Alors âgé de quatre-vingt quatorze ans, ‘Unwan alBasri raconte : « J’ai fréquenté Mālik ibn Anas durant des années. Cependant lorsque Ja’far ibn Mohammad (Psl) est arrivé à Médine, j’ai tenté d’apprendre chez lui, comme j’apprenais chez Mālik. Or il me dit un jour : « Je suis un homme très occupé et j’ai des invocations à faire à chaque moment du jour et de la nuit. Ne me distrais pas, continues de fréquenter Mālik et d’apprendre chez lui comme tu le faisais auparavant ».
Affligé par ces paroles, je suis sorti de chez lui en me disant : S’il avait auguré du bien en moi, il ne m’aurait pas empêché de le fréquenter et d’apprendre chez lui. J’entrai dans le mausolée du Prophète (Pslf) et je le saluai. Le lendemain, j’entrai à l’intérieur de sa tombe, dans alRawda (une ancienne partie du mausolée du Prophète(Pslf), datant de son époque) où je fis une prière de deux rak‘ah et je dis : « Ô Allâh, ô Allâh, je Te Supplie d’attendrir le cœur de Ja’far ibn Mohammad envers moi, ce qui m’aidera à me diriger sur Ta Voie droite ». Je rentrai triste et je n’allai plus chez Mālik à cause de l’amour pour Ja‘far ibn Mohammad qui me saisissait. Je ne sortis plus de chez moi que pour les prières obligatoires. Toutefois, je perdis patience. Le cœur oppressé, je mis mes chaussures et m’enveloppai de mon manteau.
Après la prière de l’après-midi, je pris le chemin de la maison de Ja‘far, et arrivé devant la porte, je demandai la permission d’entrer. Son serviteur sortit et me demanda : « Que désires-tu ? ». Je dis : « Saluer le chérif » (descendant du prophète ; ici il s’agit de l’Imâm Sâdeq (Psl)). Il me répliqua : « Il est en train de faire la prière ». Je m’assis en face de sa porte. Je patientai un peu, alors le serviteur ressortit en disant : « Entre, avec les bénédictions d’Allâh ! ». J’entrai et saluai l’Imâm (Psl). Il me rendit mon Salam et me dit : «Assieds-toi ! Qu’Allâh te pardonne ! ». Je me suis assis. Il garda longtemps le silence, puis il leva la tête pour me demander mon surnom (afin de connaître le nom de mon enfant ; car il était coutumier à l’époque d’appeler les pères en tant que père de leur fils aîné). Je lui répondis : « Abū Abdallâh (le père d’Abdallâh) ». Il pria pour moi en ajoutant cette formule de politesse : «Qu’Allah t’assure ce surnom (« Qu’Allâh garde ton enfant » ou « que tu mérites ce surnom ») ». Je me dis : pour cette visite, seule cette prière suffit déjà amplement.
Je dis : « Ô Abû Abdallah ! Conseille-moi ! ». Il me dit : « Je te recommande neuf choses : ce sont mes recommandations destinées à ceux qui cherchent le chemin qui les conduira à Allâh, et j’invoque Allâh afin qu’Il t’en facilite la pratique. Trois d’entre elles concernent l’ascèse spirituelle, trois autres la clémence et les trois dernières le savoir. Prend sérieusement garde à ne pas les négliger ». ‘Unwan dit : je préparai mon cœur pour bien saisir tout ce que l’Imâm allait me dire, puis l’Imâm dit : «
Évite de manger sans appétit, car cela engendre la
sottise et la stupidité, ne mange que lorsque tu a faim et lorsque tu manges ; mange de ce qui est halal (licite) et cite le nom d’Allâh tout en te rappelant ce hadith du Prophète Mohammad (Pslf) :
« L’homme n’a point rempli un récipient aussi détestable que son ventre. Toutefois, par nécessité, il faudra réserver un tiers du ventre pour le solide, un tiers pour l’eau et un tiers pour l’air ». Pour les trois recommandations qui concernent la clémence : à celui qui te dit : « Si tu dis un, tu entendras dix », réponds : « Si tu dis dix, tu n’entendras même pas un ! ».
A celui qui t’injurie, réponds comme suit : « Si tu dis la vérité, qu’Allâh me pardonne et si tu es un menteur, qu’Allâh te pardonne ». Celui qui te « gratifie » avec des insultes, gratifie-le avec labienveillance et le respect. Quant au savoir : demande aux savants tout ce que tu ignores, évite de les indisposer par des questions embarrassantes ou faites pour les éprouver, évite d’agir selon ton propre avis dans les questions de la charia, use de prudence dans tout ce à quoi tu as accès, évite d’émettre un jugement comme si tu fuyais devant un lion et ne fais pas de ton cou un pont en émettant des fatwas dans les domaines religieux. Maintenant lève-toi et pars. Dès lors que je viens de te donner ces conseils, ne gâche pas mon invocation, parce que je suis un homme soigneux envers moi-même et très précis en ce qui concerne mon temps »