Ces données méritent quelques explications. Pour l’essentiel, cet article aurait pu être écrit en 2014, lors de la précédente élection présidentielle, les positions des Occidentaux n’ayant pas du tout changé malgré leur défaite militaire.
Le contexte
En 2010 (c’est-à-dire avant la guerre), la République arabe syrienne était un État en fort développement démographique et économique. Son président était le chef d’État arabe le plus populaire, à la fois dans son pays et dans le monde arabe. Il se promenait avec son épouse, sans escorte, n’importe où en Syrie. Il était considéré en Occident comme un exemple positif de simplicité et de modernité.
Lorsque, sur la base de fausses informations, les Nations unies ont autorisé les Occidentaux à intervenir en Libye, la chaîne qatarie, Al-Jazeera, a durant plusieurs mois demandé vainement à ses téléspectateurs de se soulever en Syrie contre le parti Baas. Après la chute de la Jamahiriya arabe libyenne sous les bombes de l’Otan, des groupes armés ont détruit des symboles de l’État et attaqué des civils en Syrie. Comme en Libye, on trouvait des corps démembrés dans les rues. En définitive, à l’appel d’Al-Jazeera, d’Al-Arabiya et des Frères musulmans, des manifestations ont débuté contre la personne du président Bachar el-Assad, généralement au seul motif qu’il n’était pas un « vrai musulman », mais un « infidèle alaouite ». Jamais il n’était question de démocratie ; un concept qu’abhorrent les islamistes. Cependant d’autres manifestations, organisées par le PSNS, dénonçaient l’organisation de l’administration et le rôle abusif des services secrets. Des soldats du Groupe islamique combattant en Libye (GICL), qui venaient d’être portés au pouvoir à Tripoli par l’Otan, étaient transportés en Turquie avec leurs armes par les Nations unies comme « réfugiés », avant de fonder l’Armée syrienne libre [2]. La « guerre civile » débutait alors, tandis que les dirigeants occidentaux scandaient « Bachar doit partir ! » (et non pas « Démocratie ! »).
Durant deux ans, la population syrienne se trouvait confrontée à deux narrations différentes des événements. D’un côté les médias syriens dénonçaient une attaque extérieure et ne rendaient pas compte des manifestations contre l’organisation de l’État ; de l’autre, les médias arabes annonçaient l’imminente chute du « régime » et l’instauration d’un gouvernement de la Confrérie des Frères musulmans. De fait, une petite partie de la population soutenait cette organisation secrète. Les troubles faisaient beaucoup plus de victimes parmi la police et l’armée que dans la population civile. Petit à petit, les Syriens réalisèrent que quels que soient les torts de la République, c’est elle qui les protégeait et non pas les jihadistes.
Durant cette « guerre civile » de trois ans, les jihadistes armés et coordonnés par l’Otan depuis Izmir (Turquie), encadrés par des officiers turcs, français et britanniques, occupaient les campagnes, tandis que l’armée arabe syrienne défendait la population regroupée dans les villes. En 2014, l’aviation russe intervint à la demande de la Syrie pour bombarder les installations souterraines construites par les jihadistes. L’armée arabe syrienne débuta alors la reconquête du territoire. C’est aussi en 2014 que l’Otan encouragea la transformation d’un groupe jihadiste iraquien qui devint Daesh (c’est-à-dire l’« État islamique en Iraq et au Levant ») [3]. En une année le nombre de jihadistes étrangers se battant contre la République arabe syrienne dépassa 250 000 hommes. Il est donc parfaitement absurde de continuer à parler de « guerre civile ».
Dès 2014 la République arabe syrienne créa un ministère de la Réconciliation, sous l’autorité du leader du PSNS, Ali Haïdar. Durant les sept années de guerre suivantes, la République s’est employée à amnistier les Syriens qui avaient collaboré avec les envahisseurs et à les réintégrer dans la société.
Aujourd’hui, le pays est divisé en quatre : l’essentiel est contrôlé par le gouvernement de Damas ; le gouvernorat d’Idleb, au Nord-Ouest, où les jihadistes se sont regroupés, est placé sous la protection de l’armée d’occupation turque ; le Nord-Est est occupé par l’armée US et des milices kurdes ; enfin le plateau du Golan, au Sud, est occupé par Israël qui l’a annexé unilatéralement avant la guerre.
La position des puissances étrangères
En droit international, l’Iran et la Russie sont présentes légalement en Syrie, tandis qu’Israël, la Turquie et les États-Unis occupent illégalement des parties différentes de son territoire.
Les États-Unis, qui avaient réuni la plus vaste coalition militaire de l’Histoire humaine, sous le titre paradoxal des « Amis de la Syrie », ne sont pas parvenus à les maintenir unis. Progressivement chacun a repris son autonomie et poursuit des objectifs qui lui sont propres.
Si le Pentagone entendait détruire l’État syrien conformément à la doctrine Rumsfeld/Cebrowski [4],
la Turquie espérait annexer certains territoires ottomans perdus, définis par le « serment national » de 1920 [5],
le Royaume-Uni cherchait à retrouver ses intérêts économiques impériaux,
et la France souhaitait rétablir son mandat, tel qu’établi par la Société des Nations en 1922 [6].
Après 10 ans de guerre, les armes ayant parlé, il est clair que le Peuple syrien entend conserver sa République et que celle-ci est passée dans l’orbite de la Russie. Jamais, à court et à moyen terme, les Occidentaux ne pourront la façonner à leur guise. On s’attendrait donc à ce qu’ils prennent acte de leur défaite et changent leur discours. Or, il n’en est rien. En politique comme en science, les doctrines ne disparaissent pas lorsqu’elles ont été vaincues ou démenties, mais uniquement avec la disparition de la génération qui les porte.
Les Occidentaux persistent donc à diffuser de fausses nouvelles et à accuser le président el-Assad et la République d’être des tortionnaires, exactement comme le IIIème Reich décrivait Charles De Gaulle comme un valet des juifs et des Anglais à la tête d’une bande de mercenaires et de tortionnaires.
Juste avant l’élection présidentielle syrienne, Washington et Bruxelles sont convenus de leur position commune. Selon eux, cette élection est nulle et non avenue car contraire à la résolution 2254 du Conseil de sécurité des Nations unies. Or, ce texte [7], adopté il y a six ans, n’évoque à aucun moment l’élection présidentielle. Il pose au contraire que l’avenir de la Syrie appartient aux seuls Syriens et confirme la légitimité de la lutte de la République contre les groupes jihadistes. Il se trouve que ce texte a été suivi de négociations en Suisse entre les différentes parties syriennes, puis parallèlement en Russie. Les délégations étaient convenues de réformer la Constitution, mais n’y sont jamais parvenues. Petit à petit, les Collaborateurs de l’Otan (les « opposants ») déposent les armes de sorte qu’il n’y a plus de délégués crédibles pour poursuivre les pourparlers.
Les réfugiés syriens
En 2010, il y avait 20 millions de citoyens Syriens (ainsi que 2 millions de réfugiés palestiniens et iraquiens) vivant en Syrie. En 2011, la Turquie a construit des villes nouvelles à sa frontière syrienne et a appelé les Syriens à s’y fixer le temps que la paix revienne dans leur pays. Ce faisant, elle mettait en œuvre une tactique de l’Otan [8] pour priver la Syrie de sa population civile. Par la suite, la Turquie a opéré un tri parmi ces réfugiés, utilisant les sunnites dans ses usines et envoyant les autres en Europe. Simultanément, de nombreux autres Syriens ont fuit les combats vers le Liban et la Jordanie. Ils sont aujourd’hui un total de 5,4 millions enregistrés par l’UNHCR à l’étranger.
Compte tenu de la désorganisation du pays, il est impossible de déterminer avec précision le nombre de morts dus à la guerre. Celui-ci est d’au moins 400 000 Syriens, peut-être beaucoup plus, et au moins 100 000 jihadistes étrangers. De même, on ignore le nombre et la nationalité des habitants sous contrôle turc ou états-unien. Les Occidentaux n’ont cessé de diffuser des chiffres grotesques durant la guerre. Ainsi, ils parlaient d’un million de « démocrates » dans la Ghouta orientale, mais lorsqu’elle est tombée, en 2013, il n’y avait que 140 000 personnes (90 000 Syriens et 50 000 étrangers). Le chiffre de 3 millions d’habitants dans les zones occupées, donné par les Occidentaux, n’a probablement pas plus de valeur.
Quoi qu’il en soit, les citoyens syriens seraient actuellement 18,1 millions selon la République arabe syrienne. Mais beaucoup de gens n’ont pas donné signe de vie aux autorités syriennes et vivent peut-être encore, réfugiées à l’étranger.
Les Occidentaux, oubliant leur tactique démographique et intoxiqués par leur propre propagande, sont persuadés que les réfugiés ont fui leur pays pour échapper à la « dictature ». Pourtant l’élection présidentielle à l’ambassade au Liban a donné lieu à d’invraisemblables manifestations de victoire face aux agresseurs étrangers et de fidélité à la République. L’immense majorité des Syriens réfugiés n’a cessé de clamer qu’elle n’avait pas fui le « régime », mais les jihadistes. Les mêmes scènes avaient eu lieu en 2014.
La candidature de Bachar el-Assad
Contrairement à une idée reçue, Bachar el-Assad n’a pas hérité de la présidence syrienne. Il ne se destinait pas à la politique et s’était installé à Londres, en 1992, où il vivait une existence de médecin ophtalmologue. Il s’appliquait à servir ses patients, refusant d’ouvrir un cabinet pour les seuls riches et préférant travailler à l’hôpital pour tous. Cependant, à la mort de son frère Bassel, il accepte de rentrer au pays et de suivre une académie militaire. En 1998, son père, le nomme à la tête de la Société informatique syrienne, puis lui confie des missions diplomatiques. Lorsque le président Hafez el-Assad meurt, Bachar n’est pas candidat à sa succession, mais une période d’incertitude s’ouvre pour le pays. C’est sous la pression du parti unique de l’époque, le Baas, qu’il accepte la présidence de la République ; décision confirmée non par une élection, mais par voie référendaire.
Devenu président, il s’attache à libéraliser et à moderniser son pays. Il se comporte en ces temps comme tous les dirigeants européens, ni mieux, ni pire. Mais en 2011, lorsque son pays est attaqué et que les Occidentaux lui offrent des privilèges s’il accepte de partir, il ne se courbe pas, mais se révolte. La famille Assad (« Lion » en arabe) est connue pour son sens du devoir et sa maitrise de la peur. Cet homme comme les autres s’avérera être un dirigeant exceptionnel. Comme Charles De Gaulle, il passa d’un statut d’homme ordinaire à celui de libérateur de son pays.
L’élection présidentielle de 2021
La loi syrienne pose que seuls les citoyens qui sont restés dans le pays durant les dix dernières années, c’est-à-dire durant toute la guerre, ont le droit de se présenter. C’est un moyen de disqualifier ceux qui sont allés se vendre aux Occidentaux. Aussi, seuls trois candidats se sont présentés à l’élection présidentielle de 2021. Les candidats ont eu l’occasion de souligner les problèmes sociaux créés par la guerre et de débattre des moyens de les résoudre.
Mais le scrutin lui-même ne pouvait être qu’un plébiscite ; qu’une expression du remerciement de la Nation à l’homme qui l’a sauvée. 76,64 % des électeurs inscrits ont voté. 95,1 % d’entre eux ont choisi Bachar el-Assad. C’est beaucoup plus qu’en 2014.
Partout la foule a célébré la victoire. C’était autant celle de l’élection présidentielle que celle de la guerre contre les envahisseurs.
Les Occidentaux ne la reconnaissent pas. Ils sont hantés par le souvenir de leurs propres crimes qu’ils tentent de masquer : la majeure partie des habitations, des villes entières, ne sont plus que des tas de ruines, 1,5 millions de Syriens sont handicapés et au moins 400 000 sont morts.
« Discours de victoire électorale », par Bachar el-Assad, Réseau Voltaire, 26 mai 2021.