La marche de al-Hussein (p) : Les moyens et les buts

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La marche de al-Hussein (p) : Les moyens et les buts
Lorsque nous voulons nous pencher sur l’expérience de al-Hussein (p) dans sa marche, nous devons regarder al-Hussein (p) en tant que totalité. C’est-à-dire lorsqu’il a combattu et lorsqu’il a fait la paix. Dans les deux cas, al-Hussein (p) était un révolté. Etre révolté ne veut pas dire seulement guerroyer d’une manière directe car la guerre prend deux aspects : On fait la guerre en remettant son épée au fourreau mais aussi en tirant son épée.
Dans beaucoup de situations, la guerre peut se faire en préparant le champ et en exerçant des pressions sur l’ennemi, en préparant les conditions qui permettent de faire face à l’ennemi et en consolidant les assises à même de tenir fermes devant l’ennemi. Ce genre de guerre peut être, au début, plus puissant et plus efficace que la guerre au moyen de l’épée. Les guerres qui ont lieu dans le monde actuel se font, à 75 pour cent, à travers la préparation du terrain et des conditions plus qu’elles ne se font à travers les conflits chauds où sont utilisées les armes.
La guerre par la paix
Comment l’Imâm al-Hussein (p) a-t-il commencé la guerre à partir de la paix qui a auparavant été conclue par l’Imâm al-Hassan (p) appuyé par l’Imâm al-Hussein ? Ils ont fait une trêve avec Mu‘âwiya Ibn Abû Sufyân car leur armée était fatiguée et l’image n’était pas claire aux yeux des gens en raison des guerres qui ont éclaté dès le début du califat de l’Imâm ‘Alî (p) jusqu’au moment de son martyre. Ces guerres ont masqué la déviation que représentaient le règne des Umayyades et leur écart par rapport à la ligne islamique.
Les gens n’avaient pas la vue claire. La guerre occupe les gens ordinairement par les discussions portant sur telle ou telle partie. Elle les occupe par les situations qui évoluent lorsqu’une partie finit par l’emporter. Pour ces raisons, l’homme ne peut pas se constituer une image claire en temps de guerre. Les guerriers étaient fatigués. Ils sortaient en guerre avec lassitude, et c’est la raison pour lesquelles les chefs tribaux qui oeuvraient pour leurs propres intérêts et non pas pour les intérêts du peuples ont profité de cette lassitude qu’ils ont utilisée au service de leurs ambitions et de leurs désirs. Là, la guerre était une perte au niveau de la cause et non pas seulement au niveau de la personne.
Et c’est la raison pour laquelle l’Imâm al-Hassan (p) a voulu donné aux gens l’occasion de savoir ce qu’était la vie sous le règne des Umayyades, l’occasion de connaître les caractéristiques de ce règne, et ce afin de faire de la révolution une évolution naturelle vécue par les gens à travers leur propre vie.
Ainsi, le régime umayyade s’est mis à agir librement et les gens de l’époque ont commencé à savoir ce que signifient la ségrégation et le clientélisme. Ils ont commencé à savoir ce que signifie le fait d’avoir de l’importance non pour sa propre valeur, mais pour son appartenance à un tribu, et de ne pas avoir de l’importance même s’il a des mérites, rien que parce qu’il n’est pas pris par le courant fanatique qui règne sur toute la réalité.
Mu‘âwiya a fini par s’engager à reconnaître al-Hassan (p) comme son héritier présomptif avant de comploter contre lui et de l’empoisonner, ce qui a conduit à sa mort en martyr. Après quoi, il a voulu être décisif en demandant au peuple de prêter serment d’allégeance à son fils Yazîd. L’un de ses hommes de main s’est présenté devant le peuple tenant des bourses d’une main et une épée de l’autre, et il a adressé aux foules les paroles suivantes : « Celui qui prête serment aura cela (désignant l’argent) et celui qui ne s’exécute pas aura cela (désignant l’épée) ».
Le pouvoir umayyade a donc pris cette direction. Les injustices ont proliféré. Hijr Ibn ‘Adiyy, le vénérable compagnon du Prophète (P) a été mis à mort avec son fils et plusieurs autres parmi ses compagnons rien que parce qu’il a refusé de désavouer ‘Alî Ibn Abû Tâlib (p). A’isha a alors protesté violemment contre cet agissement car Hijr était connu comme un homme de bien et de haut rang parmi les Musulmans. On a aussi institué le fait de maudire ‘Alî (p) du haut des tribunes des mosquées tous les vendredis et les jours de fêtes. Cette mesure a été généralisée partout dans toutes les régions du monde musulman.
Les conditions propices
Le pouvoir umayyade a donc pris cette direction et le peuple a commencé de s’agiter contre ce pouvoir. La révolution était devenue quelque chose de normal que tout le monde en parle dans les conditions de la corruption du pouvoir, de sa déviation par rapport à la ligne de l’Islam et de la ligne de Dieu et de Son Messager (P). La situation a empiré avec la nomination de Yazîd comme héritier présomptif.
A Kûfa, les conditions étaient donc devenues favorables à la révolution. Les chefs de la ville ont envoyé à al-Hussein (p) d’innombrables lettres l’invitant à les rejoindre en Iraq pour diriger la révolution. Sommé de prêter serment d’allégeance à Yazîd, al-Hussein (p) a pris cette attitude décisive qui a donné à la question toute son ampleur. Il a dit au gouverneur de Médine qui lui avait fait cette demande : « Nous sommes les Gens de la Famille du Prophète, celui qui a reçu le Message, celui qui recevait les Anges, la Révélation et la Descente du Coran ; Yazîd, quant à lui, est un homme pervers, immoral, un buveur de vin et un tueur de l’âme respectée ; quelqu’un comme moi ne prête pas serment à quelqu’un comme lui ».
Al-Hussein (p) a donc affiché son opposition à ce pouvoir. Il s’est mis, par la suite, à préparer les conditions psychologiques de sa sortie de Médine qu’il a quittée pour la Mecque. Lorsqu’au jour de la Désaltération (Tarwiya), les pèlerins allaient à Minâ avant le neuvième jour de dhû al-Hijja, al-Hussein (p) a fait, à la place de son pèlerinage majeur, un pèlerinage mineur, et a quitté les lieux alors que les pèlerins attendaient le voir parmi eux, le jour de ‘Arafa, sur le mont ‘Arafât. Les gens se dirigeaient donc vers Minâ alors que al-Hussein (p) se dirigeait vers l’Iraq.
Pourquoi ?
Pour que les gens se posent les questions suivantes : Pourquoi al-Hussein (p) n’avait-il pas quitté directement Médine pour l’Iraq qui est moins éloigné de Médine que la Mecque ?
Pourquoi a-t-il quitté Médine pour la Mecque et fait, à la place de son pèlerinage majeur, un pèlerinage mineur ?
Pourquoi a-t-il quitté la Mecque le jour même où les Pèlerins se réunissent pour se diriger vers le mont ‘Arafat ?
Pourquoi ?
Al-Hussein (p) voulait créer un climat médiatique qui inciterait les gens à se poser des questions. Cela assurait à la cause une couverture médiatique qui sera utile plus tard. Il voulait informer les gens de son action et de sa révolution. Il voulait qu’en rentrant chacun dans son pays, les Yéménites disent aux Yéménites et les Syriens aux Syriens, que al-Hussein Ibn ‘Alî (p) est allé à la Mecque et qu’il l’a quittée le jour même où les gens se dirigeaient vers le Mont ‘Arafât. Il voulait informer les gens qu’il a déclaré la révolution contre Yazîd et contre le pouvoir umayyade.
Cette façon d’agir de la part de l’Imâm al-Hussein (p) avait de quoi inciter à l’interrogation. Celui qui s’engage dans une révolution ne la fait pas en accompagnant avec lui sa famille et ses enfants ni la famille et les enfants de ses compagnons. Mais l’Imâm al-Hussein (p) les a fait tous sortir avec lui.
Pourquoi ?
Pour que cet acte soit un acte de protestation devant tous ceux qui le voient. Il fallait que tous ceux qui voient al-Hussein (p) en menant cette action se rendent compte du fait qu’ils étaient menacés, eux, leurs enfants et leurs femmes, par ce pouvoir umayyade. C’est justement cette menace qui pesait sur al-Hussein (p), sur ses femmes et sur ses enfants et qui l’empêchait de sortir de Médine et de les y abandonner pour conduire sa révolution. Puis, il se préparait à créer une autre situation nécessaire pour la poursuite de la révolution après son martyre.
Il s’est donc dirigé vers l’Iraq. Il était suivi par beaucoup d’hommes. Certains d’entre eux l’ont fait, comme al-Hussein (p), en tant que vrais révoltés contre le pouvoir umayyade. Mais la plupart d’entre eux n’étaient pas vraiment fidèles à la révolution et ils avaient suivi al-Hussein (p) dans l’espoir d’aboutir à des résultats positifs et d’accéder, par la suite, à des fonctions et des postes dans le nouveau régime comme le font beaucoup d’opportunistes.
L’Imâm al-Hussein (p) le savait. Il savait que beaucoup parmi ceux qui l’ont suivi ne sont pas fidèles à la révolution, à sa cause et à son mouvement.
Il leur a donc adressé un discours où il les a mis au courant du destin qui l’attendait. Il leur a dit : « Mon meurtre est le bien qui m’attend… Je vois déjà mon corps déchiqueté et je vois les bêtes féroces me dévorer entre Nawâwîs et Karbalâ’ ».
Pourquoi a-t-il parlé de cette façon ? Afin que tous ces gens qui l’ont suivi pour les biens de ce monde-ci sachent qu’il est porteur d’un message et non pas un révolté pour le pouvoir. Afin qu’ils sachent que, comme son père, ‘Alî Ibn Abû Tâlib (p), il ne cherche pas le pouvoir et le commandement comme ambition personnelle pour combler un quelconque vide dans son âme, mais plutôt pour utiliser ce pouvoir à établir le vrai et à repousser le faux.
Pourquoi les habitants de Kûfa avaient-ils abandonné al-Hussein ?
Al-Hussein (p) a continué d’avancer vers Kûfa car il voulait conduire sa révolution jusqu’au bout. Il n’avait pas hésité comme le présentent certains lecteurs des scènes de la tragédie husseinite parmi ceux qui nous le montrent perplexe ne sachant pas où aller. Il connaissait bien son chemin dès le début jusqu’à la fin. Il savait que la question est une question de révolution au service de la cause, et non pas une question de révolution pour le pouvoir. C’est que la réalité islamique avait besoin d’une grande secousse à la taille du martyre de al-Hussein (p), à la taille de son drame.
Mais quel était le problème des habitants de Kûfa qui, entre dix-huit mille et trente mille hommes, étaient, à ce même moment, en train de prêter serment d’allégeance à l’émissaire de al-Hussein (p), Muslim Ibn ‘Aqîl, avant de renoncer un peu plus tard à ce serment ?
Ce qui s’est passé en Iraq, et notamment à Kûfa, avait deux raisons :
La première est que ‘Ubaydullâh Ibn Ziyâd avait arrêté les chefs de la révolution… Il avait arrêté les hommes d’esprit qui dirigeaient les gens vers la révolution et qui les préparaient à la résurrection contre le pouvoir en place. Car lorsque les masses se mettent en action sans être dirigées par des hommes d’esprit, par des chefs actifs et capables de les diriger vers le but, il est alors possible pour toute partie, liée ou non au pouvoir, de les manipuler.
La seconde est que le rôle des masses est, le plus souvent, un rôle affectif et émotionnel. Les masses étaient sensibles aux attitudes émotionnelles qui mettent en œuvre des moyens comme ceux qui affectent les gens en leur faisant peur ou en leur promettant des acquis. Ces moyens, on le sait bien, ont toujours été efficaces. Ils ont toujours pu changer les attitudes de ceux qui servaient les grandes causes, mais qui ont succombé à la peur ou au désir et ont fini par abandonner une cause pour rejoindre une autre.
Le lien affectif
Les chefs de la révolution étaient mis en prison. Les liens des masses avec la révolution étaient fortement affectifs. Il s’agissait de l’amour qu’elles portaient aux Gens de la Maison (p) et de la souffrance qu’elles subissaient dans la réalité vécue. Cela n’était pas suffisant car la cause avait besoin d’être soutenue par des dirigeants capables d’être à sa hauteur. Elle avait besoin d’une radicalisation permanente pour pouvoir s’affermir et s’élancer. Mais il parait que les habitants de Kûfa étaient alors pris dans un climat affectif et émotionnel qui a marqué leur relation avec al-Hussein (p) et leur opposition au pouvoir umayyade. C’est pour cette raison que lorsqu’il est venu portant d’une mais des bourses remplies de dirhams et de dinars, et de l’autre une épée, Ibn Ziyâd a pu venir à bout de ce climat émotionnel. Et c’est pour cette raison que le poète al-Farazdaq avait raison lorsque, parlant des habitants de Kûfa, a dit à al-Hussein (p) : « Leurs cœurs sont avec toi et leurs épées contre toi ».
C’est cette leçon que nous devons assimiler dans notre vie contemporaine, dans notre vie dans cette réalité en tant que Musulmans, en tant que croyants et en tant qu’hommes qui refusent la mécréance, la tyrannie et l’injustice. Si nous voulons être en accord avec la ligne islamique et coranique, avec la ligne de la foi, toute notre vie doit être une révolution permanente qui évolue dans le cadre du changement de la réalité. Cette révolution peut devenir plus grande ou moins grande, mais elle doit se poursuivre quelles que soient les conditions. C’est cela la cause de l’homme musulman qui croit en Dieu.
Si notre but est tel dans cette vie, le sens de notre action dans cette vie est d’en faire un jihâd permanent, une lutte permanente, afin d’établir le vrai et de dissiper l’erreur. Il nous est donc indispensable de nous arrêter devant ces deux phénomènes qui ont, en fin de compte, participé à éloigner les masses de l’Imâm al-Hussein (p) : La direction dans la mesure où les masses ont besoin d’une direction fidèle à la religion et à la destinée de la Nation, d’une part, et la conscience de la réalité de la part de la Nation, d’autre part.
La direction est d’une importance capitale
Oui, la direction est, en Islam, d’une importance capitale. Il nous faut comprendre le sens du Noble Verset révélé au Messager de Dieu (P) et qui dit : ((O Messager ! Communique ce qui a été descendu vers toi de la part de ton Seigneur ! Si tu ne le faisais pas, alors tu n’aurais pas communiqué Son message. Et Dieu te protégera des gens)) (Coran V, 67).
Ce sens est que Dieu fait de la question de ne pas désigner une direction l’équivalent de ne pas communiquer le Message. C’est comme si Dieu, à Lui la Grandeur et la Gloire, disait à son Messager (P) : Si tu quittes ce monde sans nommer un dirigeant de la Nation qui soit à la hauteur de ses causes, et qui ait un haut niveau de fidélité à ces causes, c’est comme si tu n’avais pas communiqué le Message, Car ce qui compte c’est l’implantation de la cause dans la vie. Si l’on veut que le Message prenne sa place dans la pensée et dans la réalité, il nous faut une direction capable de mettre la voie à l’abri de la déviation et du glissement. Une Tradition dit à ce propos : « L’Islam est fondé sur cinq piliers : La prière, le jeûne, le pèlerinage, l’aumône et la reconnaissance de l’Autorité (des Gens de la Famille). Rien n’a été aussi signalé que cette reconnaissance ».
Pourquoi ? Car l’Autorité des Gens de la Maison est la direction capable de mettre la pensée à l’abri de la déviation et de mettre la marche à l’abri du glissement vers l’erreur. C’est pour cela que, à chacune des étapes de sa vie, la Nation doit rechercher une direction fidèle. La direction fidèle est celle qui porte la pensée de la Nation, car il ne sert à rien d’avoir une direction qui ne porte pas un message qui, à son tour, porte la pensée de la Nation, qui porte la foi en cette ligne que doit suivre la Nation.
Le besoin s’impose donc d’une direction consciente, fidèle, loyale et capable de résister, d’être décisive et à même de préserver les buts de la Nation sur le plan de la pensée et de la réalité. C’est pour cette raison que l’Imâm ‘Alî (p) nous a indiqué celui qui doit tenir l’Autorité en disant : « Nul ne peut établir l’ordre de Dieu autre que celui qui ne flatte pas, celui qui ne fait pas des concessions et celui qui ne suit pas ses ambitions », c’est-à-dire celui qui ne complimente pas, qui n’amadoue pas, qui ne s’humilie pas, qui ne faiblit pas et qui ne considère pas le pouvoir comme un privilège au service de sa vanité. Il est celui qui le considère comme une responsabilité qui doit être au même niveau que celle de l’Imâm ‘Alî (p).
L’Imâm ‘Alî (p) a dit à Ibn ‘Abbas en désignant ses propres chaussures : « Par Dieu ! Elles m’auraient été plus préférables que de vous gouverner si je n’avais pas à établir quelques vérités et à repousser quelques erreurs ». Le pouvoir est une responsabilité et non pas un privilège.
La Nation doit donc assumer sa responsabilité en choisissant une direction consciente, croyante, fidèle et qui sait ce qui est utile pour la Nation dans ce monde-ci et dans l’autre monde. Diriger une Nation c’est la diriger vers ses buts, dans ce monde-ci et dans l’Autre monde.
La direction est celle qui est à la hauteur de la marche de la Nation dans la vie. Sur cette base, nous considérons que la vraie direction appartient aux jurisconsultes qui pratiquent l’ijtihâd, qui connaissent le Message divin, qui souffrent pour la Nation et qui connaissent les causes et les problèmes de la Nation sur tous les plans.
La Nation et la prise de conscience
Nous devons œuvrer et déployer tous nos efforts afin que la Nation puisse avoir conscience de ses causes, de son message et de la scène sur laquelle elle évolue. C’est parce que la situation qu’elle vit à cette phase actuelle de notre vie, ainsi qu’à l’avenir, évolue dans le sens de confondre le vrai et le faux. On y adresse aux entendements des masses et à leurs sentiments beaucoup d’idées qui répondent à leurs pulsions mais sans répondre à leurs vrais intérêts et à leurs vrais buts.
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