Merkel sur écoute : Berlin, nid d'espions

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Pour intercepter les communications d’Angela Merkel, les espions américains opéraient de leur ambassade dans la capitale allemande.

"Das Nest", "le nid", comprenez le nid d’espion. Avec en couverture la photo aérienne du toit- terrasse de l’ambassade américaine à Berlin, transformée en station d’écoute de la chancellerie, située à quelques blocs, "Der Spiegel", le grand hebdo allemand, donne la mesure du scandale de la mise sur écoute d’Angela Merkel par l’Agence de sécurité américaine (NSA).

Le magazine germanique est accablant : citant un document top secret de la NSA, il raconte qu’en 2010, une unité spéciale ( SCS, "Special Collection Service") dépendant à la fois de la NSA et de la CIA a équipé l’ambassade américaine inaugurée en grande pompe en 2008 par George W. Bush devant 4.500 invités avec un matériel ultra sophistiqué, permettant toutes les interceptions téléphoniques. Les communications de la chancelière appelant ses amis de la CDU, le parti dont elle est issue ; celles qu’elle avait avec ses principaux relais économiques ou militaires de pouvoir... Seuls les appels passant par sa ligne directe cryptée hyper-sécurisée auraient échappé à la curiosité des espions yankees.

Berlin va demander des comptes

"Espionner entre amis, cela ne va pas du tout" : avec un sens de la litote rappelant le "I’m not amuse" de la reine Victoria signifiant sa colère, Angela Merkel a exprimé à sa façon sa désapprobation. Car les dénégations de Keith Alexander, patron de la NSA (et classé numéro 8 dans la liste des "disrupters" recensés par "Vanity Fair" !) n’y peuvent rien. En réfutant la date à laquelle le président Obama était au courant de ces pratiques, Alexander a bel et bien reconnu qu’il existait une liaison directe (sans passer par Langley, siège la CIA) entre la NSA et la Maison Blanche pour ce type d’interception. Motif avancé par les experts : durant la crise de la dette européenne, le président des Etats-Unis aurait souhaité connaître la position de la dirigeante la plus puissante de l’Union...

Mortifiée, humiliée par l’ami américain, la chancelière a donc sorti la grosse artillerie : convocation de l’ambassadeur américain par le ministre des Affaires étrangères, envoi d’une délégation cette semaine à Washington pour demander des comptes. Elle sera conduite par Ronald Pofalla, secrétaire général de la Chancellerie, en charge du renseignement et Gerhard Schindler, patron du BND, les "services" allemands. Lors de la prochaine session de l’ONU, l’Allemagne et le Brésil déposeront enfin une résolution sur la protection des libertés individuelles.

Washington tremble déjà?

Sauf que l’Allemagne n’a ni les moyens, ni la volonté de se fâcher pour de bon avec son grand allié. A Bruxelles, lors du dernier sommet européen, les journalistes allemands avaient déjà remarqué le "délicat pas de danse de la chancelière", marchant visiblement sur des œufs à l’évocation de cette grande affaire d’espionnage et évitant soigneusement d’initier une riposte collective. Pourquoi ? D’abord, parce que l’Allemagne - comme la France - se livre probablement aux mêmes pratiques que l’"ami américain"... sans les mêmes moyens.

Ensuite, parce qu’il est toujours délicat de se brouiller avec la première puissance économique du globe, au demeurant grosse importatrice des berlines ou des biens d’équipements made in Germany. Last but no least, dans la psyche allemande, l’Amérique incarne l’alliance atlantique qui a protégé Berlin pendant la guerre froide contre l’hydre soviétique. La preuve : 62% seulement des Allemands se disent idignés par les procédés américains.

Lecteur simpliste ? Peut-être. Mais jusqu’à nouvel ordre, le deuxième round des grandes négociations portant sur le commerce transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis, prévu en décembre prochain, n’a pas été annulé. The smell of money...

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