit-fils de l'Envoyé de Dieu et celle de ses proches qu'ils aimaient plus qu'eux mêmes et que leurs propres parents !

Habib fils de Mazahir était attaché à l'Imam Hussein depuis sa plus tendre jeunesse. Un jour, à Médine, quand Habib était jeune, le Saint Prophète était passé près d'un groupe de jeunes en train de jouer. Habib était du nombre. Le Prophète l'avait  prit dans ses bras, et embrassé avec tant d'amour que les Compagnons présents s'en étaient étonnés. Pourquoi de telles démonstrations envers cet anonyme en particulier. Alors le Saint Prophète(sawas), les, yeux noyés de larmes, avait déclaré :

- J'ai vu de mes yeux Habib suivre avec dévotion Hussein où qu'il aille. Je l'ai vu embrasser le sol foulé par Hussein. Et je vois un jour où il montrera son amour pour Hussein d'une manière qui rendra son nom immortel !

Habib a quitté en secret Kufa et atteignit le campement de l'Imam Hussein dans la nuit du 9 au10 Moharram. L'Imam avait distribué les armes à ses compagnons, et avait gardé un équipement complet en réserve. Quelqu'un lui demanda pour quelle raison il ne distribuait pas ces armes aussi. L'Imam Hussein répondit : "Habib, le plus cher de tous mes amis, va venir, Ces armes seront les siennes.

Habib se battit comme seuls se battent ceux que la Foi anime. Et quand il reçut le Martyre, il expira le cœur satisfait de n'avoir pas déçu celui qu'il aimait tant.

Mouslim fils d'Awsaja était un vénérable Compagnon du Saint Prophète(sawas). IL était âgé de plus de quatre-vingt-dix ans. Le poids des ans avait courbé son échine, mais en rien affaibli le zèle avec lequel il servait la cause de la Vérité.

IL avait vu le Saint Prophète embrasser avec amour son petit-fils Hussein. Il avait vu le Saint Prophète descendre précipitamment de sa chaire dans la Mosquée de Médine, interrompant son sermon pour prendre dans ses bras et consoler Hussein qui était tombé après s'être pris les pieds dans un tapis de fibres de palmier. Il avait vu, un jour de l'Aid, le Saint Prophète courir dans les rues de Médine en portant sur ses épaules, en même temps, Hassan et Hussein, et en imitant le cri du chameau, parce que les enfants voulaient faire une promenade sur le dos de cet animal. Un Compagnon du Saint prophète s'était alors exclamé :- Quelle merveilleuse monture ces deux enfants ont trouvée !

- Non, avait répondu le Prophète ! Dis plutôt : de quels merveilleux cavaliers j'ai été gratifié!

Ce vénérable témoin de la Révélation, ce fidèle Partisant de l'Imam Ali, puis de l'Imam Hassan, puis de l'Imam Hussein, ne pouvait imaginer un seul instant qu'il lui faille abandonner son Imam en un moment aussi critique. L'Imam, quant à lui, faisait tout son possible pour tenter de le convaincre qu'à son âge il n'était pas pensable qu'il aille au combat. Mais si l'âge avait usé les forces de Mouslim, la flamme de l'amour pour la Famille du Prophète(p), qui consumait son âme, le soutenait et ajoutait à son inflexible détermination de défendre celui qu'il avait vu le prophète(p) embrasser tant de fois. A quatre-vingt-dix ans passés, Mouslim se jeta dans la bataille, et offrit jusqu'à sa dernière goutte de sang pour défendre l'Imam Hussein.

Borair Hamadani était un guerrier intrépide. Ses prouesses dans les duels l'avaient rendu légendaire. Quand il avait compris qu'Omar fils de Saad et ses soldats avaient l'intention de tuer l'Imam Hussein, il s'était juré de leur faire goûter de son épée, cette épée qui avait semé la terreur dans les cœurs de tant de valeureux guerriers... 
C'est Borair Hamadani qui avait réuni tous les compagnons de l'Imam Hussein, et qui les avait mis en garde contre une possible attaque surprise pendant la nuit :

- Si le petit-fils de l'Envoyé de Dieu était tué de la sorte, alors que nous-mêmes serions encore en vie, la honte et le déshonneur s'attacheraient à nous jusqu'à la fin de nos jours. Quoi que nous fassions dans toute notre vie, rien ne pourrait effacer cette infamie !

C'est aussi Borair Hamadani qui, une nuit, alors qu'il montait la garde, avait surpris un échange de propos entre l'Imam Hussein et sa sœur Zaynab. Celle-ci demandait à l'Imam s'il était sur de ses Chiites il pensait que ceux-ci combattraient pour le défendre, ou s'il craignait qu'ils ne l'abandonnent. Borair avait immédiatement réveillé tout le camp, s'était planté devant Zaynab et, courbant la tête devant la fille de l'Imam Ali et de Fatima la Resplendissante, lui avait déclaré que c'était pour lui une question d'honneur de se battre et de mourir pour défendre l'Imam Hussein et la Famille du prophète. Et Borair avait demandé à chacun des présents de donner la même assurance à Zaynab.

C'est encore Borair Hamadani qui, voyant un enfant pleurer tant il avait soif, s'était saisi d'une outre et, accompagné de quelques-uns des compagnons de l'Imam Hussein, s'était frayé un chemin vers le fleuve, à travers les rangs de l'armée ennemie. Les hommes d'Omar fils de Saad les avaient interpellés. Borair avait répondu :

- Je suis Borair Hamadani, Partisant de Hussein ! Je viens chercher de l'eau pour donner à boire aux enfants qui meurent de soif !

Les soldats avaient répondu à Borair que lui et ses compagnons pouvaient boire autant qu'ils le souhaitaient, mais que pas une goutte d'eau ne devait parvenir au campement assiégé. Borair avait insisté, parlant de la souffrance des enfants privés d'eau dans ce désert écrasé de chaleur. Les soldats s'étaient moqués de lui et de ses sentiments. Alors Borair s'était mis en colère. Lui et la poignée d'amis de l'Imam qui l'accompagnaient avaient en un instant dispersé le régiment qui gardait les accès au fleuve. Et c'est le cœur rempli de satisfaction et de fierté d'avoir rempli son devoir que Borair avait ramené au camp l'outre pleine d'eau. Les enfants crièrent de joie en le voyant. Ils se précipitèrent pour étancher leur soif... 

Borair Hamadani s'avança sur le champ de bataille. Nombreux furent ceux, parmi les ennemis, qui le précédèrent dans la mort. Puis Borair reçut enfin le Martyre auquel il aspirait.

L'un après l'autre, les fidèles Compagnons de l'Imam s'avancèrent face à l'ennemi. L'un après l'autre ils combattirent avec fougue. L'un après l'autre ils envoyèrent en Enfer un grand nombre des suppôts de Yazid. Quand arrivait son tour de s'effondrer, épuisé par les nombreuses blessures qu'il avait reçues, chacun d'eux criait à l'adresse de l'Imam Hussein :

- O mon Maitre ! Je t'envoie mes dernières salutations !

Alors, à chaque fois, l'Imam Hussein, accompagné de son frère Abbas et de son fils Ali Akbar, se précipitait sabre au clair, afin d'être aux cotés de son ami pour le réconforter dans ses derniers instants.

Depuis le matin, l'Imam Hussein n'avait pas cessé d'assister de la sorte ses fidèles, de prendre dans ses bras leur corps sans vie, et de les ramener l'un après l'autre au campement. Sur chacun d'eux il pleurait abondamment, se rappelant leur affection pour lui, leur profonde dévotion et leur esprit de sacrifice. La mort de chacun de ces fidèles amis était pour l'Imam Hussein une blessure douloureuse. Ces hommes courageux n'avaient pas leurs familles auprès d'eux, à Karbala, pour leur rendre les derniers hommages et pleurer leur mort. Mais les sœurs et les filles de l'Imam Hussein, ainsi que les dames de sa Maison, les pleuraient comme elles l'auraient fait pour leurs propres frères ou leurs propres fils.

Wahab fils d'Abdallah était un tout jeune homme. Il s'était marié deux jours à peine auparavant quand, retournant chez lui avec sa mère et sa jeune épouse, il était passé par Karbala. Il y avait vu un grand rassemblement de troupe, encerclant un minuscule campement. Il alla aux nouvelles, et apprit ainsi que l'armée de Yazid était sur le point de massacrer le petit-fils du Saint Prophète qui refusait d'accepter la "direction spirituelle" du Calife débauché. La mère de Wahab, dame courageuse et fidèle Chiite de l'Imam Ali, vivait à Damas quand Muawiya, le père de Yazid y régnait. Elle avait publiquement dénoncé sa tyrannie et sa déviation religieuse, ce qui lui avait valu d'être emprisonnée et torturée, avant d'être finalement chassée de la ville. Elle avait transmis à son fils l'amour sans faille qu'elle portait aux Saints Imams. C'est donc sans hésitation aucune que les trois voyageurs avaient rejoint l'Imam Hussein et ses quelques défenseurs. Depuis le matin, Wahab ne cessait de supplier l'Imam Hussein de lui permettre de se lancer sur le champ de bataille et d'y offrir sa vie pour le défendre. Chaque fois, l'Imam le renvoyait, lui disant que sa mère et son épouse avaient besoin de lui. Lorsque tous les amis de l'Imam Hussein eurent reçu le Martyre, et qu'il ne resta plus auprès de lui que les membres de sa Famille, Wahab une fois encore tenta sa chance. L'Imam lui répondit qu'il ne pourrait l'autoriser Ó combattre que s'il obtenait la permission des deux femmes dont il avait la charge. La mère de Wahab, qui se trouvait juste à coté, répondit directement à l'Imam Hussein :

- Je l'ai nourri de mon lait dans son enfance, mais je ne le considérerai comme mon fils que s'il meurt en te défendant, comme l'ont fait avant lui tes autres Chiites !

Des larmes dans les yeux, la jeune épouse de Wahab parla à son tour :

- Wahab, ton premier devoir, et le plus important de tous, est de défendre le petit-fils du Prophète et sa sainte Famille, même si ce doit être au prix de ta propre vie. J'espère te revoir au Paradis. Je demande à Dieu que nos retrouvailles ne se fassent pas attendre !

Puis elle ajouta :- Je sais que les hommes de Yazid ne laisseront en vie aucun des hommes de la Famille de l'Imam Hussein. Quant à nous, les femmes, nous serons toutes prises comme esclaves... Sans doute les femmes de la Famille du Prophète seront-elles traitées avec quelque respect, mais nous autres... Ta mère et moi-même, nous ne bénéficierons certainement pas de la même considération ! Je te demande seulement de prier l'Imam de nous laisser avec les femmes de sa Famille, afin que nous soyons traitées de la même façon qu'elles.

L'Imam Hussein assura Wahab que Zaynab, sa sœur, la fille de l'Imam Ali et de Fatima, veillerait elle-même sur les deux femmes, de même d'ailleurs que toutes les autres femmes de sa Famille.

Ce que l'épouse de Wahab n'avait pas imaginé c'est que les soldats sans cœur de l'armée de Yazid traiteraient les femmes de la Famille du Saint Prophète comme des captives ordinaires et des esclaves ! Wahab put enfin se lancer au combat, et mourir en défendant son Imam, comme il le souhaitait avec tant d'ardeur.

Tous les fidèles Compagnons de l'Imam donnèrent ainsi leur vie sans hésiter. Ils avaient vécu une vie noble, et ils ont connu une mort glorieuse. Même dans la mort, ils entourent, comme pour veiller sur eux, l'Imam Hussein et ses fils. Habib fils de Mazahir l'ami fidèle, repose à l'entrée du Mausolée de l'Imam, comme s'il poursuivait dans la mort sa noble tache de veiller sur lui, ainsi qu'il l'avait fait lors de la bataille de Karbala. .

Tous les défenseurs de la Famille du Prophète avaient donc versé jusqu'à la dernière goutte de leur sang. Il ne restait plus, autour de l'Imam Hussein, que ses fils, ses frères et ses neveux. L'Imam avait voulu envoyer son fils Ali Akbar combattre avant tout le monde, mais ses fidèles partisants l'en avaient empêché. La pensée que le fils tant chéri de l'Imam Hussein pourrait perdre la vie dans la bataille alors Qu'eux-mêmes auraient été encore de ce monde leur était insupportable. Entretenir seulement une telle idée aurait relevé pour eux du blasphème....

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