L'unité islamique

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L'unité islamique

Que signifie d’abord l’unité islamique ? Est-ce qu’elle veut dire que parmi toutes les écoles et confessions musulmanes, il faudrait en choisir une et écarter les autres ? Faut-il s’appuyer sur les points communs et les affinités, qui existent parmi toutes les écoles islamiques, et abandonner toutes les différences, qui pourraient exister parmi elles ? Faut-il ainsi inventer une nouvelle école sous une forme qui n’a jamais existé ? Est-ce vrai que l’unité islamique n’a essentiellement rien à voir avec la question de l’unité parmi les différentes écoles, et qu’elle signifie seulement l’union des musulmans appartenants aux différentes écoles et confessions, au-delà de toutes les différences doctrinales, pour faire un front uni face aux non fidèles ?

Les détracteurs de l’idée de l’unité des musulmans tentent souvent de la mettre toujours dans un contexte d’unité religieuse, afin d’en tirer une signification illogique et irrationnelle, de sorte qu’elle soit vouée à l’échec dès les premiers pas. Il est évident que ce que les oulémas et les intellectuels musulmans entendent par l’unité islamique ne veut absolument pas dire l’abandon de toutes les écoles religieuses pour une seule perception de l’Islam. Par ailleurs, mettre l’accent sur les affinités et les points communs des écoles, et écarter leurs différences ne semblent ni logiques, ni souhaitables et ni possibles. En réalité, ce que les oulémas et les intellectuels musulmans partisans de l’idée de l’unité souhaitent réaliser au sein du monde musulman, consiste à créer un front uni face aux ennemis communs de l’Islam et des musulmans.

Ces penseurs nous disent que les musulmans, indépendamment de leurs appartenances doctrinales, ont en commun de nombreuses affinités qui peuvent servir naturellement d’une base solide pour leur unité. Les musulmans adorent tous le Dieu unique, Allah. Ils croient tous en la révélation et la mission prophétique du vénéré Messager de Dieu, Mohammad (SA). Les musulmans croient tous en le Saint Coran, et ils se tournent tous vers la maison de Dieu, la Kaaba, pour prier. Ils participent ensemble, et pendant le même temps et selon les mêmes rituels, aux cérémonies annuelles du Hadj. Ils font leur prière de la même manière. Les musulmans procèdent tous aux mêmes principes et valeurs pour leur vie familiale et leurs affaires commerciales, ainsi que pour l’éducation de leurs enfants. Ils respectent les mêmes rites funéraires pour inhumer leurs morts. Bref, il n’y a pas la moindre différence dans les moindres détails de leur existence et de leur vie quotidienne. Les musulmans de toutes les écoles ont en commun le même type de vision du monde, et ils appartiennent tous à la même culture. Ils ont contribué ensemble, les uns à côté des autres, à la création d’une même civilisation, grandiose et somptueuse.

Cette unité en matière de la vision du monde, de la culture et du passé historique et civilisationnel, du mode de vie, des croyances, des rites, des us et des coutumes sociales, suffit largement à faire des musulmans du monde entier un bloc unifié et une Oumma unique. Cette unité peut leur donner un immense pouvoir, qui conduira les grandes puissances mondiales à respecter bon gré mal gré le monde de l’Islam. Or, l’Islam a toujours mis l’accent sur l’importance de l’unité en tant qu’un de ses principes fondamentaux. Selon le noble Coran, les musulmans sont tous frères. Un système de droits et de devoirs les lie étroitement les uns aux autres. Dans ce contexte, pourquoi les musulmans ne doivent-ils pas se servir de ces immenses possibilités que la région musulmane leur offre pour renforcer leur unité ?

Pour les oulémas et les penseurs partisans de l’unité islamique, il n’est absolument pas nécessaire de sacrifier toute ou une partie des croyances propres à leur école religieuse, pour assurer leur unité avec les adeptes des autres écoles islamiques. En d’autres termes, l’unité est à leur portée, sans qu’ils se passent, les un et les autres, des principes fondamentaux ou secondaires de leurs écoles respectives. Dans le même temps, rien ne leur interdit de se débattre, entre eux, des principes fondamentaux et secondaires de la religion musulmane. Dans ces polémiques religieuses et doctrinales, la seule limite qu’ils devraient, en réalité, observer et respecter, c'est d’empêcher que l’inimitié, la rancune ou l’hostilité ne se développent parmi eux. Ils devront donc faire preuve du calme et de la retenue dans ce domaine en évitant l’injure et le blasphème les uns par rapport aux autres. Ils ne doivent pas accuser les adeptes d’autres écoles de quoi que ce soit. Ils devront s’abstenir réciproquement d’attribuer le mensonge les uns aux autres, ou de se railler les uns contre les autres. Ils devront éviter de vexer les sentiments et les croyances des adeptes d’autres écoles islamiques. Dans leurs débats, ils ne devront jamais sortir du cadre de la logique et de la raison. En réalité, il leur faut respecter entre eux les limites que l’Islam trace pour définir les relations entre les musulmans et les non musulmans :

ادع الی سبیل ربک بالحکمه و الموعظه الحسنه و جادلهم بالتی هی احسن

« Avec la sagesse et la bonne exhortation, appelle au sentier de ton Seigneur. Et dispute avec eux, avec ce qu’il y a de plus beau. » (Sourate XVI, verset 125)

Certains pensent que l’unité n’est possible que parmi les adeptes des écoles qui partagent les mêmes principes fondamentaux et qui se divergent uniquement dans les principes secondaires, comme c’est le cas des deux écoles chaféite et hanafite. Les adeptes de ces écoles peuvent donc faire acte de fraternité, de sympathie ou de solidarité. Or, selon cette croyance, les adeptes des écoles qui ne partagent pas les mêmes principes fondamentaux, ne pourront en aucun cas réussir à s’unir et à s’entendre les uns avec les autres, en tant que frères coreligionnaires. D’après ces penseurs, les principes religieux font un tout indivisible et le moindre changement dans une composante porterait atteinte à tous les autres principes de la religion. A titre d’exemple, ils croient que si le principe de « l’imamat » auquel ils croient en tant que principe fondamental de leur religion, est mis en question, il faut catégoriquement se passer de l’idée de l’unité avec les adeptes d’autres écoles, qui n’y croient pas en tant que principe fondamental. Selon cette conception, il n’est absolument pas possible qu’il y ait l’unité ou la fraternité entre les musulmans sunnites et les musulmans chiites. Par contre, ils seraient toujours en conflit et leurs relations se définiront par la rancune et l’animosité.

En réaction à cette théorie, les partisans de l’unité islamique disent qu’il n’y a aucune raison pour que les principes religieux soient considéré comme un tout indivisible, et que l’on soit obligé à accepter « tout ou rien ». Par contre, ils croient que là il faut obéir à un autre principe de la logique : « Le difficile n’est pas annulé ni perturbé par le facile » ( المیسور لایسقط بالمعسور ) ou « Celui qui ne comprend pas tout, n’abandonne pas nécessairement la pratique de tout » ( ما لایدرک کله لایترک کله ). Dans ce domaine, la vie et l’attitude du Prince des croyants, le vénéré Imam Ali _béni soit-il_ peuvent nous servir de modèle. En effet, le vénéré Imam Ali savait adopter, dans ce domaine, la voie la plus logique et la plus raisonnable de la modération.

Il a eu recours à tous les moyens et à toutes les possibilités pour recouvrer son droit afin qu’il défende le principe de l’imamat. Mais pour ce faire, il n’a jamais obéi au slogan de « tout ou rien ». Par contre, il a respecté avec sagesse le principe logique de « Celui qui ne comprend pas tout, n’abandonne pas nécessairement la pratique de tout ».

Dans une de ses lettres à Malek Achtar (lettre n° 62 de « La Voie de l’éloquence »), l’Imam Ali _béni soit-il_ avait écrit :

فامسكت يدی حتی رأيت راجعة الناس قد رجعت عن‏ الاسلام ، يدعون الی محق دين محمد صلی الله عليه و آله ، فخشيت ان لم انصر الاسلام و اهله ، اری فيه ثلما او هدما تكون المصيبة به علی اعظم من فوت‏ ولايتكم التی انما هی متاع ايام قلائل

« J’ai décidé de me retirer, lorsque j’ai vu qu’un groupe de gens s’était retourné de l’Islam et appelait les autres à abandonner la religion de Mohammad (AS). J’ai donc pensé que si je n’intervenais pas pour secourir l’Islam et les musulmans, je verrais plus tard des écarts et des dégâts au sein de l'oumma islamique, ce qui serait plus préjudiciable que de m'en passer du poste du califat, qui ne durerait que quelques jours. »

Ces propos indiquent clairement que le vénéré Imam Ali ne croyait pas au principe de « tout ou rien ». Plusieurs autres indices historiques confirment cette attitude sage du vénéré Imam Ali.

Les chiites respectent et vénèrent unanimement la vie, le sang, l’honneur et les biens de tous musulmans qu’ils soient chiites ou sunnites. Chaque fois qu’un malheur a frappé le monde de l’Islam, dans n’importe quelle région et pour les adeptes de chacune des écoles, les chiites ont compati sincèrement aux misères des musulmans. Les chiites ne limitent jamais le principe de la fraternité islamique, telle qu’elle a été explicitement affirmée dans le Coran et la Sunna, au monde chiite. Dans ce sens, les chiites n’observent aucune différence entre chiites et sunnites. »

Allamé Amini disait au sujet de l’unité islamique :

« On est libre d’exprimer son opinion sur les différentes écoles islamiques, mais cela ne signifie pas que l’on puisse briser les liens de la fraternité islamique que le noble Coran décrit dans le verset ‘Les croyants sont des frères’ [sourate XLIX, verset 10 : انما المؤمنون اخوة]. Et cela, même si le débat scientifique, scolastique et doctrinal soit poussé à l’extrême ; car c’était la méthode des Anciens, des compagnons du Prophète et de leurs disciples.

« Malgré toutes les divergences de vue que nous puissions avoir dans les principes fondamentaux et secondaires, en tant que les auteurs musulmans vivants dans les différentes régions du monde de l’Islam, nous avons un point commun grandiose : la foi en Dieu et en Son Messager. Une seule âme et une seule émotion dominent nos vies : c’est l’âme de l’Islam et la sincérité absolue envers le Seigneur.

« Nous, les auteurs musulmans, nous vivons tous sous l’étendard du camp du juste, et nous accomplissons notre devoir au service du Coran et de la mission prophétique du grand Messager de Dieu. Voici notre message à nous tous: La religion chez Dieu, est l'Islam [ان الدين عند الله الاسلام ]. Voici notre slogan à nous tous : ‘Il n’y a de divinité qu’Allah, et Mohammad est le messager de Dieu [لا اله الا الله و محمد رسول‏ الله ]. Oui, nous faisons parti de Dieu et nous sommes les protecteurs de Sa religion ! »

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