Pourquoi Macron s’oppose au plan de Trump pour Gaza ?

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Pourquoi Macron s’oppose au plan de Trump pour Gaza ?

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Pour la première fois, le président français Emmanuel Macron a réagi à la proposition tonitruante de Donald Trump, qui avait suggéré le 5 février de déplacer « à long terme » les Palestiniens de Gaza vers les pays voisins et la réaménager en une « Riviera du Moyen-Orient ».

Dans une interview diffusée sur la chaîne américaine CNN, Emmanuel Macron prend position et s’oppose au projet du nouveau président américain. Dans son plan, Donald Trump prévoit que les Gazaouis puissent aller vivre en Égypte ou en Jordanie, deux pays qui s’y sont opposés et qui font face désormais aux menaces de représailles financières du président américain.

Face à cette situation, le chef de l’État français appelle au respect. Emmanuel Macron a aussi fait part de son souhait de penser collectivement à l’après-guerre à Gaza et notamment en matière de gouvernance, de sécurité et de reconstruction.

Macron estime que la réponse adéquate à la situation actuelle doit être « politique », et respecter « la volonté du peuple palestinien d’avoir un État. »

Reste à savoir quelles sont les raisons qui ont poussé le président français, pourtant allié et ami de l’entité d’occupation israélienne, à contester la nouvelle manœuvre scandaleuse du tandem américano-israélien.

Macron s’attaque à l’« opération immobilière » de Trump à Gaza

Une proposition qui n’en finit plus de scandaliser. Dans une interview diffusée mardi 11 février par CNN, le président français Emmanuel Macron a réagi à la proposition faite par son homologue américain, Donald Trump, qui a suggéré la semaine dernière que les États-Unis prennent le contrôle de la bande de Gaza pour la vider de sa population, afin d’en faire « la Côte d’Azur du Moyen-Orient. »

« Gaza n’est pas un territoire vide, mais une terre où deux millions de personnes vivent et veulent vivre. On ne peut pas dire à deux millions de personnes : ok, maintenant devinez quoi ? Vous allez bouger », a dit le chef d’État lors de cet entretien enregistré le 6 février à l’Élysée.

Selon Emmanuel Macron, « la bonne réponse n’est pas une opération immobilière, c’est une opération politique » qui doit respecter « la volonté du peuple palestinien d’avoir un État ». Il a également appelé au « respect » de l’Égypte et de la Jordanie, « ces pays souverains », cités par Donald Trump pour accueillir les habitants de la bande de Gaza.

« La réponse adéquate est de sauver les civils. Nous sommes aujourd’hui dans une situation humanitaire, nous avons donc un cessez-le-feu, nous devons le préserver. Nous devons rétablir les opérations humanitaires et sauver le plus grand nombre de personnes possible », a-t-il insisté.

Pour rappel, Donald Trump a choqué la communauté internationale en proposant, le 5 février dernier, une prise de contrôle de la bande de Gaza par les États-Unis.

« Les États-Unis vont prendre le contrôle de la bande de Gaza et nous allons faire du bon boulot avec », a déclaré le président américain lors d’une conférence de presse au côté de Benjamin Netanyahu, parlant du territoire palestinien comme d’un « chantier de démolition ».

Le président américain avait déjà suscité une vague d’indignation internationale en proposant de faire « tout simplement le ménage » dans la bande de Gaza et de transférer ses habitants dans des lieux « plus sûrs » comme l’Égypte ou la Jordanie, qui ont manifesté leur rejet catégorique au plan trumpien.

Macron appelle au réveil stratégique de l’UE face à l’« électrochoc » Trump

L’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump se traduit par une « extrême incertitude stratégique » dans laquelle le monde vit actuellement, estime Emmanuel Macron dans une interview accordée au quotidien britannique The Financial Times.

L’Ukraine constitue bien évidemment l’un des thèmes forts de cet entretien. Sur cette question, le président français met en garde contre une « paix qui serait une capitulation », et à laquelle on aboutirait sans l’implication de l’Europe.

Autre conflit, évoqué par Emmanuel Macron, celui qui oppose depuis octobre 2023 le régime israélien et la Résistance palestinienne. Les visées de Donald Trump sur Gaza illustrent « l’extrême incertitude stratégique » dans laquelle le monde vit actuellement, poursuit le chef de l’État français. Cette incertitude, selon lui, oblige à une prise de conscience. Celle qui doit conduire à la refonte radicale du fonctionnement de l’UE et de ses États membres.

Macron n’a pas hésité à dénoncer publiquement la politique et la conduite d’Israël dans ses agressions militaires à Gaza et au Liban. Pourtant, la problématique de la poursuite de la vente d’armes à Israël agite la sphère politique depuis le début de l’agression israélienne alors que la France est mise en cause par plusieurs enquêtes journalistiques l’accusant d’avoir vendu des composantes d’armes offensives dont des « équipements électroniques » utilisés pour la fabrication de drones armés soupçonnés d’être utilisés pour bombarder Gaza.

Les déclarations de Macron interviennent dans un contexte de tensions accrues au Moyen-Orient, notamment en raison de la guerre génocidaire d’Israël à Gaza et des propositions controversées concernant l’avenir du territoire. La France, par la voix de son président, appelle à des solutions diplomatiques respectant les droits des populations locales et le droit international.

Il est à noter que cette position a suscité des réactions variées sur la scène internationale, certains soutenant l’approche française axée sur la diplomatie et le respect des droits humains, tandis que d’autres estiment que de nouvelles approches devraient être envisagées pour résoudre le conflit israélo-palestinien.

Le président français appelle, une nouvelle fois, à un « réveil stratégique » de l’Europe et notamment à plus de lucidité de la part de ceux qui, en Europe, pensaient encore pouvoir vivre dans un état de « dépendance stratégique » à l’égard des États-Unis.

Plus globalement, pour Emmanuel Macron, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche représente un « électrochoc » qui doit pousser l’Union européenne à se doter d’une autonomie stratégique, à investir dans sa propre défense, sa relance économique et technologique. Cela signifie abandonner un cadre budgétaire et monétaire, datant de 1992 et qu’il juge « obsolète ». « C’est le moment pour l’Europe d’accélérer et d’agir », explique-t-il, tout en mettant en garde contre le risque d’échec pour l’UE.

En aspirant à cette autonomie stratégique, la France, en tant que grande puissance européenne, cherche à maintenir et à renforcer son influence au Moyen-Orient. Le rejet du plan de Trump pourrait illustrer la volonté de démontrer l’indépendance de la diplomatie française vis-à-vis des politiques américaines.

La France entend maintenir son influence politique et économique au Moyen-Orient

Depuis le début du conflit au Moyen-Orient, même si Paris revendique une position équilibrée, les coups de barre dans un sens ou dans l’autre de l’Élysée créent une impression de confusion qui ne fait qu’affaiblir la voix de la France. Au point qu’Emmanuel Macron donne parfois l’impression d’improviser alors que, sur le dossier israélo-palestinien, chaque mot compte.

« Il ne faut pas se faire d’illusions, la France ne peut pas peser à elle seule. Il faut être très attentif à jouer en coalition dans cette affaire, avec des pays européens et arabes capables de pousser des solutions raisonnables, mais aussi avec les États-Unis. C’est le seul moyen pour la France de retrouver de l’influence au Moyen-Orient », a récemment déclaré Bertrand Besancenot, ancien ambassadeur français au Qatar et en Arabie saoudite.

Force est de constater que le projet américain totalement loufoque visant à déplacer les Palestiniens de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie a eu, a contrario, le mérite de réunir l’ensemble du monde arabe, dans une opposition farouche contre les velléités de Donald Trump.

La menace lancée par Donald Trump de stopper les aides au Caire et à Amman ne semble donc pas avoir l’effet attendu par le locataire de la Maison-Blanche, mais, au contraire, contribuerait à durcir le ton entre les parties.

Le monde arabe, dans une rare unité, a affiché son hostilité au projet du président américain. Sachant que même les amis les plus proches de Washington, en l’occurrence l’Égypte, la Jordanie, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar se sont farouchement opposés au projet trumpien ; tant la question palestinienne est sensible et trop importante pour leurs opinions publiques.

Rappelons à cet égard que l’Arabie saoudite, qui a participé à des pourparlers sous l’égide des États-Unis en vue d’une normalisation des relations avec Israël, a également adopté une ligne dure. Le ministère saoudien des Affaires étrangères a réitéré l’engagement de Riyad en faveur d’un État palestinien et dénoncé toute tentative de « déraciner les Palestiniens ».

Dans ce contexte, la France, en rejetant le plan de Trump, pourrait chercher à attirer l’attention des pays arabo-musulmans qui réagissent négativement à des propositions qui semblent profiter à Israël. Par conséquent, Macron entendrait ainsi renforcer les relations économiques et politiques avec les pays arabes du Moyen-Orient. L’objectif serait de prévenir les tensions susceptibles d’affecter les intérêts économiques de la France dans la région.

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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