L’administration Trump devra décider des exemptions des clients du pétrole iranien d’ici le 2 mai.
Certaines sources disent que Washington pourrait se payer le luxe de ne pas proroger les dérogations, décision susceptible de déstabiliser sérieusement le marché du brut. Alors que le prix du brut continue à monter, les USA pourront-ils se permettre un si gros risque?
Depuis son retrait de l’accord nucléaire, Washington n’a cessé de durcir la pression économique contre l’Iran avec un objectif clair : faire tomber, au plus bas, les exportations pétrolières iraniennes. Pour atteindre cet objectif, la Maison-Blanche a demandé, à coup de sanctions, aux pays du monde de réduire progressivement leurs importations en pétrole iranien. Mais le plan n'a guère fonctionné. En novembre dernier, la Maison-Blanche a fait machine arrière en octroyant des exemptions à huit des principaux clients du brut iranien, à savoir la Chine, l’Inde, la Turquie, la Corée du Sud, le Japon, Taïwan, la Grèce et l’Italie. Sur cette même période, la vente du pétrole iranien a grimpé.
La Chine et l’Inde, figurant parmi les principaux clients du pétrole iranien, entretiennent en effet des relations stratégiques avec la République islamique d’Iran et dépendent donc des sources d’hydrocarbure de ce pays. La Chine a donné un coup de pouce à ses importations pétrolières en provenance de l’Iran en lui achetant 754 000 barils par jour tout au long du mois d’avril. Le chiffre a connu une hausse de 33 % par rapport au mois précédent.
Selon les analystes, la chance n'est pas du camp des États-Unis lorsqu'il s'agit de boycotter les banques ou encore les raffineries chinoises et indiennes, dont l'influence est incontournable sur le marché et puis un marché mondial sans pétrole iranien est impossible à imaginer dans la mesure où le prix du baril pourrait exploser.
Déjà les préoccupations, quant à une hausse inattendue des cours du brut, sont à leur comble sur fond de sanctions américaines visant le pétrole du Venezuela, des exportations en provenance de la Libye et de l’Algérie ou encore de la décision de l’Arabie saoudite à réduire sa production. La perspective d'une hausse des courts à l'approche de l'été a même poussé Donald Trump a réagir dans un tweet, c'est dire que malgré ses plans n'ont pas abouti.
Pour mettre en vigueur sa diplomatie de « pression maximale » contre l’Iran, l’administration Trump se trouve en effet face à triple défi : chercher un accord commercial avec la Chine, améliorer les relations américano-indiennes et contrôler la flambée du prix de l’essence à l’intérieur des États-Unis. Pire encore pour Donald Trump : il ne peut plus vraiment compter sur son riche allié saoudien pour faire avancer cette guerre pétrolière contre l’Iran.
À ce propos, John Kemp, analyste du marché des hydrocarbures, a fait paraître le mercredi 17 avril, un article sur Reuters où il a appelé la Maison-Blanche à peser soigneusement les coûts et les avantages avant de renforcer les sanctions contre l'Iran et le Venezuela - et de décider si le prix économique vaut les gains diplomatiques.
« Si la Maison-Blanche durcit considérablement les sanctions contre l'Iran et le Venezuela, l’Arabie saoudite sera très probablement obligée d’augmenter sa production. La Maison-Blanche sera en mesure de ne pas prolonger les exemptions des clients du pétrole iranien à moins que l'Arabie saoudite s'engage à remplacer les barils perdus afin que l'équilibre mondial production-consommation ne soit pas modifié. Dans la foulée, les discussions de haut niveau entre les États-Unis et l’Arabie saoudite sur les sanctions et la politique de production ont déjà commencé. Le président américain Donald Trump s'est entretenu par téléphone avec le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane plus tôt ce mois-ci sur le maintien de la pression sur l'Iran, selon un communiqué de la Maison-Blanche. Le contenu des discussions n’a pas été rendu public, mais il faut croire que le prix du pétrole, la production et les sanctions font partie des discussions.
Pour chaque dollar qui s’ajoute au prix du pétrole, en raison de sanctions, les coûts initiaux pour les ménages et les entreprises américaines s’élèvent à environ cinq milliards de dollars par an. Le prix du Brent a déjà augmenté de 22 dollars le baril depuis le début de l'année, à la suite de la réduction de la production du groupe de pays exportateurs de pétrole de l'OPEP ainsi que de la politique de sanctions et d'autres perturbations de l'offre.
L’impact a été semblable à une augmentation de 110 milliards de dollars par an de la taxe sur les ménages et les entreprises des États-Unis et passera à 150 milliards de dollars si les prix continuent de grimper à 80 dollars le baril. Les hausses du prix du pétrole ont touché les automobilistes, les fabricants, les agriculteurs et les sociétés de transport à travers les États-Unis.
John Kemp a conclu qu’un simple calcul, coûts-avantages politique et économique, explique pourquoi le président américain avait fait appel à l’Arabie saoudite pour qu’elle augmente sa production afin de compenser toute perte supplémentaire de barils provenant de l’Iran et du Venezuela.
À ce rythme, le jeu américain face à l'Iran est perdu d'avance.