Introduction
Il y a peu de sociétés qui ne soient pas concernées par la religion et l’éducation religieuse. Les sociétés humaines ont toujours considéré la religion et la pratique religieuse comme des nécessités. L’étude des différents textes religieux montre que sans la religion, l’être humain ne pouvait pas atteindre l’objectif final de sa vie. En se référant aux versets coraniques, nous pouvons affirmer que la seule voie de salut est la foi en Dieu et l’obéissance à Ses ordres. (Sourate Baqara verset 5)
« Ceux-là sont sur le bon chemin de leur Seigneur, et ce sont eux qui réussissent (dans cette vie et dans la vie future) »
Aujourd’hui, nous sommes témoins d’un regain d’intérêt pour la religion et les discussions religieuses, dans les différents domaines, et d’un recul des idées négatives et extrémistes sur la religion.
C’est aussi le cas dans le domaine de la psychologie et de l’éducation. Non seulement certains psychologues dans leur spécialité, peuvent parler des tendances vers la religion et de leurs effets, mais tous les psychologues dans les autres branches, ont aussi une vision plus saine et plus impartiale de la religion. Les nombreux articles et rapports empiriques et analytiques sur la religion, notamment à notre époque, leur ont permis de parler sans honte dans leur classe et leur conférence, de la foi religieuse
et de ses effets sur l’esprit et le corps, sans craindre les accusations de retour en arrière ou d’absence de vérifications au niveau expérimental.
Il semble que contrairement à ce qui a eu lieu dans le passé, ce sont le rejet des effets de la foi et l’indifférence à la religion qui sont devenus rétrogrades.
Si nous acceptons que l’éducation religieuse signifie la connaissance de Dieu, l’amour de Dieu et l’obéissance à Ses ordres, nous pouvons dire que le pèlerinage (le Hadj) et ses rites sont des éléments importants de l’éducation religieuse.
L’Imam Ali (as) a déclaré : « فرض الله الحج تقویه للدین » « la raison du pèlerinage est le renforcement de la religion » (Nahjol Balagha maxime 252)
Le prophète (as) a déclaré : « صلوا خمسکم صوموا شهرکم و ادوا زکوه مالکم و حجوا بیتکم تدخلوا جنه ربکم » »
« L’accès au salut et au véritable bonheur dépend du respect de 5 pratiques dont une est le pèlerinage »
Comment expliquer les effets du Hadj et les relations entre le pèlerinage et l’éducation religieuse.
La religion, l’éducation et l’éducation religieuse
Pour mettre en évidence les relations entre le Hadj et l’éducation religieuse, il est nécessaire auparavant, d’expliquer le sens des mots « religion », « éducation » et « éducation
religieuse », puis de définir la place du Hadj dans l’éducation religieuse.
Qu’est-ce que la religion ?
Il existe plusieurs définitions de ce mot mais la définition de Keith Yandell, philosophe de la religion, est peut-être plus complète. Il considère la religion comme un système conceptuel qui donne une interprétation du monde et du statut de l'homme dans le monde, et sur cette base, définit le mode de vie de l'homme en ce monde, sous la forme de rituels, d'institutions et d'actes religieux. Selon cette définition, la religion a trois composantes, la compréhension (interprétation du monde et du statut de l'homme dans le monde), le mode de vie et l'accomplissement des rituels. Cette définition constituera la base de notre discussion dans cet article.
L’éducation
Différentes définitions ont été proposées pour l'éducation mais l'UNESCO définit l'éducation comme "un programme continu conçu pour transmettre un ensemble de connaissances, de compréhensions et de compétences précieuses dans toutes les activités de la vie.
L’éducation religieuse
L’éducation religieuse est une activité systématique et planifiée par des institutions éducatives afin de transmettre les idées et les cadres de l'islam à la communauté, et d’enseigner le respect des règles religieuses. Le but de l'éducation religieuse est
d’enseigner la connaissance de Dieu, l'amour de Dieu et l'obéissance aux directives divines. Ces choses sont naturellement inscrites dans la nature humaine naturellement « prête » à accepter la religion.
Les facteurs influents dans l’éducation religieuse, sont des facteurs intérieurs et extérieurs, et des facteurs métaphysiques. Les facteurs intérieurs sont la nature humaine divine, la volonté humaine et les facteurs héréditaires. Les facteurs extérieurs sont l'environnement humain et naturel, et les facteurs métaphysiques sont l'aide divine ou les influences sataniques.
L'environnement humain comprend la maison, l'école, les amis, le groupe d’âge, les moyens de communication, les institutions culturelles et le lieu de travail. Il ne fait aucun doute que les institutions religieuses et culturelles, les mosquées et les rassemblements religieux jouent un rôle important dans le domaine de l'éducation religieuse, et certaines institutions, compte tenu de leur ampleur et de leurs racines islamiques, ont plus de terrain d’action et de pouvoir
Les différents modes de pratique religieuse
Il existe trois types de pratiques religieuses :
1. Une pratique qui se focalise sur les actes religieux sans tenir compte des émotions et des expériences mystiques
2. Une pratique qui se focalise sur la connaissance sans se soucier des actes, des émotions et des expériences mystiques
3. Une pratique qui se focalise sur les expériences mystiques sans prêter attention à la pratique des rituels et à la connaissance religieuse.
Une de ces pratiques religieuses à elle seule, ne peut servir les buts de l’éducation religieuse qui exige une pratique religieuse qui possède ces trois dimensions. Autrement dit, qui prête attention aux actes, à la connaissance et aux émotions qui constituent l'être humain dans son ensemble. Selon la définition proposée pour la religion dans cette étude, ces trois dimensions doivent être prises en compte. Il faut donc rechercher une pratique religieuse capable de répondre à tous les objectifs de l'éducation religieuse.
Le Hadj dans les enseignements religieux
En se référant aux textes religieux, aux versets et aux hadiths sur le Hadj, nous pouvons dire que le Hadj est une représentation de l’islam. Comme si Dieu avait voulu placer dans le Hadj, tous les aspects de l’islam, afin que Ses serviteurs fassent une fois, l’expérience de l'islam dans sa totalité. La culture et les enseignements islamiques sont réunis dans le Hadj. L'Imam Khomeiny a qualifié le Hadj de « centre d'éducation divine ».
Bien entendu, on ne peut pas s'attendre à ce que le Hadj, ses rituels et l’islam en général répondent à toutes les dimensions cognitives de l’être humain, s’intéressent aux différentes composantes cognitives, émotionnelles et comportementales, et répondent à tous les besoins de l'homme dans ces domaines, mais il est peut-être possible de comparer le Hadj à « un petit modèle » de l’islam comme le prophète (as) l’a fait en déclarant que le Hadj était « toute la religion ».
Cheikh Saduq a écrit :
» قد جاء تعلیل الرسول (صلی الله علیه و آله و سلم) للحج ضمن تعلیله لسائر الفرایض بانه معادل تمام الشریعه اذ قال رسول الله (صلی الله علیه و آله و سلم) جاءنی جبرئیل فقال لی یا احمد الاسلام عشره اسهم و قد خاب من لا سهم له فیها اولها شهاده ان لا اله الا الله و هی الکمه و الثانیه الصلاه و هی الطهر و الثالثه الزکاه و هی الفطره و الرابعه الصوم و هو الجنه و الخامسه الحج و هو الشریعه و السادسه الجهاد و هو العز و السابعه الامر بالمعروف و هو الوفاء و الثامنه انهی عن المنکر و هو الحجه و التاسعه الجماعه و هی الالفه و العاشره الطاعه و هی العصمه «
« Le prophète (as) dans sa présentation des cérémonies du Hadj aux musulmans, a déclaré que le pèlerinage (Hadj) représentait toute la religion. « L’Ange Gabriel m’a dit : « Ahmad ! L’islam a dix parties et quiconque n’a pas ces parties est perdu, premièrement il y a la profession de foi qui est la base des convictions, puis la prière qui est la pureté, la zakat qui est un développement, le jeûne qui est un bouclier, et le Hadj qui est la religion elle-même ».
Le Hadj est un pilier en lui-même et représente l’ensemble des sciences divines, de sorte que toutes les croyances, tous les principes, tous les interdits moraux, toutes les obligations morales, tous les interdits et toutes les obligations pratiques se rejoignent dans l’exercice correct de ses rites.
Bahar Hamadani a déclaré : « La religion considère les actes religieux comme des actes qui font disparaitre les défauts et purifient le croyant. Avec le paiement des obligations financières, il se détache de l’amour de ce monde, en jeunant, il se détache des tentations des passions, en priant, il s’éloigne du mal et des turpitudes, mais le Hadj possède tous ces effets et chacun de ses rites contribue à la purification de l’âme ».
Les mystiques qui recherchent la soumission à Dieu, estiment que les pratiques religieuses ont différents effets sur l’esprit et l’initiation de l’âme. Certaines ont une fonction purificatrice, certaines une fonction d’éducation, certaines sortent l’esprit de l’obscurité et certaines sont une source de lumière. La zakat, l’aumône, le khoms et les réparations financières purifient le cœur de la souillure de l’amour des biens et des richesses. Le jeûne renforce la volonté et la résistance aux désirs de l’âme, protège des instincts et raffermit l’attention aux actes. La prière illumine le cœur par ses récitations et la relation avec Dieu, et purifie l’esprit par la rencontre avec Dieu. Cependant en ce qui concerne le Hadj, il faut savoir qu’il a à lui seul, toutes ces dimensions et tous ces effets. Il purifie, embellit, fait disparaitre du cœur l’obscurité de l’amour des biens, et apporte la lumière
de la prière et de l’invocation de Dieu. L’aumône, l’éloignement des proches et de la tranquillité de la patrie, la suspension des activités professionnelles, les difficultés du voyage et la connaissance de nouvelles personnes aident à nous purifier de l’égoïsme et de l’orgueil, et soumet les orgueilleux et les désobéissants. Le Hadj est une exception parmi les différents actes de culte. La prière conduit l’esprit vers le centre spirituel du monde, le djihad est une guerre idéologique et c’est aussi le cas des autres actes obligatoires comme le jeûne et la zakat. Le Hadj cependant, n’est pas là pour définir une idée, un ordre ou une valeur. Le Hadj représente l’islam dans sa totalité. Il représente tout ce que Dieu voulait dire aux hommes, depuis la vision du monde en passant par la philosophie de l’existence, l’Histoire et les étapes de l’humanité. Le Hadj est la manifestation du parcours de l’être humain vers Dieu, une manifestation codée de l’apparition de l’être humain et de l’islam.
Par conséquent, le Hadj a une place importante dans l’éducation religieuse et ses méthodes. En examinant ces enseignements religieux, nous pouvons déduire les dimensions éducatives du Hadj et de ses rites.
- L’étude des vérités et des enseignements islamiques du Hadj est un des piliers de l’islam et une garantie de sa pérennité. Elle permet aussi de garder vivante l’image de l’islam, et aux musulmans qui effectuent les différents et nombreux rites du Hadj, de le faire revivre chaque année.
Abou Bassir, compagnon de l’Imam Sadegh (as) a rapporté : « L’Imam Sadegh (as) a déclaré que celui qui était en bonne santé et avait la possibilité de faire le pèlerinage, mais ne se rendait pas au Hadj, était comme celui que Dieu ressuscitera aveugle :
« نَحْشُرُهُ یَوْمَ الْقِیَامَةِ أَعْمَى » (Coran sourate Taha : verset 124)
Abou Bassir s’était étonné et l’Imam (as) avait dit : « Oui, Dieu le privera de la connaissance de la voie juste ».
Cette revayat et d’autres revayats montrent que ceux qui négligent le Hadj sont ceux dont parle le Coran au verset 124 de la sourate Taha, et montrent que le Hadj est en fait, le moyen d’accéder à la connaissance de la religion et de la culture islamique.
La station à Arafat est une des étapes du pèlerinage. Après avoir manifesté l’intention de faire le Hadj et mis le vêtement d’Ihram, la présence à Arafat est pour le pèlerin, le signe de la connaissance de soi et de la religion, et d’une prise de conscience. Le nom d’Arafat qui est la première étape du pèlerinage, fait peut-être allusion à la connaissance de Dieu, de Sa pureté et de Sa grandeur. Les pèlerins sont tous pareils, tous « des gens du désert » qui ont abandonné les plaisirs matériels et se sont réunis sous le ciel, en plein air et loin des péchés, dans un endroit qui leur ouvre une fenêtre sur les vérités métaphysiques, où ils cherchent la spiritualité et se joignent pour un instant, à l’adoration générale de Dieu qui existe dans le monde, où ils cherchent leur « soi » qu’ils avaient perdu, le retrouvent
et comprennent que ce qu’ils obtiennent n’est pas ce qu’ils recherchaient sans cesse, jour et nuit, sans jamais être satisfaits.
Hosham Ben Hakam a raconté qu’il avait demandé à l’Imam Sadegh (as) pourquoi Dieu avait ordonné le pèlerinage et les parcours autour de « Sa Maison ». L’Imam (as) Avait répondu : « Dieu a créé les hommes uniquement par sagesse et a ordonné et interdit en fonction de leurs intérêts dans ce monde. Il a créé les gens, en Orient et en Occident, pour qu’ils se connaissent et acquièrent des profits par leur commerce, pour que l’influence du prophète (as) s’étende et que ses paroles parviennent à leurs oreilles et soient rappelées pour ne pas être oubliées. Sans cela, chaque groupe se serait contenté de ce qu’il avait dans sa ville, et les gens aurait été perdu, leurs régions dévastées et leurs profits suspendus. Les enseignements du prophète (as) seraient restés cachés et personne n’y aurait eu accès. C’est la raison du pèlerinage, celui qui se rend au pèlerinage, apprend la religion dans sa totalité, et comme l’a dit le prophète (as), le Hadj représente à lui seul, toute la religion.
- Se libérer des chaines de l’amour du monde
Une des raisons du découragement et de la dépression, est l’amour du monde et de ses apparences. Si les bienfaits matériels peuvent contribuer au bien-être, ils ne peuvent
pas apporter la sérénité, car ceux qui les possèdent sont en général dévorés par la peur de les perdre ou le regret de ce qu’ils n’ont pas pu obtenir. Dans la pensée religieuse, l’être humain dépasse l’attachement aux bienfaits de ce monde et s’attache uniquement à Dieu et à sa beauté qui est unique en ce monde. En s’attachant à Lui, il possède tout et tout ce qui est en dehors de lui, lui parait minime et sans intérêt.
L’Imam Sadegh (as) a déclaré :
» المومن من الله لا موصول و لا مفصول قیل ما معنی لا موصول و لا مفصول قال (علیه السّلام) : لا موصول بانه هو و لا مفصول منه انه من غیره «
« Le croyant est attaché à Dieu, sans s’y attacher directement et sans s’en éloigner. J’ai demandé ce que cela signifiait, il a répondu : « Il n’est pas attaché à Lui de sorte d’être Lui, et n’est pas éloigné de sorte de ne pas être Lui »
فرمود : «به او پيوسته نيست ، تا خودِ او باشد و از او گسسته نيست ، تا از جز او باشد» .
Ceci étant, il reconnait que rien ni personne ne mérite de s’y attacher et se libère de tout attachement, et c’est le sens de la liberté. Sans cela, l’être humain est toujours l’esclave de quelqu’un ou de quelque chose, et dans l’espoir continu de posséder quelque chose ou quelqu’un. L’être humain ressent constamment une souffrance qu’il cherche à apaiser, ressent chez lui, des défauts qui lui enlève toute tranquillité, et sent qu’en entrant en relation avec un pouvoir supérieur et absolu, il est capable de surmonter cette inquiétude. Il y a des gens qui
connaissent cette sérénité tout au long de leur vie. L’être humain qui souffre de ses défauts et de ses lacunes, cherche quelque chose qui permettra à son esprit d’évoluer, et une vérité supérieure à laquelle il peut se lier.
L’étape pour échapper à ces défauts et à ces lacunes, est que l’être humain prenne conscience qu’il existe dans sa nature, un niveau supérieur et meilleur, qui peut l’aider et être un refuge contre le déclin et les dangers. Cette règle générale est la meilleure description de ce qui existe dans l’esprit du croyant. En plus de ce sentiment d’attachement au créateur qui peut être un des effets du Hadj, apparait un détachement de tout ce qui est imparfait et faible, et l’Imam Sadegh (as) a dit à ce sujet :
« اذا اردت الحج فجرد قلبک لله تعالی من کل شاغل »
« Quand tu décides de faire le Hadj, dépouille toi de tout ce qui t’éloigne de ton Dieu »
Le pèlerin de la maison de Dieu abandonne toutes les attaches et prépare son cœur à la spiritualité de la rencontre avec le créateur de l’univers et à se rapprocher de l’absolu.
L’Imam Sadjad (as) a déclaré : « Le pèlerin qui revêt l’habit de l’Ihram, s’interdit toutes les choses que Dieu a interdites ». Cela signifie que le sens de l’Ihram est que le pèlerin abandonne toutes les choses que Dieu a interdites et cette parole de l’Imam (as) signifie aussi que le pèlerin se détache de tout ce qui est autre que Dieu pour rechercher la bonté divine.
Un des effets moraux de la religion est le rejet de l’attachement au monde et à ses plaisirs. Quelle pouvoir est comparable à cette force que Dieu a donnée aux croyants qui négligent ainsi tout ce qui est en ce monde ? Dans de telles circonstances, nos anciens attachements et notre aveuglement nous étonnent et nous font honte. Combien nous regrettons l’obscurité dans laquelle nous vivions et l’importance que nous donnions à des réussites de ce monde qui nous semblent maintenant, illusoires et mensongères. Les fausses réussites sont celles qui ne durent pas et ne sont pas divines. Tout ce qui lui importait avant, l’argent et le pouvoir, fait rire le pèlerin. Comme le monde serait agréable si tous les gens pensaient de cette manière et n’accordaient pas d’importance à ces choses sans valeur ! Sans l’amour de l’argent et des fiertés de ce monde, les gens vivraient dans l’amitié c’est vraisemblablement, la solution à tous les maux que nous connaissons.
Certains penseurs estiment que les actes religieux qui servent à apporter la sécurité et à conduire l’être humain à des concepts profitables, peuvent l’éloigner de lui-même, lui permettre de revenir au monde et l’empêcher d’avoir de mauvaises pensées sur Dieu.
L’Imam Sadegh (as) au sujet du commentaire du verset 50 de la sourate Al-Zariat, a déclaré : « Ce verset concerne le pèlerinage ».
Par conséquent la vérité du pèlerinage consiste à s’échapper de soi et à rejoindre Dieu, à s’échapper de tout ce qui n’est pas
Dieu pour rejoindre Dieu. Bien entendu, il ne s’agit pas d’un rapprochement dans le temps ou l’espace, mais d’une recherche de Dieu. Un des secrets du Hadj est donc cet abandon de tout ce qui n’est pas divin et un retour à Dieu. Le pèlerin qui revêt le vêtement de l’Ihram, paie ses obligations financières, écrit son testament et dit au revoir à ses proches, fait tout cela dans l’objectif de se rapprocher de Dieu et agit dans la voie de Dieu.
- Une des conditions de la valeur d’un acte religieux consiste à se libérer des attaches non divines et de tourner son cœur vers Dieu
Au sujet du port de l’Ihram au début du Hadj, l’Imam Sadjad (as) a demandé à un pèlerin de retour du Hadj :
« فحین عقدت الحج نویت انک قد حللت کل عقد بغیرالله »
« Quand tu as revêtu l’Ihram, est-ce que tu as décidé de te libérer des liens non divins ? »
Cela montre que la condition nécessaire pour entrer dans le Hadj, est la libération des liens non divins comme l’ont fait Abraham, Ismail et Adjar qui sont des modèles pour tous les pèlerins.
Mollah Ahmad Narahi a déclaré : « Le pèlerin après avoir abandonné toutes ses attaches, vient à la Maison de Dieu pour apaiser son cœur et retrouver l’espoir ultime auprès de la Kaaba. En abandonnant ces plaisirs et ces désirs, il supprime les
obstacles qui l’éloignaient du but ultime et ne pense qu’à se rapprocher de Dieu ».
- Connaissance, développement et renforcement de l’identité religieuse et culturelle
L’identité religieuse apparait dans les cœurs et dans la société, après le renforcement de la relation avec Dieu et la reconnaissance de l’autorité divine. Cette identité trouve sa source dans la nature humaine et tout combat pour détruire cette identité qui est en fait un sentiment religieux et une recherche de Dieu, est un combat contre l’humanité.
L’identité religieuse signifie la reconnaissance de croyances, de valeurs et de rites religieux, et est un sentiment général à la communauté religieuse ou à l’ummah. L’identité religieuse concerne le lien entre l’être humain et la religion, et répond aux questions essentielles et profondes sur l’existence, l’origine et le but de la vie.
Le sociologue français Jean Fourastié a déclaré : « l’humanité n’a pas aujourd’hui, de réponses aux questions sur l’être humain » et au sujet des informations des différentes écoles de morale et de philosophie, il écrit : « Ces écoles n’ont pas de réponses sûres au sujet des secrets de l’existence et de la fin du monde. Aujourd’hui, l’humanité dans ce domaine, est plus incapable de donner des réponses que dans le passé, et se retrouve seule ».
Une identité religieuse capable de former une identité civilisationnelle, peut trouver et donner à l’humanité des informations sur la philosophie de l’existence, grâce à une connaissance profonde de la civilisation qui la soutient. Cette identité est une connaissance profonde de la civilisation à laquelle l’individu appartient qui lui permet de sentir qu’il vit dans une société qui a de profondes racines culturelles et historiques, ce sentiment contribuant à la formation de cette identité civilisationnelle. Le sentiment d’appartenir à une culture signifie reconnaitre ses manifestations dans leur ensemble, ses réussites, ses héritages, ses valeurs, ses artistes et ses savants. En s’appuyant sur cette identité civilisationnelle, il est possible de donner un avis correct sur les autres civilisations. Il est évident qu’un vide civilisationnel risque d’entrainer des réactions passives et la soumission aux civilisations qui existent. Les chercheurs comme Samuel Phillips Huntington, estiment que l’identité civilisationnelle est un sentiment profond de différence et le sentiment de la nécessité de protéger ce qui « nous » distingue des autres. L’identité civilisationnelle tout comme l’identité personnelle, nécessite une connaissance. Bien qu’il soit impossible de parler de tous ses aspects, à cause de sa nouveauté, nous pouvons dire que l’identité civilisationnelle peut aider dans le domaine de la connaissance des racines historiques de cette civilisation, des services qu’a rendus cette civilisation, de ses particularités, de ses influences sur les autres civilisations et de sa place exacte dans le monde contemporain. Quelqu’un qui arrive à se
connaitre dans un système de civilisation, s’attachera à cette civilisation et cela contribuera au renforcement de cette civilisation et à sa défense en cas d’attaque.
Effectuer le pèlerinage sur les lieux saints de la révélation coranique, prépare le pèlerin à connaitre ses racines islamiques, les racines historiques et les particularités de sa civilisation. Cela lui permet de connaitre les personnalités qui ont marqué cette civilisation et sa place parmi les autres civilisations. L’expérience a montré que les cérémonies religieuses jouaient un rôle important dans la constitution de cette identité. L’être humain ne vit pas seulement avec sa raison et ne peut pas, pour assurer ses intérêts, agir uniquement en fonction de sa raison et de ses calculs, sans avoir une idée de ce qu’il est lui-même. L’assurance des intérêts dépend de la prise de conscience de son identité.
Lors des bouleversements sociaux, les identités qui étaient jusque-là reconnues, disparaissent, avec une reconstruction et une nouvelle connaissance de soi. La religion a des réponses précises à ceux qui se demandent qui ils sont et d’où ils viennent. Toutes les religions donnent ce sentiment d’identité et montrent la voie de la vie. Dans ces cérémonies, les pèlerins retrouvent leur identité historique ou la reconstruisent. Comme l’a dit Samuel Huntington, malgré les inquiétudes des êtres humains sur l’objectif du monde, la religion arrive à créer des frontières entre les croyants et les incroyants, entre « les nôtres » et les étrangers, et à former une identité. Par rapport à
ceux qui définissent la civilisation comme une culture plus étendue, le concept d’identité civilisationnelle a un sens plus développé et plus profond. L’identité culturelle se limite en général, aux frontières d’un pays ou d’un peuple, alors que le concept d’identité civilisationnelle dépasse les frontières et peut concerner plusieurs nations comme la civilisation islamique ou la civilisation occidentale qui dépassent parfois les limites des continents.
Samuel Huntington qui a créé ce concept, considère qu’il s’agit de deux concepts différents bien qu’ils soient tous les deux nécessaires. Une des dimensions du Hadj peut donc être la reconstruction de l’identité religieuse. Les musulmans de nationalités différentes, participent à ce congrès international les uns à côté des autres, et effectuent les mêmes rites sans prêter attention à leurs différences culturelles, sociales et nationales. Ces rites issus d’une civilisation divine, sont les mêmes pour tous, sont révélateurs de secrets et conduisent les pèlerins vers la prise de conscience de cette identité civilisationnelle et des origines de ces cérémonies, sans tenir compte des comportements individuels ou nationaux. Dans cette ambiance, les pèlerins peuvent trouver l’appui et les connaissances nécessaires, et rester à l’abri de l’influence des autres civilisations.
Bernard Lewis estime que dans le monde de l’islam et dans des conditions spéciales, les musulmans ont montré à plusieurs reprises, qu’ils retrouvaient leur unité religieuse définie dans
l’islam, leur foi et leur identité de base, sans qu’entrent en jeu leurs ethnies ou leurs pays.
Cette reconstruction est le résultat des relations humaines car sans ces relations, la société humaine est une société sans culture, sans identité et dépourvue de sens.
Plus les relations entre les individus seront fortes, plus la connaissance de soi et l’identité culturelle et civilisationnelle seront fortes. En d’autres termes, le niveau d’identité de chacun dépend de la connaissance qu’il acquiert de l’identité des autres.
Si nous savons ce que nous ne sommes pas, nous saurons ce que nous sommes, et accéderons à un sentiment d’identité plus profond et plus durable. Plus nos relations seront fortes et variées avec les autres, plus nous aurons une connaissance approfondie de nous-mêmes. La prise de conscience de cette identité dépend de notre expérience de l’identité des autres. L’étendue de notre panel de relations nous permet d’étendre notre personnalité et les dimensions de notre identité. Le Hadj est la principale cérémonie religieuse de l’islam qui rassemble chaque année, les musulmans, dans cet immense congrès, et les dirige vers des rites fixés et des slogans uniques, pour une meilleure relation avec Dieu et dans sa meilleure forme.
Les cérémonies du Hadj ne sont pas des cérémonies familiales comme les mariages ou les visites aux malades, ni des cérémonies comme les prières en commun dans un quartier. Ces cérémonies ne sont pas non plus des cérémonies
nationales d’un pays ou d’un peuple, ce sont des cérémonies spirituelles à l’échelle mondiale. Dans les conditions actuelles de la mondialisation, les relations entre les peuples se limitent à des relations matérielles et politiques, mais le Hadj est une cérémonie spirituelle mondiale qui donne aux musulmans le sentiment de cette identité civilisationnelle
En fait, le Hadj est un microcosme de l’Ummah islamique, qui se déroule de façon régulière, et est la démonstration de l’identité commune des pays islamiques. Les musulmans dans le monde entier, se sentent reliés par un sentiment de fraternité, mais cela reste au niveau des paroles et des slogans. Ce qui les relie dans la pratique, et leur confère cette identité commune, est leur présence aux différentes étapes du Hadj. Le pèlerin après avoir participé à ce rassemblement, se considère comme un membre de ce grand ensemble qu’est l’Ummah islamique, et le rôle du Hadj dans le renforcement de l’identité civilisationnelle, est visible dans l’Histoire.
L’Imam Sadegh (as) a dit à ce sujet :
« امرهم بما یکون من امر الطاعه فی الدین و مصلحتهم من امر دنیاهم فجعل فیه الاجتماع من المشرق و المغرب لیتعارفوا »
« Dieu rassemble à la Mecque et au pèlerinage, les musulmans de l’Occident et de l’Orient, pour qu’ils se connaissent ».