Sur la base du madjlis de Sayed Ammar Nakshawani (Mois safar, Arbaeen 2011)
Et enrichi par d’autres recherches complémentaires
1. Pourquoi s’intéresser au chiffre 40 ?
40 est la traduction du mot arabe « arbaeen ». C’est un événement important de l’Islam qui correspond au 20 Safar qui est le quarantième jour après la tragédie d’Achoura. Ce jour est particulier car après Achoura, c’est l’autre date où à travers le monde, les shiites vont à nouveau se réunir pour se rappeler Achoura et commémorer le souvenir de la souffrance des captifs de Sham.
C’est une date unique car on y commémore la force et le sacrifice considérable consentie par une femme : Janabe Zaynab (ahs), qui va porter à bout de bras avec son neveu, le 4ème Imam (as), la postérité des événements de Achoura.
• Cette date particulière soulève malgré tout une série de questions :
• Quelle est la philosophie d’« arbaeen » autrement dit le chiffre 40 ?
• Pourquoi faire une commémoration 40 jours après Karbala : est-ce une commémoration culturelle ou avec des fondements religieux ?
• Qu’entend-t-on par 40 jours après Karbala : est-ce que les captifs sont retournés 40 jours après Achoura ou sont-ils restés un an dans les geôles de Sham avant de retourner à Karbala 40 jours après ?
• La commémoration des 40 jours de la mort d’un homme est-elle le fruit de notre culture ou existe-t-il un fondement religieux à cette forme de commémoration ?
Ces questions sont motivées par le fait que trop de personnes commémorent le 40ème sans vraiment comprendre ou saisir la signification ou la philosophie du « arbaeen ». Pour répondre à ces questions et pour mieux comprendre ce qui se cache derrière le chiffre 40, nous allons tenter de disséquer un certain nombre de questions afin de toucher du doigt la philosophie de ce nombre :
• Où mentionne-t-on dans le Saint Coran le chiffre 40 et à quel Prophète cela se réfère ?
• Comment ce nombre affecte la vie des Prophètes de Dieu ?
• Quelle est la signification spirituelle de ce chiffre ? En effet, de nombreuses traditions (hadiths) mettent en avant la signification spirituelle de ce chiffre.
• Quelles sont les traditions (hadiths) qui nous invitent à honorer une personne 40 jours après son décès ?
• Dans les 40 jours qui ont suivi la tragédie de Karbala, quel périple a suivi la caravane des captifs depuis Karbala en passant par Kufa jusqu’à Sham et le retour à Karbala ? Est-ce que cela est humainement possible ?
• Comment peut-on et devrait-on honorer le 40ème du martyr d’Imam Houssayn (as) ?
Laissez-moi clarifier un premier point. Nous n’allons pas expliquer pourquoi c’est le chiffre 40 qui a été privilégié par Dieu au lieu du 30, du 50 ou je ne sais pas quel autre chiffre. Mais au moins nous essaierons de toucher du doigt quelques-uns des mystères qui se cachent derrière le 40.
2. Le nombre 40 dans le Saint Coran
L’un des tous premiers versets qui évoque le chiffre 40 se rapporte à l’histoire du Prophète Moussa (as). Le verset 51 de la sourate 2 al-Baqarah nous raconte : « Et [rappelez-vous] lorsque Nous donnâmes rendez-vous à Moïse pendant quarante nuits!... Puis en son absence vous avez pris le Veau pour idole alors que vous étiez injustes (à l’égard de vous-mêmes en adorant autre qu’Allah). »
Cet extrait du Saint Coran rappelle le moment où Nabi Moussa (as) fut appelé au mont Sinaï par Dieu afin de lui confier la Thora. Nabi Moussa (as) est véritablement une figure prééminente de toutes les religions monothéistes avec une position centrale dans la religion juive. Nabi Moussa (as), après sa naissance, a été recueilli par la famille du Pharaon d’Egypte, au sein même de son palais. Après avoir accidentellement tué un soldat égyptien pour protéger un esclave juif, il est contraint de quitter l’Egypte vers les terres de Madayn. Là il fait la rencontre de Nabi Shoeb (as) dont il va épouser une des filles.
Dieu lui demande, quelques années après, de retourner vers Pharaon pour l’inviter au monothéisme et pour prêcher l’unicité de Dieu. Ce qui est frappant dans cette demande c’est que Dieu lui ordonne de parler avec douceur à cet homme qui l’a élevé durant les premières années de sa vie, par respect envers lui, et cela malgré le fait que ce soit un despote qui se considérait comme un dieu vivant sur terre. Pharaon, devant cet appel à l’unicité qui sonne comme un affront à ce dieu autoproclamé, n’arrêtera plus de le harceler. Chaque fois que Pharaon tentait de mettre fin au travail de proche de Moïse, un fléau frappait l’Egypte. Dieu leur envoya des afflictions, décrites comme étant des « signes explicites » dans un verset, afin de les punir de leur arrogance (sourate 7 al-Araf – Verset 133). La première de ces plaies fut la sécheresse. Cela eut pour résultat une baisse de la production agricole. Le verset qui fait référence à cela déclare : « Nous avons éprouvé les gens de Pharaon par des années de disette et par une diminution des fruits afin qu'ils se rappellent. » (Sourate 7 al-Araf – Verset 130) Pharaon et ses mages tentèrent de minimiser cet événement exceptionnel pour un pays comme l’Egypte qui brillait par excellence de ses systèmes d’irrigation. Et Dieu envoya alors de nouveaux fléaux pour rappeler à la raison les Égyptiens : « Et Nous avons alors envoyé sur eux l'inondation, les sauterelles, les poux (ou la calandre), les grenouilles et le sang, comme signes explicites, Mais ils s'enflèrent d'orgueil et demeurèrent un peuple criminel. » (Sourate 7 al-Araf – Verset 133)
Chaque fléau était un avertissement pour un despote qui restait désespérément sourd. Quand on y pense, on agit parfois comme Pharaon, ignorant les signes que Dieu nous envoie pour nous rappeler à l’ordre, nous interdisant le mal et nous rappelant aux principes de l’Islam.
Une personne dans l’entourage de Pharaon alla un jour prévenir Nabi Moussa (as) de l’intention de Pharaon de le tuer. Nabi Moussa (as) décida de réunir les Bani Israïl pour les mener à travers la Mer Rouge vers la Palestine. Pharaon qui tenta de les rattraper sera englouti dans les eaux de la Mer Rouge. Après avoir été sauvé par Dieu, les Bani Israïl conduits par Moïse passèrent près d’une ville où les habitants vénéraient une idole qu’ils avaient habillée et décorée. Voyant cela, certains demandèrent à Moïse s’ils pouvaient eux aussi avoir une idole. Face à ce manque de considération et cette ingratitude des Bani Israïl, Nabi Moussa (as) réalisa la nécessité d’une révélation de Dieu, épisode dont fait d’ailleurs référence le verset 51 de la sourate 2 al-Baqarah cité plus haut.
Cette anecdote amène quelques analyses intéressantes. En même temps que Moïse reçoit l’ordre de venir sur le mont Sinaï, il reçoit aussi l’ordre de désigner un successeur et représentant chargé de représenter l’autorité après son départ. Tous les Prophètes de Dieu, avant de quitter ce monde avaient eu pour tâche de nommer un successeur assigné par Dieu. Ce successeur et représentant avait la responsabilité de veiller et de protéger le message qu’il laissait derrière lui. C’est là l’une des responsabilités d’un Prophète de Dieu.
Cet ordre de désignation transparaît clairement dans les versets 25 à 31 de la Sourate Ta-ha: « [Moïse] dit : «Seigneur, ouvre-moi ma poitrine, et facilite ma mission, et dénoue un nœud en ma langue, afin qu’ils comprennent mes paroles, et assigne-moi un assistant de ma famille : Aaron, mon frère, accrois par lui ma force! » C’est un verset que tous connaissent: Rabbi shrah Li Sadri Wa Yassir Li 'Amri Wa Ahlul `Uqdatan Min Lisani Yafqahu Qawli Wa Aj`al Li Waziraan Min 'Ahli Haruna 'Akhi Ashdud Bihi 'Azri)
Dieu seul a le pouvoir de désignation. Aussi, Moïse prie Dieu de désigner son frère Aaron comme son représentant et successeur. Durant cette période d'éloignement de 40 jours, Moïse reçut ce que l'on connaît de nos jours comme étant les dix commandements.
Il est ironique de voir que d'aucun ne conteste l'inquiétude de Moïse de voir ainsi sa communauté livrée à elle-même et d'imaginer le message sans protecteur durant 40 jours. Ayant connaissance et conscience de tous ces faits historiques, on veut faire croire que le Sceau des Prophètes(pslf) n'avait pris aucune disposition pour laisser derrière lui un gardien pour assurer la pérennité et l'intégrité de son Message, laissant le destin de la religion à une pseudo désignation de l’Umma. En chaque occasion, le Saint Prophète (saww) a pris le soin de désigner un représentant de son autorité durant son absence :
• En partant pour Médine, il laisse Imam Ali (as) derrière lui, pour prendre sa place dans son(pslf) lit mais aussi pour accomplir ses volontés avant de rejoindre le Saint Prophète à Médine
• Il désigne Imam Ali (as) comme gouverneur de la Mecque lorsqu'il va à la bataille de Honayn, puis comme gouverneur de Médine lorsqu'il part à la bataille de Tabouk.
• Quand il se rend à une bataille, même pour une absence de courte durée il prend le soin de désigner une autorité. Il est juste inconcevable qu'il n'en fasse pas de même avant de quitter ce monde.
Notre Saint Prophète (pslf), soucieux de l’évolution de sa communauté après sa mort, avait désigné Imam Ali (as) pour le succéder afin de préserver l’Umma et le message de l’Islam : Imam Ali (as) était pour le Saint Prophète (saww) ce qu’Aaron était pour Nabi Moussa (as).
Après cet aparté, revenons à l'histoire de Moïse. Lorsque l'on regarde de près le verset 142 de la sourate 7 al-Araf, on constate que cet autre verset évoque différemment la période de 40 jours d'absence de Moïse : « Et Nous donnâmes à Moïse rendez-vous pendant trente nuits, et Nous les complétâmes par dix, de sorte que le temps fixé par son Seigneur se termina au bout de quarante nuits. Et Moïse dit à Aaron son frère: 'Remplace-moi auprès de mon peuple, et agis en bien, et ne suis pas le sentier des corrupteurs'.»
La confrontation de ces deux versets révèle un point très intéressant : Nabi Moussa (as) ignorait qu'il serait éloigné de sa communauté durant 40 jours. Ce qu'il annonce à son frère c'est une période d'absence de 30 jours. Et Dieu décide de le retenir 10 jours de plus. Cela met en lumière plusieurs choses, en relation les unes avec les autres :
• Nabi Moussa ignorait qu'il serait amené à s'absenter 40 jours, sachant qu'une durée de 30 jours fut révélée.
• La connaissance de Dieu est différente de celle de Ses créatures. Dans le cas présent, même les Prophètes ne possèdent pas une connaissance absolue des choses. La connaissance indépendante appartient à Dieu seul, les Prophètes, incluant le Saint Prophète (saww) ne possède que la connaissance que Dieu a voulu leur donner. Dans le cas présent, c'est la connaissance de l'invisible et d'événements futurs. Pour appuyer ce propos, même l'Ange de la mort ignore la date exacte de la mort d'une personne. Dans ses tablettes, il existe une date prédéterminée de notre mort. Mais il ignore totalement si nous allons faire ou pas des actes qui vont rallonger ou non notre durée de vie : cela Dieu seul le sait.
• En éloignant Nabi Moussa (as) de 10 nuits supplémentaires par rapport à la durée de 30 jours annoncée aux Bani Israïl, Dieu teste la foi de ce peuple. Est-ce que durant ces 10 jours de Ghaybat les Bani Israïl garderont leur foi ou préfèreront-il se tourner vers un veau d'or façonné de leurs propres mains avec leurs propres biens?
Après 40 jours, de retour auprès de son peuple Moïse découvre son frère dans une posture difficile. Un homme du nom d’as-Sameri avait réussi à exploiter l'incrédulité et le manque de foi des gens. De tout temps, ce type d'invisibilité ont existé et existeront. Que retenir de tout cela?
• Si nous osons le parallèle avec notre propre condition, alors nous pouvons très simplement affirmer que notre foi est elle aussi testée par Dieu à travers le Ghaybat de notre 12ème Imam (as). Dieu n'a pas besoin de connaître le degré de notre foi. Il la connait. Mais c'est là un moyen de nous mettre face à nos propres contradictions. La question est de se demander : est-ce que nous aussi, d’une certaine manière, nous n’avons pas fabriqué nos propres veaux d’or. Pour certains c’est peut-être l’argent, pour d’autres c’est peut-être la vénération d’acteurs ou de sportifs etc.
Le nombre 40 est fortement lié à la vie de tous les Prophètes et pas seulement Nabi Moussa (as). Voici d’autres exemples du lien entre la vie de nos Prophètes et ce fameux chiffre 40 :
• Les règnes de Nabi Dawoud et de Nabi Sulayman (as) ont duré 40 ans,
• Notre Saint Prophète (saww) a fait l’annonce de la prophétie à l’âge de 40 ans,
• L’argile dans laquelle a été façonné Nabi Adam (as) fut modelée pendant 40 jours
• Ou encore le déluge du temps de Nabi Nouh a duré 40 jours.
3. La dimension spirituelle du chiffre 40
Évoquons la dimension spirituelle du chiffre 40. Ce chiffre a une résonance particulière dans l’Islam et dans le développement spirituel des êtres humains. Pour poser le décor, citons quelques exemples de hadiths ou de pratiques qui sont des invitations à l’élévation spirituelle :
• Ceux qui récitent le dou’a-e-ahad durant 40 jours seront au nombre de ceux qui aideront notre 12ème Imam (as)
• Ceux qui récitent le zyarat Achoura durant 40 jours verront leurs prières exaucées
• Ceux qui font du commérage (ghibat) verront leurs prières ne pas être acceptées durant 40 jours, c.-à-d. qu’ils n’en tireront aucun bénéfice spirituel. Plutôt que de chercher à mesurer la taille de nos péchés, il est parfois bien plus salutaire de se demander contre qui nous avons désobéi en commettant un péché.
Attardons-nous sur la tradition suivante : « celui qui mémorise et préserve 40 hadiths sera ressuscité en compagnie des savants aux jours de la résurrection. » En réfléchissant un peu, on réussira à nous rappeler de 40 hadiths. Mais est-ce pour autant une garantie pour être au nombre des savants au jour de la résurrection? Non! Même un enfant de 3 ans peut apprendre par cœur des hadiths. Il n’y a rien d’exceptionnel à cela. Ce qui mérite cette grande récompense c’est au contraire la capacité à les comprendre, à les appliquer dans nos vies et à les transmettre aux générations futures. Celui qui mémorise et préserve 40 hadiths sera ressuscité en compagnie des savants aux jours de la résurrection.
Tenez par exemple: « Ne faites pas à autrui ce que vous n’aimeriez pas qu’on vous fasse. » ou encore « dormez peu, mangez peu, parlez peu » ou encore « La langue est blessante. Ainsi si on la libère elle offensera. » Sincèrement est-ce que nous appliquons tous ces hadiths dans nos vies? Pas vraiment me semble-t-il…
L’être humain a une particularité. De nos jours, beaucoup de psychologues mettent en avant le fait qu’il faille environ 6 semaines c.-à-d. 40 jours à une personne pour changer durablement son mode de vie. Notre Saint Porphète (saww) l’a déjà évoqué dans le hadith suivant : « Quiconque dédie 40 jours à la vénération de Dieu, une source de sagesse jaillira de son cœur et se déversera sur sa langue. »
On peut penser que dédier 40 jours à la vénération de Dieu est une chose facile. Mais imaginez par exemple la discipline nécessaire pour effectuer en temps et en heure durant 40 jours ses prières quotidiennes ? Une personne, qui durant 40 jours travaille sur lui-même pour se comporter selon les principes islamiques verra ces principes devenir une seconde nature chez lui. Lorsque l’on s’efforce durant 40 jours de se lever le matin pour faire la prière du Fajr, au bout des 40 jours cela deviendra naturel et normal. Il en est de même pour toutes les pratiques religieuses. Si une personne parvient à s’imposer cette autodiscipline, au bout de 40 jours, prier en temps et en heure deviendra une seconde nature chez lui.
Il y a une tradition (hadith) très fascinante qui fut relayée par nos savants et qui évoque le chiffre 40 : « Vos voisins, 40 maisons à votre droite, 40 à votre gauche, 40 derrière vous et 40 devant vous ont tous des droits sur vous. » Beaucoup de commentateurs et d'exégètes expliquent qu'il faut dépasser la lecture purement littérale pour en saisir le sens métaphorique. On découvre alors que :
• Les 40 voisins sur la droite symbolisent le pouvoir de la colère
• Les 40 voisins sur la gauche symbolisent le pouvoir de l'imagination
• Les 40 voisins de derrière symbolisent le pouvoir du désir
• Les 40 voisins de devant symbolisent le pouvoir de l'intelligence
Ces 4 grandes facultés de l'être humain sont nos voisins. Ce qui est encore plus fascinant c'est que nos savants révèlent qu'il y a 40 étapes pour maîtriser pleinement chacune d'entre elles. On a rarement considéré cette tradition selon cet angle spirituel. Cette maîtrise des facultés élève notre rang au-dessus de celui des anges. Les laisser nous gouverner nous rabaisserait à un état pire que celui d'un animal.
Un des Imam D`Ahlul-Bayte(as) a dit : « Si vous guidez un aveugle sur quarante pas alors Allah vous promet le Paradis. » Pour couper court à toute spéculation, soyons clair : tenir la main d'une personne aveugle pour l'aider sur 40 pas n'assure en rien le Paradis. Il faut ici considérer la portée spirituelle du chiffre 40. L'aveugle symbolise un être humain qui a un cœur et un esprit aveugles, en raison de l'envie, l'hypocrisie, la médisance ou encore l'attachement aux choses matérielles de ce monde. Alors il n'est pas étonnant qu'une personne qui parvient à conduire une telle personne vers la foi soit bénie par Dieu.
Dans le Saint Coran, Sourate 46 verset 15, il est écrit : « Et Nous avons enjoint à l’homme de la bonté envers ses père et mère: sa mère l’a péniblement porté et en a péniblement accouché; et sa gestation et sevrage durent trente mois; puis quand il atteint ses pleines forces et atteint quarante ans, il dit : ‘Ô Seigneur! Inspire-moi pour que je rende grâce au bienfait dont Tu m’as comblé ainsi qu’à mes père et mère, et pour que je fasse une bonne œuvre que Tu agrées. Et fais que ma postérité soit de moralité saine. Je me repens à Toi et je suis du nombre des Soumis’.»
Ce verset parle de l’âge de la maturité spirituelle et intellectuelle de l’être humain. Selon certaines traditions de nos Saint Imam, même Shaytan s’étonne de voir une personne de 40 ans n’ayant toujours pas trouvé le chemin vers Dieu. N’attendons pas d’être aux portes de la mort pour ouvrir les yeux, changer et nous tourner vers Dieu. Qui sait quand cette porte s’ouvrira. À nous de saisir toutes les opportunités et l’inspiration pour changer.
4. La commémoration d’un mort 40 jours après son décès
Essayons d’expliquer maintenant pourquoi il est recommandé de commémorer le 40ème d’un proche décédé. Profitons-en pour citer les traditions qui soutiennent cette pratique. Le Saint Prophète (saww) a dit que : « La terre pleure le décès d’un croyant durant une période de 40 matins. »
Ces quarante jours de souvenir sont une manière d’honorer la mémoire de nos proches défunts. De la même manière, lui donner l’ablution funéraire (ghusl-e-mayyat) ou préparer de la nourriture pour les proches des défunts sont d’autres manières de l’honorer. C’est une pratique très recommandée en Islam. Lorsque Ja’far le frère d’Imam Ali (as) était décédé, il avait ordonné à son entourage : « préparez de la nourriture pour cette famille car elle mérite que nous la soutenions dans ces moments de deuil. »
Je ne peux m’empêcher de penser à une réalité de nos communautés : c’est absolument vital d’honorer nos défunts comme nous le faisons. Mais c’est tout aussi important de ne pas attendre qu’une personne soit décédée pour l’honorer. Comment? En lui témoignant notre respect et notre affection. C’est souvent lorsque les gens meurent que nous prenons conscience de son absence et de ce que nous aurions aimé partager avec lui. Beaucoup prennent du plaisir à dire du mal d’une personne. Mais quand ce dernier meurt, miraculeusement il lui trouve des qualités et se disent tristes de sa disparition. Mais est-ce vraiment sincère ou est-ce là uniquement l’expression de la peur de la mort de ces gens?
Il y a des fondements concrets dans cette commémoration. Commémorer le 40ème n’est pas une tradition mais c’est un acte recommandé dans l’Islam. Mais en raison de notre ignorance, c’est devenu une coutume comme tant d’autres. S’il est recommandé de commémorer le 40ème de nos proches décédés, alors imaginez l’importance de la commémoration du 40ème d’Imam Houssayn (as), l’un des 14 musulmans les plus parfaits de la création et le plus admirable que la terre a eu le privilège de porter. Arbaeen est une commémoration en accord avec la Sunna du Saint Prophète (saww).
Imam Baqir (as) a dit : « Les cieux ont pleuré sur Imam Houssayn (as) durant 40 jours, se levant rouge et se couchant rouge ». Il disait aussi : « le Paradis a pleuré durant 40 matins après la mort de Hussayn. »
Après 40 jours de souvenir de la tragédie de Karbala, le jour d’Arbaeen, nous récitons le zyarat Arbaeen afin de renouveler l’allégeance et l’obéissance que nous avons promises à notre Imam le jour d’Achoura à travers le zyarat Achoura. Imam al-Askari (as) a expliqué qu'il y a cinq signes qui permettent de reconnaître un vrai croyant :
• Effectuer les 51 rakaats de prières journalières (dont 17 sont obligatoires),
• Le port d’une bague sur la main droite,
• Prononcer de manière intelligible et claire « bismilla ar-Rahman ar-Rahim » durant les prières,
• Se prosterner(pour Allah à lui la gloire) sur la terre, de préférence la terre de Karbala
• Et enfin effectuer le Zyarat Arbaeen.
5. 40 jours de périples depuis la capture à la libération et au retour à Karbala
Imam Sajjad (as) et Bibi Zaynab (ahs) furent les premiers à nous enseigner la commémoration d’Arbaeen lorsqu’ils sont revenus à Karbala après leur libération.
Deux théories existent. La première dit que le retour à Karbala a eu lieu 40 jours après Achoura. La seconde dit quant à elle que les survivants sont restés en prison à Sham avant d’être relâchés et de revenir à Karbala 1 an et 40 jours après Achoura. Mais concentrons-nous plus spécifiquement sur la première théorie. Cette théorie est notamment défendue par sheykh Kurbasi, auteur d’une encyclopédie islamique en 100 volumes.
Selon les historiens, après Shame Ghariba, les prisonniers quittèrent la plaine de Karbala le 11 Muharram 61 AH pour arriver à Kufa le 12 Muharram 61 AH, distante d’environ 80 kilomètres. À Kufa, bibi Zaynab (ahs) donna son premier discours historique. Ils restèrent en prison environ une semaine. Le 20 Muharram 61 AH ils se trouvaient dans un endroit appelé Nukheila se trouvant à proximité de Kufa. De là ils furent conduits à Sham auprès de Yazid, où ils arrivèrent le 1er Safar 61 AH. Sur leurs périples vers Damas, ils ont traversé les villes de Tikrit, de Mossoul puis Alep avant d’arriver à Sham. Dans chaque ville que les captifs ont traversée, ils vont subir toutes les formes de brimades, tant de la part de leurs tortionnaires que des populations locales, les prenant souvent pour des rebelles, ignorant bien souvent la véritable identité de ceux qui étaient dans cette caravane macabre. Mais à chaque fois qu’ils quittaient une ville, la grandeur et l’éloquence de ces prisonniers d’exception faisaient frémir le cœur des populations. Et chaque fois après leur passage, une révolte éclatait contre les gouvernements locaux.
À Tikrit ils traversent la ville sous les insultes et les jets de pierres des musulmans, sous les pleurs des chrétiens de la ville horrifiés de voir les musulmans traiter ainsi les descendants du Prophète de l’Islam(pslf). À Mossoul, une grande parade fut organisée pour fêter la victoire du pouvoir contre soi-disant des rebelles. On exhiba les prisonniers dans les rues de Mossoul comme des trophées. Après le départ des captifs, lorsque la population découvrit la véritable identité des prisonniers, environ 4000 personnes se révoltèrent contre le gouvernement local. À Alep, la caravane s’arrêta près d’un monastère où un vieux moine prit soin de la tête sainte d’Imam Houssayn (as). La pierre où fut posée la tête bénie de notre Imam existe encore.
Avant d'entrer à Sham, Umme Kulthum avait imploré Shimr de leur épargner la traversée du marché et de choisir un chemin plus discret. Shimr demanda la raison de ce souhait. Umme Kulthum expliqua alors qu'elle souhaitait éviter le regard des gens sur ces femmes découvertes. Mais Shimr dans sa méchanceté prendra délibérément le chemin le plus animé pour les conduire à Yazid. À Sham, bibi Zaynab (ahs) et Imam Zaynoul Abidine (as) vont livrer deux discours d'une puissance rare, au point que toute la cour de Yazid sera ébranlée. Yazid ne souhaitait pas voir ces gens aussi puissants rester à Sham car ils représentaient à terme une menace pour la stabilité politique de Sham. Il décide alors de libérer les captifs.
Yazid va convoquer Imam Sajid (as) pour lui annoncer sa décision. Il en profite pour demander ce qu'il souhaitait. Imam (as) consultât sa tante mais jamais ce despote ne pourrait leur rendre tout ce qu'ils avaient perdu. Janabe Zaynab (ahs) réclama malgré tout deux choses:
• Les têtes de tous les membres de la famille afin qu’elles puissent être enterrées avec les corps des défunts
• Un endroit pour pouvoir enfin pleurer librement leurs morts, sans le risque de recevoir des coups ou des brimades
Arrivée à Sham le 1er Safar 61 AH, la caravane avait parcouru presque 900 kilomètres par le nord de la Syrie. Ils restèrent dans les prisons de Damas durant une dizaine de jours avant d’être libéré par Yazid et revenir à Karbala le 20 Safar 61 AH. Il est très difficile d’imaginer que les prisonniers soient restés un an en prison à Sham. Deux raisons à cela :
• Il y a d’abord la portée et la puissance des discours prononcés par Bibi Zaynab (ahs) et par Imam Sajjad (as) dans la cour de Yazid. Ces deux discours avaient eu un tel impact que la colère commença à monter au sein de la population. Cette montée du mécontentement et de la contestation était un danger politique pour Yazid. Garder ces captifs en prison était une véritable menace pour son pouvoir.
• Il y a ensuite la présence de Hind épouse de Yazid et celle de son fils qui étaient de fervents fidèles des Ahlulbayt (as). Hind qui a grandi au contact des Ahlulbayt (as) ne pouvait laisser faire Yazid durant plus d’un an.
Selon certains historiens, Yazid va accepter les demandes de bibi Zaynab (ahs). Il va ensuite charger Nu’mân ibn Bachir qui était le beau-père de Mukhtar Thakafi de ramener les captifs là où ils le souhaitaient. Contrairement à l’arrivée, le trajet de retour vers Karbala fut plus court car la caravane prit une route directe par le sud de Damas. Et c’est ainsi qu’ils arrivèrent à Karbala le 20 Safar 61 AH. Jabir Ibn Abdoullah Ansari, le Compagnon de Saint Prophète (pslf) était présent sur les lieux à l’arrivée de la caravane. C’est ce jour-là que fut commémoré le premier Arbaeen de notre Imam Houssayn (as).