L’ayatollah Sobhani, en réponse à cette question a déclaré : « D’après les documents et les preuves historiques que nous avons, le chiisme existait à l’époque du prophète (as) qui l’avait lui-même lancé, et à l’époque du prophète (as) et après son décès, un groupe de partisans d’Ali (as) existait dont tous les membres étaient des Arabes des tribus de descendants d’Ismail (as) ou des tribus du sud.
Certains orientalistes ignorant les origines du chiisme, l’ont attribué aux Iraniens et ont déclaré que chez les Iraniens, existait une royauté qui se transmettait de père en fils, et que les Iraniens après l’entrée de l’islam, appliquèrent ce système à l’islam et considérèrent Ali (as) et ses descendants (as) comme les successeurs du prophète (as), de père en fils.
Cette idée est totalement fausse et ne peut servir d’argument. Premièrement, chez les peuples passés où le prophète avait le statut le plus élevé, ce statut apparemment se transmettait de père en fils, et le Coran dit à ce sujet :
« أَمْ يَحْسُدُونَ النَّاسَ عَلَى مَا آَتَاهُمُ اللَّهُ مِنْ فَضْلِهِ فَقَدْ آَتَيْنَا آَلَ إِبْرَاهِيمَ الْكِتَابَ وَالْحِكْمَةَ وَآَتَيْنَاهُمْ مُلْكًا عَظِيمًا» (Coran, Nissa 56)
« Envient-ils aux gens ce qu’Allah leur a donné de par Sa grâce ? Or, Nous avons donné à la famille d’Abraham le Livre et la Sagesse ; et Nous leur avons donné un immense royaume »
Quand Abraham (as) fut désigné au rang d’Imam, il demanda à Dieu que ce soit aussi le cas de ses descendants, Dieu accepta mais seulement pour ses descendants juste et bienfaisants, et dit :
وَإِذِ ابْتَلَى إِبْرَاهِيمَ رَبُّهُ بِكَلِمَاتٍ فَأَتَمَّهُنَّ قَالَ إِنِّي جَاعِلُكَ لِلنَّاسِ إِمَامًا قَالَ وَمِنْ ذُرِّيَّتِي قَالَ لَا يَنَالُ عَهْدِي الظَّالِمِينَ» (Coran, Baghara 124)
Et rappelle-toi] quand ton Seigneur eut éprouvé Abraham de différentes façons et qu’il sortit (victorieux) de ces épreuves, le Seigneur lui dit : « Je vais faire de toi un Imam pour les gens » - « Et parmi ma descendance ? » demanda-t-il - « Mon engagement, dit Allah, ne s’applique pas aux injustes »
Les successeurs des prophètes faisaient tous partie de leur famille, même dans l’Arabie saoudite à l’époque de l’idolâtrie, et à la mort du chef d’une tribu, le pouvoir ne sortait pas de la famille. Cela montre que la succession du pouvoir dans la famille, n’était pas une particularité des Iraniens, mais existait aussi dans les autres sociétés. Si cette question est la raison de l’adhésion des Iraniens à l’islam, elle aurait dû aussi attirer les gens d’autres sociétés car elle existait dans tous les systèmes à cette époque.
Deuxièmement, comme nous l’avons dit, le chiisme est né et s’est développé à Médine, à l’époque du prophète (as), avant que les Iraniens se convertissent à l’islam.
Quand l’Emir des croyants (as) arriva officiellement au califat, il eut à faire face à trois groupes, celui des briseurs d’allégeance, celui des oppresseurs et celui des Khavaridjs, et ses armées étaient constituées essentiellement d’Arabes du Yémen et d’Hedjaz.
Les documents historiques précisent que la partie principale de l’armée de l’Imam Ali (as) était constituée de Koraïchites, de tribus yéménites, des Banu Aws et des Banû Khazraj. Les Math'hij, les Hamdan, les Kindah, les Tamim et les Modh constituaient l’armée de l’Imam Ali (as) dont les commandants étaient tous arabes, comme Ammar Yasser,
Hashem Merghal, Malik Ashtar, Sa'sa'a bin Sohan et son frère Zayd ibn Suhan, et c’est avec cette armée que l’Imam Ali (as) a vaincu les oppresseurs et les Khavaridjs, sans que jamais, les Iraniens ne jouent un rôle important dans cette armée.
De plus les Iraniens ne sont pas les seuls à avoir suivi le chiisme que beaucoup d’Arabes ont aussi suivi.
Certains orientalistes ont critiqué ce point de vue présenté par Reinhart Pieter Anne Dozy, orientaliste néerlandais, qui considérait le chiisme comme un phénomène iranien, et ont précisé que le chiisme était un mouvement typiquement arabe. Le célèbre orientaliste allemand, Julius Wellhausen, a écrit que le peuple irakien et spécialement les gens de Koufa, à l’époque de Muawiya, étaient chiites, et que les tribus et leurs chefs avaient les mêmes principes et les mêmes convictions.
Un autre orientaliste nommé Ignaz Goldziher, a déclaré : « C’est une erreur de croire que le chiisme est né chez les Iraniens, car tous les mouvements en faveur de Ali (as) sont nés en Arabie.
Adam Mez, orientaliste allemand et fondateur des études islamiques à l'université de Bâle, a déclaré quant à lui, que le chiisme n’était pas une réaction des Iraniens à l’entrée de l’islam, que le chiisme existait dans toute la péninsule arabe excepté dans les villes de La Mecque, de Sanaa, d’Oman, d’Hedj et de Sa'dah, et que la majorité des Iraniens en dehors de la ville de Qom, étaient sunnites, ajoutant que certains Iraniens considéraient même Muawiya comme un prophète.
Ces orientalistes qui avaient fait des études plus profondes sur l’islam que Reinhart Pieter Anne Dozy, ont tous rejeté l’idée d’un chiisme iranien, bien que les Iraniens aient manifesté par la suite, un plus grand intérêt que les autres pays islamiques pour le chiisme, comme l’ont
reconnu les deux écrivains égyptiens, Ahmad Amin Mesri et le cheikh Mohammad Abu Zahra.
Ahmad Amin Mesri qui n’a pas d’attaches spéciales avec le chiisme, a déclaré : « L’adhésion à Ali (as) a commencé avant l’islamisation des Iraniens, mais le chiisme s’est développé grâce aux Iraniens ».
Si sa première idée est exacte, la seconde elle, est fausse car le chiisme n’a qu’un seul sens et signifie l’acceptation de l’islam authentique et des enseignements du prophète (as).
Le cheikh Mohammad Abu Zahra a déclaré que les Iraniens avaient appris les principes du chiisme aux Arabes, et que le chiisme n’était pas un phénomène iranien, ajoutant que des ulémas partisans de l’école des Ahl-ul-bayt (as) avaient fui l’oppression des Abbassides et des Omeyyades, et s’étaient réfugiés dans le Khorasan et la région de Fars où ils développèrent le chiisme, surtout à l’époque où les partisans de Zayd Ibn Ali (as) s’étaient réfugiés en Iran.
Comment peut-on prétendre que le chiisme est une invention des Iraniens alors que les religieux sunnites du premier siècle, sont d’origine iranienne, comme Bokhari, Muslim, Al-Tirmidhî, Hakim al-Nishaburi, Ibn Majah, An-Nasa'i et Abolfazl Beyhaghi, et ceux qui les suivirent.
Les premiers Iraniens qui se sont convertis à l’islam, se sont convertis au sunnisme et sont restés sunnites pendant plusieurs siècles, les chiites peu nombreux, étant dispersés dans diverses régions du Pays.
Le chiisme s’est développé en Iran, avec l’arrivée des Arabes chiites yéménites à Qom et à Cachan, à la fin du premier siècle de l’hégire, alors que l’islam est entré en Iran, la 17ème année de l’hégire.
Le chiisme est donc apparu en Arabie, et s’est développé sur le même modèle islamique originel dans le monde de l’islam.
Au début nous avons dit que le caractère héréditaire du califat avait été pour certains orientalistes, la raison de l’apparition du chiisme en Iran alors que c’était aussi le cas du sunnisme après l’assassinat d’Uthman jusqu’au 7ème siècle. Après la mort du second Muawiya, troisième calife omeyyade qui succéda à son père Yazid, c’est Marvan qui prit le pouvoir qui se transmit de père en fils jusqu’en 132.
Après l’arrivée au pouvoir des Abbassides, leur disparition en 656 et durant l’empire ottoman, le pouvoir était un pouvoir qui se transmettait de père en fils. Par conséquent, il n’est pas juste de dire que le chiisme est un phénomène iranien et si les chiites considèrent que les Imams (as) sont les descendants d’Ali (as), c’est à cause des déclarations du prophète (as) le jour de Ghadir, auxquelles nous avons fait allusion auparavant. Cependant cette succession n’était pas héréditaire dans le sens qu’on lui donne normalement concernant le transfert du pouvoir, car c’est parfois le fils ainé ou le fils le plus jeune qui « hérita » de l’Imamat. Après l’Imam Sadegh (as), c’est Moussa Ibn Jaafar, le plus jeune de ses fils, qui devint l’Imam de la communauté.
Les personnes qui pensent que le chiisme est une invention des Iraniens, ne connaissent pas l’histoire religieuse de l’Iran jusqu’au 10ème siècle, car avant l’arrivée au pouvoir des Safavides en 905, à part les villes de Rey, Cachan, Sabzewār et Qom, toutes les villes étaient sunnites et c’est seulement au début du 10ème siècle que le chiisme s’est répandu.
Le livre « Ehsan al Taghasim » sur la géographie humaine et politique des villes d’Iran, de Mohammad ben Ahmad Shams-al-din al Moghadassi, rédigé en 375, précise : « Il existe dans le Khorasan, des chiites et des Mutazilites, mais la majorité des musulmans et des régions d’Arbil et de l’ouest de l’Iran, sont de confession hanafite excepté dans la région de Shash qui est shaféite, et les régions
d’Azerbaïdjan (Arménie) qui sont hanbalites. La ville de Rey a des hanafites, des hanbalites et des chiites, les habitant de Dinevar sont des partisans de Sufyān al-Thawrī, dans les régions du Khûzistân, les gens d’Ahwaz et de Ramhormoz sont hanbalites, et la moitié de la population d’Ahwaz est chiite sans compter les hanafites et les shaféites qui sont nombreux dans la région. La majorité des Iraniens sont sunnites et partisans de Muawiya, ceux de Kerman sont shaféites, et dans la région de Sand, les gens sont sunnites en majorité. Les gens de Multan (Pakistan) sont chiites et dans l’appel à la prière, utilisent les formules chiites, mais dans les villages, les religieux hanafites sont très nombreux ».
L’explorateur marocain Ibn Battuta (1304-1368) a raconté qu’un religieux chiite, l’Allameh Helli, s’était lié d’amitié avec le prince irakien Khodabandeh, qu’il avait converti au chiisme ainsi que l’armée mongole. Certaines villes le suivirent mais les habitants de Bagdad se sont rassemblés et ont refusé de l’écouter, menaçant même le messager du roi. Ce fut aussi le cas des villes de Chiraz et d’Ispahan.
Al Qâdî 'Iyâd (476 - 544 de l'hégire) d'origine andalouse, affilié à l'école juridique malikite et à l'école théologique ash'arite, dans la préface de son livre « Tartib al Madarek » sur l’école malékite, a écrit : « Les enseignements de l’imam Malek ont été propagés au Khorasan et autour de l’Irak, par Yahya ben Yahya Tamimi et ses partisans qui pendant de longues années, diffusaient des fatwas dans ces régions. Cette école fit son entrée à Kazvin et dans les régions montagneuses de l’Iran à Hamadān et Kermânchâh, où dominait les hanafites et les shaféites.
Carl Breukelman (17 septembre 1868 - 6 mai 1956), orientaliste européen et spécialiste des langues du Moyen-Orient, a déclaré que
quand le roi safavide « Ismaël » est arrivé à Tabriz, cette ville avait 300000 habitants dont 1/3 de chiites et 2/3 de sunnites.
Ces éléments puisés chez les historiens montrent que jusqu’à la fin du 10ème siècle de l’hégire, l’Iran était un pays sunnite et que le chiisme s’est développé à l’époque des Safavides.
Ali ibn al-Athir dans son livre « Al-Kāmil fit-Tārīkh » (L’Histoire au complet) a écrit : « Le sultan Mahmoud a restauré le mausolée de l’Imam Reza (as) que son père avait détruit car il avait vu en rêve, l’Imam Ali (as) qui lui avait demandé jusqu’à quand cela durerait, comprenant que l’Imam Ali (as) était mécontent de la situation qui existait au mausolée.
Ma’moun, roi abbasside, avait décidé d’écrire un livre sur les méfaits de Muawiya, mais Yahya ben Akthar qui était un juge, l’en dissuada disant que les gens n’aimeraient pas entendre ce genre de chose au sujet de leur calife. Cela montre bien que les Iraniens suivirent le chiisme bien après son apparition en Arabie et en Irak.
http://www.hajij.com/fa/moral/questions/item/141-1390-02-22-14-32-29