Pendant que la France joue son rôle, au Mali, que François Hollande récite, béatement, son texte et que les médias peinent à trouver un contenu à leur couverture de cette «guerre», des choses beaucoup plus importantes se passent en coulisse. En coulisse, mais au vu et au su de tout le monde, car il n’est plus besoin de se cacher. Tant que les grands médias n’en parlent pas, ça n’existe pas. Et ils n’en parleront pas.
On a vu, dans un précédent article comment des forces spéciales américaines étaient en train de se déployer dans la région de Kourémalé, ville frontière entre la Guinée et le Mali. Parallèlement à ce déploiement, on a vu une forte activité sécuritaire de la part des autorités guinéennes pour contrer d’éventuelles infiltrations des djihadistes maliens non seulement dans leur pays, mais aussi dans les pays voisins. Etant donné l’invraisemblance de cette narrative, nous avions soupçonné d’autres objectifs derrière ce déploiement. Il semble que nous avions vu les choses à minima.
Là où tout le monde parlait d’Areva, de reconquête d’une ancienne colonie, de Françafrique et autres facteurs géopolitico-économiques n’intéressant que la France seule, on constate qu’il y avait bien plus que cela. Certes, ces facteurs ont pu jouer ; mais comme outils ou catalyseurs. Ils ont pu aussi avoir été utilisés comme moyen pour détourner les regards pendant que les choses sérieuses se développent progressivement, étape par étape, dans les coulisses. La France, avec sa « légitimité » africaine, n’aurait joué qu’un rôle d’enfumage avec la complicité de chefs d’états africains mis en place par le système.
Pendant que l’Opération Serval suit son cours, se modifiant de jour en jour pour s’adapter à la nouvelle donne, les américains préparent déjà les épisodes suivants. Partant des évènements du Mali, devenu comme un épicentre, ils s’intéressent à tous les pays alentour. D’abord, on a vu la prise d’otage sanglante de In Amenas qui ne doit rien au hasard. Ensuite on a constaté que la Guinée était sur les dents, prête à combattre les terroristes qu’on annonce déjà sur son territoire. A l’Est, au Niger, on apprend qu’une base de drones Predator vient de voir le jour. Le président nigérien Mahamadou Issoufou justifie cette présence par la nécessité de protéger ses frontières des infiltrations de groupes djihadistes. A l’Ouest du Mali c’est la Mauritanie. La frontière entre les deux pays s’étend de l’Algérie au Sénégal. La Mauritanie est concernée dans ce conflit au plus haut point, même si on en parle peu. De fait, des choses s’y passent. Outre les conseillers habituels, américains ou français, en matière de lutte contre le terrorisme, c’est une véritable petite force armée qui s’y est déjà constituée, armée et entrainée par les américains. Cette force, que l’on peut qualifier d’internationale est basée à Néma, à l’extrême Sud-Est de la Mauritanie, non loin de la frontière malienne. Comme pour montrer l’importance que les Etats-Unis accordent à ce dispositif, le général Carter Ham, Haut-commandant des forces armées américaines en Afrique (Africom), est venu saluer mercredi les soldats engagés dans des exercices militaires avec des opérations aéroportées et au sol. Le plus curieux c’est que ces exercices militaires, connus sous le nom de "Flintlock 2013″ avaient été programmés, depuis…2011.
Le dispositif est donc bien en place. Je ne parle pas des forces françaises à la poursuite de fantômes dans les sables du Mali et qui semblent disparaitre dans la nature avant même que les chefs militaires n’aient terminé la mise au point de leurs attaques. Le vrai dispositif semble avoir été bien mûri, et de longue date, non pas à l’Elysée, mais à Washington. Hollande, en est-il le jouet ou le complice ? Ou les deux ? Quelle que soit la réponse, elle nous ramène à un Hollande plus normal, loin de cette image d’un petit bonhomme mal à l’aise dans son armure de César ou d’Alexandre à la reconquête de l’Afrique. Hollande serait donc celui que nous avons toujours connu, poussé à la présidence après avoir été «WeightWatcher isé», relooké, briefé, et après plusieurs séances de répétitions devant sa glace pour s’approprier les postures mitterrandiennes.
En revenant sur certains fondamentaux, à défaut de comprendre ce qui se passe réellement, on peut, du moins, éliminer certaines assertions souvent tentantes. Un de ces fondamentaux est que la France a perdu son indépendance en matière de politique étrangère et n’a plus aucune marge de manœuvre à cet égard. Pour toute décision dans ce domaine, elle doit consulter ses partenaires et les Etats-Unis en particulier, y compris pour l’Afrique où les appétits de l’oncle Sam sont montés en flèche depuis que les chinois sont dans la place. Comment alors croire que Hollande peut, comme ça, du jour au lendemain, décider de déclencher une action militaire, au nom de la grandeur passée de la France dans cette région ? Et cela dans une zone où les Etats-Unis disposent de pions solides – un président de CEDEAO ancien du FMI, un Premier ministre ancien chercheur de la NASA, un putschiste déclencheur de tout ce chaos, formé dans les écoles militaires américaines ? On avance souvent les intérêts d’Areva au Niger. Là aussi les fondamentaux montrent que Areva n’est pas seule dans ce pays. Entre autres, on y trouve, pour l’extraction de l’uranium, l’Australie, le Canada et la Chine. Donc Areva n’est pas le seul maître à bord, comme on l’entend souvent. Pourquoi les Canadiens ou les Australiens, qui ont pourtant autant sinon plus d’intérêts à défendre, n’envoient-ils pas leurs soldats au Niger ? Du coup la France apparait comme un simple pion sur un échiquier, ne maîtrisant rien sinon sa propre mission.
Pendant ce temps, le «djihadisme» avance en Afrique. C’est du moins ce que l’on prépare les esprits à accepter. Comme on l’a vu dans un autre article, les djihadistes, armés de leur charia et de leurs bombes artisanales, précèdent toujours les interventions militaires. L’Afrique n’échappera pas à la règle. On parle déjà d’obscurs projets d’islamisation du continent. On peut parier que dans les mois à venir, divers experts vont palabrer sur le sujet. Des plus sceptiques jusqu’aux plus alarmistes, tous contribueront à en faire un sujet d’actualité brulant. La première bombe qui explosera quelque part mettra tout le monde d’accord. Ce sera reparti pour un tour.