L'oppression et l'injustice

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L'oppression et l'injustice

Les Saints Imams ont considéré que l’usurpation du droit d’autrui et la perpétration de l’oppression et de la cruauté étaient l’un des pires péchés, et ils ont condamné fermement de telles pratiques, se fondant en cela sur les injonctions du Saint Coran qui dit à ce propos: «Ne pense pas qu’Allah ignore les actions des oppresseurs. Ils a différé la Punition jusqu’au Jour du Jugement, où leurs yeux se fixeront d’horreur» (Sourate Ibrâhîm, 14:42).

L’Imam Ali a fustigé avec force dans ses sermons la pratique de l’oppression et de l’injustice:

«Je jure, par Allah, que si l’on m’offrait tout ce qu’il y a dans les sept cieux et tout ce qui existe sous le Soleil de cette Terre, en échange d’un péché consistant à arracher de la bouche d’une fourmi le tégument d’un grain d’orge, je ne le frais pas».

Cette affirmation montre à quel point un Musulman doit être pointilleux lorsqu’il est question d’injustice, et combien il doit être prudent pour éviter de commettre la moindre injustice, et ferme dans la condamnation de l’oppression! Ne doit-il pas se garder de frustrer une fourmi en lui arrachant l’enveloppe de grain d’orge, même si on lui offrait contre cet acte les sept Cieux? Que alors de ceux qui sucent le sang des Musulmans, pille leurs biens, violent leur honneur et leur dignité! Quelle sera la gravité de leur péché en comparaison de celui que l’Imam Ali refuse de commettre, même contre l’offre de tout ce que le Ciel et la Terre renferment! Et quelle sera leur position par rapport à l’intégrité de l’Imam Ali! La justice exemplaire que prêche l’Imam Ali est ce que la Religion exige des êtres humains.

Oui, l’injustice et l’oppression sont parmi les choses les plus graves qu’Allah a interdites. C’est pourquoi, la condamnation et la fustigation de l’injustice tiennent la première place dans les hadiths et les Supplications des Ahl-ul-Bayt, qui se sont attachés constamment à mettre leurs adeptes en garde contre l’oppression et les oppresseurs.

Telle fut effectivement toujours la position et l’attitude des Ahl-ul-Bayt, une attitude fondée sur une Justice impeccable et sur le refus absolu de l’oppression, même vis-à-vis de ceux qui les agressaient et les offensaient personnellement. L’histoire bien connue du Syrien qui avait offensé et injurié l’Imam al-Hassan, lequel répondit à l’offense par une attitude aimable et sympathique qui fit réfléchir son offenseur et l’amena à regretter sa mauvaise conduite, est révélatrice de la clémence et de l’indulgence de l’Imam, et représentative du souci de tous les Ahl-ul-Bayt d’éviter tout ce qui pourrait conduire à la moindre injustice. Nous avons déjà vu dans les Supplications de l’Ornement des Adorateurs, l’Imam Zayn al-`Abedîn, cette sublime morale consistant à pardonner aux offenseurs leurs offenses, et à demander pour eux le Pardon d’Allah. Certes, la Loi autorise que l’on réponde à l’agression par une agression égale, et que l’on invoque contre l’agresseur le Châtiment d’Allah. Mais ce qui est autorisé par la Loi n’interdit nullement que l’on s’arme d’une tendance au pardon et à la clémence, tendance qui s’inscrit dans la noble morale. Le souci d’éviter d’être injuste a fait que les Imams d’Ahl-ul-Bayt ont considéré que l’exagération dans l’invocation du Châtiment d’Allah contre un agresseur pourrait équivaloir à une injustice. L’Imam al-Çâdeq dit à ce propos:

«Un opprimé qui invoque de manière excessive l’anathème sur son oppresseur pourrait devenir, de ce fait, oppresseur lui-même».

Qu’Allah soit Glorifié! Un opprimé qui ne fait que souhaiter de manière excessive la punition de celui qui l’a opprimé, devient lui-même oppresseur! Que dire alors de celui qui prend l’initiative de l’oppression et de l’agression, qui attaque le premier les gens, viole leur honneur, pille leurs biens, les dénonce aux oppresseurs, les induit en erreur pour les jeter dans une situation périlleuse, les diffame, leur nuit, ou les espionne! Quel est le statut d’un tel malfaiteur dans la Jurisprudence des Ahl-ul-Bayt? Ceux-ci considèrent de tels individus comme étant les plus éloignés d’Allah, les plus condamnables par Lui, et les plus détestables dans leurs actions et dans leurs moeurs.

La Coopération avec les Oppresseurs

Etant donné la gravité du péché d’injustice et de ses conséquences, Allah a prohibé la coopération avec les oppresseurs.

«Ne vous inclinez pas vers les injustes, sinon vous seriez atteints par le Feu de l’Enfer; ne prenez pas de protecteur en dehors d’Allah, autrement vous ne serez pas secourus» (Sourate Houd, 11:113).

Telles sont donc les règles de bonnes conduites du Saint Coran, règles reprises et développées dans les enseignements des Imams d’Ahl-ul-Bayt, qui se sont attachées à inciter leurs adeptes à s’éloigner des oppresseurs, à ne pas prendre contact avec eux, à ne pas coopérer avec eux, et à ne pas s’associer avec eux, même pour un fragment de datte.

Il ne fait pas de doute que le plus grand malheur qui se soit abattu sur l’Islam et les Musulmans, c’est l’indulgence de ceux-ci vis-à-vis des oppresseurs, leur mutisme à propos des méfaits qu’ils ont commis, leur coopération avec eux, sans parler de leur complicité avec eux, de l’appui qu’ils leur ont apporté, et de leur contribution aux injustices qu’ils ont commises. Les calamité qu’a subies et connues la Nation Musulmane ne sont que la conséquence logique de cette déviation des Musulmans du Droit Chemin et de la Voie de la Vérité. Le résultat de cette déviation fut qu’à la longue la Religion finit par s’affaiblir et sa force par se dissiper, pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui, très éloignée de la Voie que lui avait tracée le Saint Prophète, et de la puissance qu’il lui avait assurée. Les musulmans ou ceux qui se disent Musulmans sont tombées aujourd’hui dans un tel lamentable que, loin d’éviter de chercher un protecteur en dehors d’Allah, comme le Coran le leur enseigne, il tendent leurs mains à leurs ennemis et agresseurs (aussi bien les faibles que les forts d’entre eux) et les aident ainsi à perpétuer et accentuer leur agression contre eux. Leur soumission aux puissances non musulmanes et à leurs oppresseurs n’est plus à démontrer.

Les Imams d’Ahl-ul-Bayt avaient déployé tous leurs efforts pour mettre leurs adeptes en garde contre la coopération avec les oppresseurs, et insisté auprès de leurs partisans pour qu’il s’abstiennent de se pencher vers les injustes et de marcher avec eux. Ces mises en garde qu’ils avaient faites aux Musulmans sont innombrables. Citons-en un exemple: la lettre de l’Imam Zayn al-Abidîne à Mohammad ibn Moslem al-Zoharî, après que celui-ci avait soutenu leurs oppresseurs dans leurs oppressions:

«N’est-il pas vrai qu’en faisant appel à toi, ils ont fait de toi un essieu pour faire tourner les moulins de leur injustice, un pont les menant vers leurs méfaits, une échelle conduisant à leur déviation, un instrument appelant à leur égarement, un véhicule marchant sur leur voie? Par toi, ils ont semé le doute dans l’esprit des sages, et attiré le coeur des ignorants vers eux. Aucun de leurs plus fidèles ministres, ni aucun de leurs plus forts partisans, n’était parvenu à apporter autant d’eau que tu en as apportée à leur moulin de corruption, ni à attirer vers eux autant de gens que tu en as attirés vers eux. Que c’est peu ce qu’ils t’ont donné, et que c’est énorme ce qu’ils t’ont soutiré! Que c’est insignifiant ce qu’ils ont construit pour toi, à côté de toute la destruction qu’ils t’ont apportée! Regarde donc toi-même ton âme, car personne d’autre ne la regardera, et demande-lui des comptes comme un homme responsable».

Cette dernière partie de la lettre: «Demande des comptes à ton âme, comme un homme se soumet à l’emprise de ses bas désirs, il se moque au fond de lui-même de sa dignité, c’est-à-dire qu’il ne se sent pas responsable de ses actions, parce qu’il ne peut pas en prendre conscience, et qu’il pense que ce qu’il fait ne peut pas être l’objet de comptes. Tels sont en fait les mystères de l’âme qui s’habite, afin qu’il ne soit pas sous l’emprise de l’illusion, et qu’il ne néglige pas sa responsabilité vis-à-vis de lui-même».

Il y a une autre conversation, encore plus significative entre le septième Imam, Mousâ al-Kâdhem, et Çafwân Jammâl, qui était un adepte sûr de l’Imam et l’un des rapporteurs dignes de foi de ses hadiths. Dans ses « Rejâl » (Biographie des Rapporteurs des hadiths), al-Kâchî rapporte de la façon suivante cette conversation entre l’Imam et Çafwân:

L’Imam : «O Çafwân! Toutes tes actions sont bonnes, sauf une!»

Çafwân : «Que je sois sacrifié pour toi! Laquelle?»

L’Imam : «Le fait d’avoir loué des chameaux à Hâroun al-Rachîd!»

Çafwân : «Par Allah! Je ne les ai prêtés à loyer ni pour son plaisir, ni pour qu’il en fasse un usage illégal, ni pour la chasse, ni pour un divertissement, mais pour qu’il s’en serve dans son voyage à la Mecque! En outre, ce n’est pas moi qui les accompagne, mais mes serviteurs.»

L’Imam : «O Çafwân! Doit-il te payer pour cela?»

Çafwân : «Oui».

L’IMam: «Ne désires-tu pas qu’ils reviennent vivants afin que tu sois payé?»

Çafwân : «Si!»

L’Imam : «Alors, quiconque souhaite qu’ils restent vivants est un des leurs et ira par conséquent en Enfer!»

Çafwân raconte qu’il vendit immédiatement ses chameaux, après cette conversation, pour éviter de les louer à un oppresseur, en l’occurrence Hâroun al-Rachîd.

S’il suffit donc de souhaiter qu’un oppresseur reste vivant, pour être passible du Châtiment de l’Enfer, que dire donc de ceux qui aident constamment l’oppresseur, qui l’encouragent dans son oppression, ou pis, de ceux qui adoptent la voie de l’oppresseur et qui se joignent à lui dans toutes les cruautés qu’il commet!

Occuper une Fonction dans un Etat Oppresseur

Si soutenir les oppresseurs, même avec un fragment de datte, ou même par le simple souhait qu’ils restent en vie, est une chose contre laquelle les Imams d’Ahl-ul-Bayt ont mis vivement en garde les Musulmans, quel péché impardonnable serait de participer à un gouvernement oppresseur, d’accepter d’y occuper une fonction ou de lui prêter serment d’allégeance, ou pis encore, de faire partie des piliers d’un pouvoir injuste et de contribuer activement à l’installation et à la consolidation de ce pouvoir. Car, comme l’a dit l’Imam al-Çâdeq, « un régime oppresseur, c’est le minage de tout le bon droit, le ravivage total du faux, la résurgence de l’injustice, du despotisme et de la corruption. »

Toutefois, les Saints Imams ont autorisé que l’on accepte d’occuper un poste dans un régime injuste si le but de cette acceptation est d’oeuvrer en vue de sauvegarder la justice, d’appliquer les peines prescrites par la Loi Divine, d’aider les Croyants, l’ordonner le bien et d’interdire le mal. L’Imam Mousâ al-Kâdhem a dit, à ce propos: «Il y a, parmi les oppresseurs, certains hommes à travers lesquels Allah établit Sa Convention et Sa Preuve, et qu’IL rend puissants afin qu’ils protègent les serviteurs pieux d’Allah et améliorent les affaires des Musulmans… Ces hommes-là sont de vrais Croyants. Ils sont le Phare d’Allah sur Terre et Sa Lumière parmi Ses serviteurs».

Sur ce sujet, il y a beaucoup de hadiths qui expliquent comment doivent se comporter les gouverneurs et les employés. La lettre de l’Imam al-Çâdeq à Abdullah al-Najâchî, l’Empire d’Ahwâz, en est une illustration.

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