Chiisme dans l'Islam

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Introduction de l'editeur

L'ouvrage «Le Chr'isrne dans l'lslam» est un de ceux qui, loin de tout parti pris et de discorde , expose et exprirne clairement les vues chi'ites.

L'auteur du livre, Allarne Seyed Mohammad Hossein Taba t abii', erudit e t chercheur eminent de l’Islam , nous a laisse de nornbreuscs etudes didactiques, entre autres Ie Commentaire d'EI­Mizan.

Après Ie Triomphe de la Revolution Islamique de l'Iran et la défaite de l'impérialisrne e t du sionisme international ces derniers ant eu recours a toute sorte de ruses et de stratagèmes pour renverser le mouvement revolutionnaire Islamique. L 'un de ces stratagèmes a été d'avoir recours aux differends du chiime et du sunnisme, et aux critiques sans fondement que l'o n attribue aux chiismes. Par cette ruse on veut faire obstacle à lUnité de la cornmunauté musulmane et au Progrès envahissant de la Révolution Islamique , Nous sommes aujourd 'hui chaque jour les temoins de ces manœuvres et propagandes a l'encontre du Chiisrne provenant des quatre coins du monde.

Ce livre qui a été traduit et édité à plusieurs reprises en anglais, voici la traduction en francais. L 'ouvrage sera une réponse cuisante aux allégations et aux mensonges d’ébités par le colonialisme mondial et leurs alliés. «Notre Seigneur, ne permets pas que nous devenions, pour les incrédules, une occasion de scandale. Notre Seigneur pardonne-nous , Tu es le puissant, le Sage» (Coran , LX, 5) .

AVANT-PROPOS

IL est sans doute étrange pour certains d'entendre que la plupart des milieux scientifiques de I'Ouest, entre autres, les milieux français, expriment des points de vue absolument infondés, et choquant les principes scientifiques, sur le chi'isme. Ils ont pris le chi'isme pour une innovation dans I'lslam ou bien ils I'ont présenté comme une secte secondaire. Ils ont enfin expliqué sa raison d'être par une querelle uniquement politique et sociale.

Ils ont fait plus: Ils ont qualifié le chi'isme comme une création de la part des ennemis de I'lslam au cours des siècles ultérieurs. Un regard général sur plusieurs ouvrages existants en Occident sur le chi'isme peut offrir d'autres points de vue à ce sujet, et provoquer l'extrême étonnement d'un chercheur réaliste. De la sorte, non seulement le chi'isme est resté" inconnu en Occident, notamment en France, mais encore on remarque qu'on a déployé" de grands efforts pour qu'il le reste. On n'a, en effet, reculé devant aucune démarche pour présenter le chi'isme comme faux.

Si nous voulions trouver les raisons de ces calomnies infondées, contraires à la connaissance scientifique, nous devrions pousser nos recherches dans quatre domaines que nous pouvons résumer :

1- Le passé historique.

2-Les facteurs du colonialisme.

3-La vue superficielle de l’Occident : le matérialisme.

4-L’opposition et I'inimitié à I'égard de I'lslam.

Au point de vue historique, I'Occident a constamment été en contact avec le sunnisme et a connu ses écrits et ses ouvrages.

L'Occident a, jusqu’à présent, eu à deux reprises, des contacts directs avec I'Islam. La première fois quand les Arabes occupèrent I'Andalousie, de 771 à 1492; la deuxième fois quand les Turcs eurent envahi I'est de /'Europe. Dans les deux cas, les Occidentaux furent en contact avec les sunnites, alors que leurs rapports avec les chi'ites n'étaient que limités ou secrets, notamment dans certains centres ismaélites, en Palestine, au cours des Croisades, et peut-être en certains milieux andalous.

L'Occident n'a jamais contacté, avant I'ère moderne, le monde chi'ite, particulièrement celui de I'lran. II connut pour la première fois la culture de I'Iran islamique, en Inde.

Le deuxième facteur est le colonialisme. II a été I'un des plus grands, des plus fameux éléments de calomnie infondée contre I'lslam, particulièrement contre le chi'isme. En ses aspects anciens et modernes, le colonialisme a toujours eu un pressant besoin de montrer I'lslam dans les milieux étrangers comme une idéologie polluée, et ce, pour le succès de ses propres intérêts, et dénaturer son contenu, à I'intérieur des milieux islamiques.

C'est que I'lslam se présente sous un aspect si parfait et si riche, dans les différents domaines culturel, spirituel, social, politique, économique... qu'il constitue à I'intérieur des milieux islamiques le plus grand obstacle a /'influence de tous les étrangers. Ces milieux islamiques représentent la plus haute attraction pour ceux qui cherchent le droit et la vérité. Partout où I'lslam a dominé, le colonialisme a été voué à un échec cuisant. Là où les Musulmans ont possédé et mis en application leur culture dans toutes ses dimensions, le colonialisme s'est vu discrédité', et ses efforts pour dénaturer I'lslam et sa culture ont été vains, en dépit de toutes ses machinations. Bien plus, I'intérêt des Musulmans pour la religion et leur soumission à Dieu, ont augmenté.

Les colonialistes mirent à leur service les Orientalistes afin de mieux parvenir à leurs objectifs. Ces derniers ont, sous le couvert de recherches dans les monuments islamiques, et suivant des stratagèmes nombreux, passé aux hommes leurs calomnies dans des livres et écrits exhaustifs. Le colonialisme n'ayant pas réussi dans ces manoeuvres, a eu recours à d'autres ruses, notamment dans les domaines économique, militaire et politique afin d'écarter I'lslam, particulièrement pour le dénaturer. Cependant le chiisme à cause de son caractère essentiellement religieux et politique a fait I'objet d'attaques plus nombreuses que les autres branches de I'lslam. A vrai dire, les colonialistes ont déployé de grands efforts pour faire croire que le chi'isme est un mouvement uniquement politique, qu'ils ont d'ailleurs décrit sous une forme fallacieuse. lls ont eu, de même, à coeur de dissimuler habilement ses aspects religieux, juridiques et philosophiques. lls ont encore, Ie cas échéant, caché le fond politique du chi'isme. lls ont ignoré toutefois que dans l'lslam, le caractère religieux du chi'isme et son caractère politique sont indivisibles et se complètent l'un l'autre. La politique et la religion se présentent dans l'lslam comme une seule unité. L 'lslam perd sa couleur véritable s'il vient à être frustré de l'un ds ces deux caractères.

Un autre facteur c'est la vision, superficielle de l'Occident: le matérialisme. Les Occidentaux s'imaginent que tout se résume dans la matière et l'économie. lls s'efforcent de considérer et d'analyser tous les problèmes qui se présentent à eux (qu'ils soient social, culturel, et même retigieux) avec des analyses matérialistes et économiques. Aussi la dimension authentique, non matérielle des problèmes et des choses est-elle mise au rancart. C'est de cette manière que les Occidentaux se sont comportés envers l'lslam, comportement qui a mis en pièces la vérité. lls ont par là fait disparaitre les liens qui unissent la qualité et la quantité, la forme et le fond. Bien qu'une telle tactique et vision du monde ait porté, dès le premier pas, une profonde atteinte à la société occidentale, la trainant dans une sorte de vide et d'isolement vers une étouffante impasse, cependant le monde islamique de même n'a pas été à l'abri d'atteinte à cause de vastes présences de ceux qui, bien que Musulmans, se sont occidentalisés.

De cette façon, non seulement les Occidentaux n'ont pas manqué d'attribuer à l'lslam de fansses imputations, des calomnies et des diffamations infondées, mais encore ceux qui, faisant partie des milieux musulmans s'étaient occidentalisés, ont à leur tour porté atteinte à la religion islamique.

II faut reconnaitre que la philosophie et l'idéologie du chi'isme sont tellement fortes et bien élaborées que cette branche de l'lslam a été à même, non seulement d'affirmer sa résistance mais encore de charger et d'assaillir et de révéler au monde la philosophie mensongère du matérialisme occidental.

Quoiqu'il en soit, il faut bien admettre que l'inimitié et l'hostilité pour l'lslam comportent de tels mensonges et de telles calomnies. L'lslam est une religion qui englobe toutes les dimensions de la vie des hommes, depuis la période qui précède leur naissance, jusqu'à l'au-delà. Cette religion dirige et guide leurs pensées et leurs actes. Elle met à leur disposition, dans les domaines politique et économique, un système harmonieux et coordonné. Elle donne une forme rationelle et licite à ses luttes politiques et sociales. Elle considère comme un but sacré, comme un devoir important, la lutte contre l'ennemi le «djihâd». D'autre part, l'lslam offre à l'homme les pensées les plus hautes et les plus profondes dans le domaine de la philosophie, de la spiritualité et de la gnose. L 'lslam forme l'esprit et l'âme, et il les développe. II pousse le fidèle à parvenir à Dieu. Cette formation de l'âme et ce cheminement vers le Tout-Puissant sont si puissants qu'ils rendent les Musulmans capables d'abandonner toute attache terrestre et tout intérêt pour ce monde, le sauvant de son aliénation aveugle pour les objets et les problèmes de la terre.

C'est ainsi que l'homme lutte, s'améliore et arrive à la perfection. D'une part, il mène son «djihâd» contre l'ennemi: lutte qui prend des formes politiques, économiques et sociales; d'autre part, II mène le combat contre lui-même pour arriver à la perfection, ce qui implique l'approche de Dieu. Ces deux éléments sont si bien définis et se tiennent si puissamment dans le chiïsme qu'il est impossible de les diviser ou de les séparer. l'homme qui veut arriver à la perfection, en face du Créateur, ne peut nécessairement se livrer à la bassesse, à l'injustice et à l'oppression dont est capable l'ennemi. II ne peut de même donner un consentement intérieur à ces actes. En principe, l'une des conditions qui met l'homme à même d'approcher Dieu consiste à lutter contre les iniques, les personnes arbitraires et les oppresseurs: c'est la lutte politique islamique pour arriver à instaurer l’ordre, le régime de la justice de l'lslam.

Les ennemis de l'humanité et en d'autres termes de l'lslam ne peuvent rester cois en remarquant une telle composition dans l'lslam,particulièrement dans le chi'isme. lls sont portés à déchirer l'lslam, c'est-à-dire, ils veulent le priver de cette composition, de cet ensemble bien formé, harmonieux et parfait, et de fruster du même coup la communauté islamique de ce grand bienfait.

L'histoire de l'lslam témoigne que les Musulmans l'ont emporté, ont remporté la victoire sur tous les plans politique, militaire et économique, chaque fois que l'lslam a été présenté au monde, dans toutes ses dimensions et qu'il a conservé tous ses caractères distinctifs. Cette victoire a été évidente chaque fois que les Musulmans ont professé l'lslam de Mohammad dans toute sa perfection. Mais par contre chaque fois que l'lslam a été dénaturé, présenté sous un faux jour, les Musulmans se sont vus sans gouvernail et ont été vaincus dès la moindre attaque. C'est pourquoi tout l'effort de l'ennemi a porté sur la destruction et l'anéantissement de l'lslam et par suite lui portant des calomnies et en diffamant la communauté islamique, les Occidentaux et les colonialistes ont voulu compléter leur complot: le chi'isme a été attaqué à cette occasion plus que les autres branches de l'lslam comme nous l'avons dit plus haut, dans toutes ses dimensions.

L 'ouvrage magistral de Allamé Seyyed Mohammad Hassein Tabâtabâï, « Le Chi'isme Dans l'lslaim », répond directement ou indirectement à ces quatre sortes d'attaques et de diffamations. Ses réponses évitent toute polémique et chicane inutiles. Elles sont basées sur la logique et la science, elles ressortent de la recherche et de la religion. Elles émanent d'une personnalité versée dans l'lslam. L 'ouvrage est écrit par un commentateur et un érudit, un penseur et philosophe. II refuse d'employer un autre langage que celui de la science et de la gnose.

«Le Chi'isme dans l’islam » est important par le fait que cette fois, c'est un Musulman chi'ite qui analyse le chi'isme et le présente au monde, non un Orientaliste, qui n'est parfois capable de comprendre que les aspects minimes de la grande vérité, et de les agrandir à un point tel que même les fidèles ne les reconnaissent. Cet agrandissement et ces perversion se voient justement dans les ouvrages des Orientalistes.

L'ouvrage «Le Chi'isme dans l'Islam » offre une présentation simple et en même temps très complète du problème. II englobe toutes les dimensions du chi'isme aux points de vue philosophique, historique, religieux, politique, social, et du point de vue juridique (Figh). Nous espérons que cet ouvrage sera une réponse éloquente aux ennemis de l'lslam qui veulent le profaner, et qu'il sera un guide intelligent pour tous ceux qui recherchent la vérité, nuit et jour.

Biographie d'Allamé Seyed

Mohammad Hossein Tabâtabâi'

Généralités

Allamé Tabatabai est dune famille qui a donné de grands ulemas; il est à vrai dire le fruit de quatorze générations d’érudits et de savants de Tabriz. II vint au monde dans cette dernière ville en 1282 (1903) et décéda à Qom en l360 (1981).

ll fit ses études primaires en sa ville natale, et à 22 ans, il se rendit à Nadjaf Achraf, ville sainte de l'lraq.

II passa dix ans en ce centre de science et de théologie islamiques à approfondir ses connaissances religieuses. ll suivit les cours de «fiqh» et du

Tabatabäi écrit dans le condensé de sa biographie: « J'ai étudie la philosophie avec le bien célèbre penseur, feu Seyed Hossein Badkoubi. Au cours des six années pendant lesquelles j'ai suivi les cours de ce grand savant, j'ai appris et compris las écrits de Sabzavâri, ceux de Mollâ Sadrâ de Uhiraz, la série de l'ouvrage «Chafâ » d'Avicenne, les livres d'lbn Tarké dans la gnose, d'lbn Maskouyé, dans la morale. Feu badkoubi était tellement désireux de le familianser avec les méthodes de la philosophie et le raisonnement logique qu'il lui conseilla d'étudier également les mathématiques. C'est en suivant son conseil qu'il alla aux cours du feu Seyyed Abol Ghassem Khänsâri. C'est avec ce mathématicien que j'ai appris dit-il la géométrie plane, et dans l'espace, l'algèbre déductif, le calcul infinitésima/». Allamé Tabâtabäi' passa de la sorte presque 11 ans à Nadjaf.

Retour à Tabriz

C'est en 1314 (1935) que Al Lamé Tabâtabâi décida pour des raisons auxquelles il fait succinctement allusion dans son autobiographie, de rentrer en sa ville natale: Tabriz. Il écrit lui-même à cet effet: "Je résolus en 1314 (1935) de rentrer en Azerbaïdjan, ma situation financière ne me permettant pas de rester à Nadjaf. Je suris resté à Tabriz 11 ans et quelques mois sans pouvoir occuper tout mon temps à enseigner, les nécessités de la vie m'obligeant à m'adonner à l'agriculture pour vivre ses difficultés morales étaient telles qu'il résolut de quitter sa ville natale, d'autant que les problèmes politiques de l'époque accélérèrent son départ.

En 1324 (l945), La seconde guerre mondiale prit fin et les alliés qui avaient occupé le territoire iranien quittèrent notre pays les uns après les autres, à l'exception des forces soviétiques qui restèrent en Azerbaïdjan, renforçant le parti démocrate et faisant semblant de mettre fin à leur occupation après avoir livré cette province aux démocrates. Durant les douze mois que les démocrates sévirent dans cette partie de l'Iran (2l azar l324 - 27 azar 1325) la région fut en proie à l'insécurité, aux tueries et aux pillages. C'est pourquoi Al Lamé Tabâtabâi décida de quitter Tabriz pour se rendre dans une ville plus calme, comme Qom par exemple. Il consulta à ce moment le Coran et put lire ce verset: "La protection, en pareil cas, ne dépend que de Dieu, la Vérité. C est Lui qui est le meilleur pour récompenser et pour donner une fin à toute chose "(Coran, XVII, 44). C'est après cet oracle que l'année étant arrivée à sa moitié, Tabatabâi partit pour Qom, centre d'enseignement des sciences religieuses. Il passa là trente cinq ans, occupé à enseigner, à former, ou à écrire des ouvrages sur la religion, la philosophie, la métaphysique et les autres sciences. Il écrit dans son autobiographie en rapport avec cette partie de sa vie: ""En 1325, j ai renoncé à tout et j ai quitté ma ville natale. Je me suis rendu à Qom, au centre d'enseignement des sciences religieuses. Je me suis établi Dans cette ville et j'ai recommencé l'étude et les occupations scientifiques". Il s'agit d'occupations auxquelles Tabâtabâi aspirait de tout son cœur à Tabriz mais auxquelles il lui était impossible de se livrer.

Vie spirituelle et scientifique de Tabâtabâi, à Qom

En dépit de ses vastes connaissances dans le "fiqh", le "dogme" et dans les autres sciences islamiques, Tabâtabâi' fit du commentaire du Coran et de l'enseignement de la philosophie, le point central et d'appui de ses activités. Ce choix lui fut dicté par le devoir dont il avait fortement conscience. Il dit à ce sujet: Quand je me rendis de Tabriz à Qom, je fis une étude sur les besoins de la société islamique et la situation existante au centre d'enseignement des sciences religieuses de cette ville. Après avoir bien considéré ces besoins, je suis arrivé à la conclusion que le centre en question avait un pressant besoin de commentaires sur le Coran afin de mieux connaître, de mieux assimiler le sens authentique de l'islam, d'un des plus nobles dépôts divins dans l'humanité, et de le mieux faire connaître aux hommes. D'autre part, étant donné que les doutes matérialistes s'étaient répandus dans le peuple, il fallait les dissiper par le raisonnement philosophique et des preuves irréfutables. C'est ainsi que le centre d'enseignement de Qom serait capable de réfuter ces doutes par la force rationnelle, d'établir les principes de l'islam par des déductions philosophiques et scientifiques, et de défendre la cause de la Vérité. C'est pourquoi je crus de mon devoir religieux de déployer mes efforts pour assurer à Qom ces deux besoins essentiels.

C'est justement afin de parvenir à ces buts élevés que Tabâtabai composa des ouvrages et fit de vastes études pour réussir dans sa tache. Il faut en toute vérité reconnaître que ce grand religieux fut l'un des piliers du Centre d'enseignement de Qom, à l'époque actuelle. Il y a peu d'érudits et de religieux qui n'étaient pas tiré partie des ouvrages ou des cours de Al Lamé Tabâtabâi. Si quelqu'un considère l'ensemble des services de cet homme éminent relativement au commentaire du Coran, à la recherche dans la signification des "hadith", à la mise en ordre des problèmes philosophiques, à l'élaboration de méthodes nouvelles, à la formation d'experts et de chercheurs dans les sciences islamiques et enfin à l'éducation de personnes honnêtes et capables au service de la communauté, il verra l'œuvre accomplie par lui est celle d'un géant et qu'ordinairement elle ne peut être faite que par un groupe de nombreux érudit.

La renaissance de la science du commentaire du Coran au Centre d'enseignement de Qom.

L un des succès auxquels il parvint à Qom, par la grâce de Dieu, fut de susciter la renaissance du commentaire du Coran. Il composa, à cet effet, le "Tafsir al Mizan", (le commentaire de al Mizan) en langue arabe, en 20 volumes, sa traduction en persan étant de 40 volumes. Cet ouvrage remarquable contient les notions les plus élevées sur différents problèmes doctrinaux, moraux, sociaux, politiques, historiques etc. La méthode qu'il emploie dans ses recherches est nouvelle, logique et propice ; elle répond aux besoins de la société et du centre d'enseignement de Qom. Il déclare lui même à ce sujet: "Nous commentons le Coran par le Coran et nous expliquons le sens d'un verset par la justification d'un autre verset. Nous déduisons les significations de chaque verset des caractéristiques qu'il contient. Le Coran, comme il le déclare, explique toute chose. Or un livre qui explique tout, peut également se commenter. Le "Tafsir al Mizan" présente différents aspects, dont trois ont un caractère saillant.

1- Le commentaire du Coran par lui-même.

Al Lamé Tabâtabâi met en relief la cohésion et la coordination des versets du Coran, en employant la méthode dont nous venons de parler. Il prouve ensuite qu'à la suite de cette cohésion et de cette coordination les versets s'expliquent et se commentent les uns les autres Ce procédé original amena une évolution dans le commentaire du Coran, facilitant en même temps la découverte des mystères du Livre et permettant à l'homme d'y recourir dans toutes les phases de la vie et relativement à tous les problèmes sociaux.

2- Les questions sociales.

Les questions sociales qui se trouvent dans "Al-Mizân" surpassent les commentaires que l'ouvrage présente, tant au point de vue quantitatif que qualitatif. Tabâtabâi' s'efforce, en s'aidant de ses vastes connaissances et de sa perspicacité, de souligner les questions sociales du Coran et y traite de problèmes d'une portée supérieure.

3- Questions philosophiques.

Tabâtabâi qui se double d'un rare philosophe et d'un penseur inégalable du siècle, use de la même originalité dans le domaine de la métaphysique. Il pense d'abord que, contrairement à une propagande infondée et une attitude dénigrante envers la philosophie, cette science consiste, d'après sa vraie acception, à rechercher la sagesse et la vérité, et qu'elle prend sa source dans le Coran. Quant à la métaphysique, ensuite, il déclare que celle-ci n'est autre chose que l'ensemble des vérités de l'être, en tant qu'être, par rapport à Dieu, à l'homme et à l'univers. Tout en commentant les versets du Coran par leurs propres contextes, Le maître trait entre temps, a différentes occasions, de problèmes philosophiques et métaphysiques, et arrive à prouver l'inanité de la philosophie matérialiste. Sa méthode est dans ce domaine comme en d'autres très originale.

L'originalité de Tabâtabâi dans le domaine de la philosophie.

Outre ses cours de sciences islamiques diverses, la composition d'ouvrages selon la méthode traditionnelle, Al Lamé Tabâtabâi se fit l'auteur d'un système moderne et original consistant à rassembler les notions de la philosophie islamique dans un ordre nouveau, répondant aux besoins du jour. Après la deuxième guerre mondiale les idées d athéisme, l'impiété, le matérialisme et le marxisme se répandirent dans les sociétés islamiques. Certains Iraniens cultivés, et certains intellectuels estimèrent ces idées et ces systèmes, et y adhérèrent. La propagande matérialiste battait son plein. C'est à ce moment que Tabâtabâi qui était devenu le porte-étendard de la culture et de la philosophie islamique, se mit à étudier à fond le matérialisme, le marxisme et la dialectique matérialiste, Après avoir saisi tous les tenants et aboutissants de la philosophie matérialiste, il l'exposa dans ses ouvrages et ses conférences, la réfuta scientifiquement, tout en montrant la supériorité de la philosophie islamique. Le produit de ses efforts dans ce domaine est réuni dans son ouvrage "Le principe de la philosophie et la méthode réaliste". Bien que cet ouvrage ait été écrit depuis trente ans, néanmoins il peut être considéré comme le meilleur pour réfuter les erreurs du matérialisme.

Le rôle de Tabâtabâi dans l'évolution du Centre d'enseignement de Qom.

Le rôle joué par Al Lamé Tabâtabâi' en ce qui regarde l'amélioration et le changement du centre d'enseignement de Qom concerne deux domaines: d'abord la création d'une évolution scientifique de la pensée, et de la mise en place des discussions libres. Ensuite la formation des chercheurs et des élèves. Il éduqua scientifiquement et moralement des disciples éminents devant plus tard devenir eux-mêmes des formateurs et des éducateurs. C'est durant plus de trente ans que Tabâtabâi' alimenta le centre d'enseignement et d'études religieuses avec ses commentaires, ses conférences et ses écrits tant philosophiques que métaphysiques, avec ses conclusions tant religieuses que logiques; ses cours formèrent des hommes pieux, vertueux, rationnels et forts. Ses ouvrages ont eu de profonds effets en Iran et dans les pays islamiques. Ce grand homme avait à cœur de mettre en place des débats libres à l'intention des étudiants, des universitaires et même des intellectuels européens, pour discuter et faire éclater la vérité islamique. Or il finit par lancer ces débats, sortes de polémiques amicales qui non seulement avaient pour but de compléter les cours déjà donnés à la suite les nombreuses questions que les étudiants n'auraient pas manqué de poser, mais encore pour éclairer communauté islamique et les étrangers sur les problèmes qui leur semblaient obscurs. Ces débats comportaient tout naturellement des critiques, des échanges de vue d'où aurait jailli la vérité. Il continuait l'héritage des débats scientifiques et moraux des prophètes. Ces derniers accueillaient à bras ouverts les débats. Tabâtabâi était convaincu que la science métaphysique surpassait les autres sciences Il disait que la révélation guidait et inspirait l'humanité. II ajoutait que les métaphysiciens, ceux qui possédaient la révélation, surpassaient les autres hommes et exerçaient sur eux une sorte de maîtrise. Tabâtabâi accueillait à bras ouverts les visiteurs, ceux qui voulaient discuter avec lui. Il suivait en cela l'exemple du Prophète de l'Islam. Il racontait à cet effet le récit que voici: "Un jour les Chrétiens de Nadjran se rendirent auprès du Prophète pour discuter avec lui. Ils allèrent donc à la mosquée; le moment de leur prière arrivait et les Musulmans aussi, de leur côté, voulaient prier ayant le Prophète comme imam. Le muezzin appela les fidèles â la prière et les Chrétiens de leur part firent sonner les cloches, dans la mosquée, en présence du Prophète et des autres fidèles. Les Musulmans protestèrent et firent remarquer au Prophète que ces Chrétiens faisaient sonner les cloches en sa présence. Le Prophète répondit: " Attendez un peu, nous allons peu à peu par l'édification, transformer le son de ces cloches en chant de muezzin ". Cette grande âme qui accueillait tout le monde à bras ouverts, des gens qui professaient des opinions contraires aux siennes, discutait avec eux, les éclairait doucement et finissait par les convertir. Le nombre de ceux qui se sont convertis à l’islam grâce à la parole convaincante de Tabâtabâi est très grand.

Les disciples, savants et érudits, que Al Lamé Tabâtabâi' a formé, bénéficient aujourd'hui de la confiance de tout le monde. Ils étaient épris de son caractère et de son savoir. Ils avaient coutume de dire que s ils n'avaient pas eu un tel maître, jamais ils ne seraient parvenus à leurs objectifs, et jamais ils n'auraient pu cueillir les fruits de leurs œuvres dans ce monde et dans l’autre.

Son caractère était tel qu'il évitait la suffisance et l'emphase. Il s'évertuait à ne pas se montrer savant dans ses débats; le mobile de ses actes était de satisfaire Dieu. Ses disciples ont rapporté que durant les longues années qu'ils ont passées avec lui, ils n'ont pas souvenance ne fut ce qu'une fois, que le maître ait voulu faire montré de sa science tant il était simple et modeste.

Si quelqu'un voyageait avec lui un an durant, jamais il n'aurait cru que cet homme était l'auteur de la nouvelle méthode du commentaire du Coran et le créateur des règles nouvelles dans l'explication des problèmes philosophiques, s'il n'avait su d'avance avec qu’il voyageait et n'avait pas eu connaissance de son vaste savoir.

Tabâtabâi possédait également des dons lyriques et composait des poèmes. Il aimait de même les paysages de la nature. Al Lamé Tabâtabâi avait à cœur de suivre la tradition du Prophète: l'ouvrage "Sonan al Nabi" (Traditions du Prophète) est le fruit de cette attitude. Il croyait comme un devoir sérieux de combattre les innovations qu'on introduisait dans la religion.

D'autre part, Tabâtabâi s'efforçait de faire connaître le Chiisme dans ses vraies dimensions. Selon ce grand homme le Chiisme consistait à suivre minutieusement la tradition du Prophète, pratiquement, et théoriquement, par les actes et par les paroles. Il déclarait qu'il ne sied nullement de suivre un dirigeant injuste et inique. Il ajoutait qu'il ne faut se soumettre qu'à Dieu, à son Prophète et aux Imams que le Prophète a désignés. Tabâtabâi a développé ces idées dans tous ses écrits, durant toute son existence.

Son ouvrage "Le Chi'isme dans l'Islam" est l'un de ses écrits fondamentaux. Tabâtabâi savait qu'un livre simplement et clairement conçu et en même temps profondément pensé était nécessaire pour présenter la nature et l'essence du Chi'isme. Il serait ainsi à même d'éclairer les chercheurs qui, souvent, se laissent détourner de la vérité.

Al Lamé Tabâtabâi' disait que pour ne pas se tromper dans l'observance de la tradition du Prophète et pour être sûr et certain qu'on suit exactement cette tradition, on doit appliquer pour cela les préceptes des membres de la famille du Prophète qui ne sont que les Imams infaillibles, capables par leur science et leur inspiration, de guider dans la voie droite les Musulmans du monde, conformément aux indications du Coran et de la tradition prophétique. Ce sont encore ces Imams qui peuvent empêcher que l'islam dévie et sauver de toute erreur, la communauté islamique pour la guider vers Dieu.

Voici quelques ouvrages d Al Lamé Tabâtabâi que nous présentons aux lecteurs.

Al Lamé Tabâtabâi a touché à presque toutes les sciences islamiques, philosophiques, métaphysiques, fiqh, commentaires, traditions...

Nous allons citer quelques un de ses ouvrages sur les différents aspects de la religion et de la métaphysique, étayés de hautes pensées:

1- "Commentaire de Al-Mizân", écrit en arabe, traduit en persan en 40 volumes.

2- "Les Principes de la Philosophie et la Méthode réaliste" (Ossul-é-falsafeh-va-Ravech-Réalisme) en 5 volumes, dont 4 sont déjà imprimés.

3- Notes en marges sur l'ouvrage "Asfar", de Sadrod-Din de Chiraz, dont 7 volumes sont déjà imprimés.

4- "Entretiens avec H. Corbin, orientaliste français" (en 2 volumes), dont un a été imprimé en 1339 (1960), dans l'Annuaire du Maktabé-Tachayyo. L'autre volume a indépendamment paru.

5- "Traité sur le Gouvernement islamique", an persan, allemand et arabe.

6- "Essai sur la puissance et l'acte" (Qoweh-va-fél.)

7- "Essai sur la démonstration".

8- "Démonstration de l'Essence" (Essbaté Zât).

9- "Essai sur l'Homme avant le monde (la création)".

10- "Essai sur l'Homme dans le Monde".

11- "Essai sur l'Homme après le monde".

12- "La Prophétie".

13- "La Valayat".

14- "Les Preuves".

15- "Le Sophisme" (Mogalitah).

16- "L'Analyse".

17- "La Synthèse".

18- "Sur la Subjectif".

19- "L'Ecriture calligraphique Nasta'âligh ".

20- "Sur la Prophétie et les étapes" (Nobowat-va-Magamat)

21- "Ali et la Philosophie divine".

22- "Le Coran dans l'islam ".

23- "Le Chi'isme dans l'islam".

24- "Nombreux articles scientifiques parus dans les périodiques".

25- "Jugement sur les correspondances".

26- "lntroduction à la sagesse".

27- "La Perfection de la Sagesse".

Ces deux derniers ouvrages comportent des textes philosophiques importants, étudiés au Centre d'Enseignement des Sciences religieuses, à Qom.

28- "Le Résumé de l'Enseignement de l'Islam".

29- "Questions sur l'Islam".

30- "L'islam et l'Homme contemporain".

31- "Essai sur les attributs de Dieu".

32- "Essai sur les Moyens".

33- "En marge de l'ouvrage " Kifayé".

1 Ramadhan1403 13 juin 1983

Téhéran

Mohsen Khaliji

INTRODUCTION

Ce livre que nous avom intitulé « L'ISLAM SHITTE » (1), se propose de présenter clairement la véritable identité du shi'isme, qui est une des deux branches majeures de l'lslam - l'autre étant le sunnisme. II traite en particulier, des origines du shi'isme et son développement, ainsi que du modèle de pensée religieuse propre au shi'isme, de la culture et des sciences islamiques, considérées du point de vue shi'ite.

LA RELIGION (2)

II ne fait aucun doute que tout membre de l'espèce humaine est naturellement attiré vers son prochain et que dans la vie en société, ses actes sont interdépendants. Ses divers actes, tels que: manger, boire, dormir, veiller, parler, écouter, s'asseoir, marcher, ses comportements sociaux et ses rencontres, sont à la fois, formellement distincts et totalement reliés les uns aux autres. On ne peut accomplir n 'importe quel acte au lieu, ou à la suite de n 'importe quel autre. II existe un ordre qui doit être respecté.

II y a donc un ordre qui régit les actions que l'homme accomplit tout au long de sa vie, un ordre auquel ses actions ne peuvent échapper. En réalité, ses actes ont pour origine une source distincte. Celle-ci n'est autre que le désir humain de jouir d'une vie heureuse, une vie dans laquelle I’homme puisse atteindre autant que possible l'objet de ses désirs et être récompensé. On peut dire aussi que I’hiomme souhaite subvenir le plus complètement possible à ses besoins, afîn d 'assnrer sa survie.

C'est pourquoi I’homme conforme toujours ses actions à des règles et des lois, élaborées soit par lui-même, soit par d'autres; et c'est aussi pourquoi parmi toutes les autres possibilités existantes, il choisit une manière particulière de vivre.

Pour satisfaire ses sens et vaincre la faim et la soif, il mange et boit, considérant cela comme nécessaire pour perpétuer sa propre existence. Cette règle pourrait être illustrée par d 'autres exemples.

Les règles et les lois qui gouvernent l'existence humaine ne sont acceptées par l’homme qu 'en dépendance de ses croyances fondamentales concernant la nature de l'être universel, dont il fait lui-même partie, ainsi que de son jugement au sujet de cet être.

Que les principes gouvernant les actions de l'homme dépendent de sa conception de l'être dans sa totalité apparait avec évidence lorsqu'on s'arrête sur les différentes conceptions que les gens sefont de l'univers et de l'homme. Ceux qui considèrent que l'univers est limité à ce seul monde matériel et sensible, et que l’homme disparaït totalement la mort adoptent une conception de la vie déstinée à satisfaire leurs désirs matériels et leurs plaisirs mondains éphémères. Ils s 'éfforcent uniquement de dominer les conditions et les facteurs naturels de vie.

II y a aussi ceux qui, semblables aux idolâtres, considérent en général, le monde naturel comme créé spécialement pour l'homme par une divinité surnaturelle, laquelle remplit l'homme de bénédiction, afïn qu'il jouisse de sa bonté. De tels hommes organisent leur existence de manière à satisfaire la divinité et à éviter son courroux. Ils croient que s'ils font plaisir à la divinité, celle-ci augmentera sa bonté à leur égard et la rendra permanente et qu 'au contraire, s 'ils provoquent son courroux, elle les privera de sa bonté.

II y a ceux qui, en plus de leur croyance en un seul Dieu, croient à la vie étemelle de l'homme et considèrent que celui-ci est responsable de ses bonnes et mauvaises actions. Par conséquent, ils tiennent pour certain l'avènement du jour du jugement: c 'est le cas des Mazdéens, des Juifs, des Chrétiens et des Musulmans. Ceux-ci veulent suivre dans leur vie un chemin dans lequel cette croyance essentielle soit respectée et le bonheur assuré, ici-bas et dans l'au-delà.

L'ensemble des croyances fondamentales se rapportant à la nature de I’homme et de l'univers, et l'ensemble des règles conformes à ces croyances, s'appliquant à la vie humaine, est désigné du terme de religion (dîn). S'il existe des divergences au sein de la religion (dîn), elles prennent le nom de « rites » tels que les rites sunnites et shi'ites dans l'Islam, ou le rite nestorien dans le christianisme. Si nous considérons la religion comme un programme de vie s'appuyant sur une ferme croyance, nous pouvons dire que l'homme même s'il ne croit pas à la divinité, ne peut jamais vivre sans religion. La religion ne peut jamais être séparée de la vie, et elle n 'est pas simplement affaire d'actes cultuels.

Le Coran affirme que I’homme n'a d'autre choix que de suivre la religion, comme un chenún placé par Dieu devant lui afin qu 'en le parcourant, il puisse parvenir à Dieu. Toutefois ceux qui ont accepté la religion de la Vérité (l'Islam) (3) marchent en toute sincérité sur le chemin de Dieu, alors que ceux qui n'ont pas accepté la religion de la vérité ont été détournés de la voie divine et suivent un chemin dévié.(4)

ISLAM Islam signifie étymologiquement soumission et obéissance. Le Coran désigne par « Islam » la religion qui invite les hommes à la soumission au Dieu de l'univers et de tout ce qui s'y trouve; par cette soumission, ils adorent seulement le Dieu Unique et n 'obéissent qu 'à ses ordres.(5)

Comme le Coran nous l'apprend, la première personne qui appela cette religion « Islam » et sesfidèles « musulmans », fut le prophète Abraham. (6)

SHI'AH Le terme Shi'ah qui signifie littéralement partisan, se réfère à ceux qui considèrent que la succession du Prophète (que la paix soit sur lui) (7) revient en droit à la famille du Prophète, et qui, dans le domaine des sciences et de la culture islamiques, suivent l'école ou le « rite » de la famille du Prophète.(8)

Notes de l'introduction:

1)- Note du traducteur: le titre original donné par 'Allâmeh Tabâtabâ'i à son livre, était «Shi’ah dar Islâm» (Le Shi'isme dans l'Islam). Ce que l'auteur désigne par ce titre est l'Islam vu et interprêté par le Shi'isme. Dès lors, nous avons choisi de l'intituler Islam Shi'ite.

2)- Note du traducteur: bien que nous ayons rendu le mot «din» par religion, son sens est plus universel que celui donné habituellement aujourd'hui à religion. «Din» est la série de pricipes transcendants et leurs applications dans tous les domaines de la vie qui touche l'homme pendant son séjour sur la Terre et sa vie dans l'Au-Delà. Il pourrait être traduit correctement par «tradition» au sens des auteurs traditionnels de l'Ouest comme F Schuon, R. Guénon et A.K. Coomaraswamy.

3)- Note du traducteur: parlant en tant qu'autorité religieuse musulmane, l'auteur a mentionné l'Islam entre parenthèses comme «la Religion de la Vérité» sans toutefois nier en aucune manière l'universalité de la révélation affirmée dans le Coran. Pour un Musulman, la Religion de la Vérité est tout à fait naturellement par excellence l'Islam sans que cette opinion diminue la Vérité des autres religions auxquelles l'auteur se réfère dans cet ouvrage ou dans d'autres.

4)- «La malédiction d'Allah sur les injustes qui écartaient (les hommes) du chemin d'Allah, qui le voulaient tortueux, ...Coran VII, 44-45.

5)- «Qui donc est meilleur, en religion, que celui qui s'est soumis à Allah, tout en pratiquant la bienfaisance, et qui suit la religion d'Abraham pris par Allah comme ami?» (Coran IV, 125) «Dis: O détenteurs de l'Ecriture!, venez à un terme commun entre vous et nous! nous n'adorons qu'Allah et ne Lui, associons rien, (que) les uns et les autres nous ne prenons point de seigneurs en dehors d'Allah! S'ils tournent le dos, dites (-leur): Attestez que nous sommes soumis (à Allah)!» (CoranIII, 64), «0 vous qui croyez!, entrez dans la Paix, en totalité,...* (Coran II, 208).

6)- «Seigneur! fais de nous des Soumis (à Toi) et, de notre descendance, fais une communauté soumise à Toi!... (Coran II, 128) «...la religion de votre père, Abraham. II vous a nommés les Soumis...» (Coran XXII, 78).

7)- Note du traducteur: dans toutes les langues islamiques chaque fois que le nom d'un des Prophètes, et, dans le Shi'isme, des Imams aussi, est cité, l'expression honorifique «'alayhi al salâm» (que la Paix soit sur lui) suit. Dans le cas du Prophète de l'Islam, l'expression «sall allâhu 'alayhi wa sallam» (Que la Paix et la Bénédiction de Dieu soit sur lui). Dans la traduction d'autant plus que c'est en une langue européenne, nous nous sommes d'habitude abstenus d'employer ces expressions qui apparaissent dans l'original en persan. Dans cet ouvrage aussi, chaque fois que le mot «Prophète» est écrit avec une capitale, il s'agit du Prophète de l'Islam.

8)- Un groupe de Zaidites qui acceptent deux califes avant Ali et suivent, en jurisprudence, Abû Haniïah, sont aussi appelés Shi'ites parce que, contrairement aux Omeyyades et aux Abbâssides, ils considèrent que le califat appartint uniquement à Ali et à ses descendants.

PREMIERE PARTIE

L’HISTOIRE DU SHIISME

CHAPITRE I

1)- Origine et évobition du Shi'isme

Le shi'isme naquit du vivant même du Prophète. (1) Ce terme a d'abord désigné les partisans d'Ali, le premier guide de la famille du Prophète. L'avénement, puis l'extension de l'Islam pendant les vingt-trois années de la prophétie, rendirent nécessaire pour plusieurs raisons l'apparition parmi les compagnons du Prophète, d'un groupe tel que celui des Shi'ites.

C'est pourquoi aux premiers jours de sa mission, quand d'après le texte du Coran, il lui fut ordonné d'inviter ses proches parents à embrasser l'Islam (2), le Prophète leur déclara clairement que quiconque serait le premier à répondre à son appel deviendrait son successeur et son héritier. Ali fut le premier à s'avancer et à embrasser l'Islam. Le Prophète accepta la soumission d'Ali à la foi divine et accomplit ainsi sa promesse (3). Du point de vue shi'ite s'il apparait impossible qu'aux premiers jours de son action, le chef du mouvement, présente un de ses compagnons comme son successeur et représentant à des étrangers, il parait en revanche légitime qu'il le désigne comme tel à ses aides et amis, entièrement loyaux et dévoués. De même, il n'est pas vraisemblable qu'un tel chef accepte et présente quelqu'un comme son représentant et successeur et ensuite, au cours de sa vie et de sa mission religieuse, le prive de ses prérogatives et du respect dû à son rang d'établir une quelconque distinction entre lui et les autres.

Bien au contraire, le Prophète, selon plusieurs hadiths absolument authentiques, qui ne sont mis en cause ni par les sunnites, ni par les shi'ites, a affïrmé clairement qu'Ali était préservé de l'erreur et du péché dans ses actions et ses paroles. Tout ce qu'il a dit et accompli était en parfaite conformité avec les enseignements de la religion (4) et il fut le plus savant des hommes en matière de connaissance des sciences et des lois islamiques (5).

Pendant la période de la prophètie, Ali accomplit des services de haute valeur et manifesta un remarquable dévouement. Ainsi, quand les infidèles de la Mecque décidèrent de tuer le Prophète et cernèrent sa maison, celui-ci décida d'émigrer à Médine. Il dit à Ali: «Veux-tu dormir dans mon lit cette nuit afin qu'ils croient que je suis endormi, et qu'ainsi ils ne se lancent pas à ma poursuite?» Ali accepta spontanément cette mission dangereuse. Ceci est rapporté dans différents recueils de hadiths. Ali servit aussi en combattant aux batailles de Badr, Ohod, Khandaq et Hunayn dans lesquelles sa participation fut telle que s'il n'avait pas été présent, l'ennemi aurait très probablement détruit l'Islam et les musulmans, ainsi qu'en attestent les récits historiques, de la vie du Prophète et les collections de hadiths.

La preuve principale de la légitimité d'Ali comme successeur du Prophète est l'événement de Ghadir-Khumm (6), où le Prophète choisit Ali pour la «tutelle générale » (Wâlayat-ammah) et fit de Ali le gouverneur (Wali) du peuple.

En raison d'une part, des grands services qu'il rendit et de ses vertus personnelles, reconnus de tous (7), et en raison, d'autre part, de la grande affection que le Prophète lui voua (8). Ali fut aimé par le Prophète et ses compagnons, qui furent des exemples de sincérité et de véracité, pour ses vertus ainsi que pour ses hauts faits.

Ces compagnons se rassemblèrent autour d'Ali et le suivirent, à tel point que beaucoup d'autres commencèrent à considérer excessif cet amour pour lui, et peut-être quelques uns en éprouvèrent-ils de la jalousie. A côté de tous ces éléments, nous voyons dans plusieurs paroles du Prophète une référence à la «Shi'ah d'Ali » et à la «Shi'ah de la famille du Prophète». (9)

2)- La cause de la séparation entre la minorité shi'ite et la majorité sunnite

Les amis et partisans d'Ali croyaient qu'après la mort du Prophète, le califat et l'autorité religjeuse revenaient à Ali. Cette croyance provenaient de leur considération de la situation d'Ali et de ses relations enversle Prophète, envers les élus parmi les compagnons et envers les musulmans en général. Ce furent seulement les événements qui se produisirent pendant les quelques jours de la maladie du Prophète qui provoquèrent une opposition à leurs vues. (10)

Contrairement à leur attente, lorsque le Prophète quitta ce monde, et tandis que sa famille et quelques Compagnons étaient occupés à préparer les funérailles, les amis et partisans d'Ali apprirent l'activité d'un autre groupe qui s'était rendu à la mosquée où la communauté était réunie en raison de la disparition soudaine de son chef. Ce groupe, qui devait plus tard former la majorité, entreprit en grande hâte, sans consulter la famille du Prophète, ni ses proches, ni plusieurs de ses amis, et sans même leur fournir la moindre information, de choisir un calife pour les musulmans, en apparence pour assurer le salut de ces derniers. C'est ainsi qu'Ali et ses compagnons furent mis devant un fait accompli. (11)

Après les funérailles du Prophète, Ali et ses amis, tels qu'Abbâs, Zubayi, Salmân, Abû Dharr, Miqdâd et Ammâr apprirent la façon dont le premier calife avait été élu. II protestèrent contre le choix d'un calife par consultation ou élection, et également contre les responsables de cette affaire. Ils présentèrent leurs propres arguments, mais la réponse fut que tel était le bien-être des musulmans, et que la solution résidait en ce qui avait été fait. (12)

Cette protestation et cette critique furent à l'origine de la scission de la minorité, dont les éléments furent connus dans la société comme les «partisans» ou «Shi'iah» d'Ali, d'avec la majorité. Le califat de l'époque était inquiet de voir ainsi la communauté musulmande divisée en une majorité et une minorité. Ceux qui soutenaient le calife considéraient que le califat était une question de consensus de la communauté et nommaient ceux qui protestaient les «opposants à l'allégance». Ils prétendirent donc que la minorité se tenait dans l'opposition envers la société musulmane. Parfois elle fut désignée par d'autres termes péjoratifs et dégradants. (13)

Dés le début le shi'isme fut condamné à cause de sa situation politique. Il ne put, par conséquent, obtenir quoi que ce soit au moyen de protestations politiques. Afin de sauvegarder l'unité de l'Islam et le bien-être des musulmans, et aussi du fait de l'absence d'une puissance militaire et politique suffïsante, Ali n'entreprit point de se soulever contre l'ordre existant en une révolte qui eut été sanglante. Pourtant ceux qui protestèrent contre le califat établi refusèrent de se soumettre à la majorité et continuèrent à soutenir que la succession du Prophète et l'autorité religieuse appartenaient de plein droit à Ali (14). Ils croyaient que pour toutes les matières spirtuelles et religieuses il fallait se réfèrer à lui et invitaient le peuple à rejoindre ses partisans (15).

3)-Les deux problèmes de la succession et de l'autorité dans les sciences religieuses

En accord avec les enseignements islamiques qui en sont à la base, le shi'isme estimait que la question la plus importante se posant à la société islamique, était l'élucidation des enseignements islamiques et des principes des sciences religieuses (17). C'était seulement après de telles clarifications, que l'on pourrait appliquer ces enseignements à l'ordre social. En d'autres termes, le shi'isme pensait, qu'avant toute chose, les membres de la société devaient être capables d'acquérir une vraie vision du monde et de l’homme, s'appuyant sur la nature réelle des choses. Alors seulement, ils pourraient connaître et accomplir leurs devoirs en tant qu'êtres humains, ce en quoi réside leur véritable bien-être, même si l'accomplissement de ces devoirs religieux s'avérait contraire à leurs désirs. Après avoir réalisé ce premier pas. un gouvernement religieux devrait préserver et appliquer dans la société l'ordre authentiquement islamique, de telle manière que l’homme n'adore nul autre que Dieu, qu'il jouisse, autant que possible, d'une liberté personnelle et sociale, et bénéficie d'une réelle justice, personnelle et sociale. Ces deux buts ne pouvaient être atteints que par quelqu'un d'infaillible et préservé par Dieu de toutes fautes. Sinon, les dingeants ou les autorités religieuses pourraient en venir à dénaturer l'lslam et à trahir leurs devoirs et leurs obligations. Si cela devait arriver, la règle juste et libératrice de l'Islam pourrait graduellement être convertie en une règle dictatoriale et un gouvernement totalement autocratique. De plus, les purs enseignements religieux pourraient devenir. comme on peut l'observer dans le cas de certaines autres religions, l'objet de changements et de déformations entre les mains d'érudits égoistes adonnés à la satifaction de leurs désirs matériels. La seule personne qui, selon la confirmation du Prophète, suivit parfaitement et complétement le Livre de Dieu et la tradition du Prophète, aussi bien dans ses paroles que dans ses actes, était Ali (18).

Si, comme le dit la majorité, c'est seulement les Qurayshites (19) qui s'opposèrent au légitime califat d'Ali, cette majorité aurait dû porter atteinte à la vérité par crainte de s'opposer aux Qurayshites.

Ce qui empêcha les shiites d'accepter le principe électif du choix d'un calife par le peuple fut la peur des conséquences pernicieuses qui pouvaient en résulter : peur d'une corruption possible dans le gouvernement islamique et de la destruction des bases solides des sublimes enseignements de la religion. Les évènements ultérieurs de l'histoire islamique confirmèrent de fait cette appréhension avec pour résultat, que les shi'ites furent confirmés dans leur croyance.

Pendant les premières années, toutefois, à cause du petit nombre de ses adeptes. le shi'isme apparut d'abord avoir été dissout dans la majorité. bien qu'il continuât discrètement à insister sur la nécessité de recourir à la famille du Prophètepour l'acquisition des sciences islamiques et qu'il continuât à gagner des gens à sa cause. En même temps, afin de preserver la puissance de l'Islam et de sauvegarder son progrès, le shi'isme ne montra aucune opposition ouverte au reste de la société islamique.

Les membres de la communauté shi'ite combattirent même coude à coude avec la majorité sunnite dans les guerres saintes (Jihad) et participèrent aux affaires publiques. Ali lui-même guida la majorité sunnite dans l'intérêt de tout l’Islam, chaque fois qu'une tellc action se révélait nécessaire (20).

4)- Le principe politique du choix d'un calife par vote et son incompatibilité avec b conception Shi'ite

Le shi'isme pense que la Loi divine de l'Islam (sharieah) dont la substance se trouve dans le livre de Dieu et dans la tradition (sunnah) (21) du Prophète, demeure valable jusqu'au jour du jugement et ne peut être, ni ne sera jarnais altérée. Un gouvernement qui est réellement islamique ne peut, sous aucun prétexte, refuser d'appliquer les injonctions de la sharieah (loi islamique) (22). La seule tâche d'un gouvemement islamique est de prendre des décisions par consultation dans les limites établies par la sharieah et en accord avec les exigences du moment. Le serment d'allégeance à Abu Bakr dans la Saqifah, qui fut motivé au moins partiellement par des considérations politiques, et S'incident, décrit dans le hadith de « l'encre et du papier» (23), qui eut lieu au cours des derniers jour de la maladie du Saint Prophète, démontrent que les partisans du principe d'élection pensaient que le Livre de Dieu devait être conservé sous forme de constitution, et accordaient beaucoup moins d'attention comme source immuable des enseignements islamiques aux paroles du Saint Prophète.

Ils semblent avoir accepté de modifier certains aspects des enseignements islamiques concernant le gouvernement, afin de satisfaire aux conditions du moment , et pour préserver le bien-être général.

Cette tendance est confirmée par plusieurs dires qui furent transmis ultérieurement, au sujet des Compagnons du Saint Prophète; par exemple, «les Compagnons étaient considérés comme des jurisconsultes indépendants en matière de Loi divine (mujtahid) (24), capables d'exercer un jugerment indépendant (ijtihad) dans les affaires publiques; s'ils réussissaient dans leur tâche, ils seraient récompensés (par Dieu) et s'ils échouaient ils seraient pardonnés (par Lui), parce qu'il comptaient parmi les Compagnons ».

Cette vue était largement soutenue pendant les premières années qui suivirent la mort du Saint Prophète.

Le shi'isme adopta une position plus stricte et pense que les actions des Compagnons, comme celles des autres musulmans, doivent être jugées en toute rigueur selon les enseignements de la sharieah. Par exemple l'incident du fameux général Khalid ibn Walid qui.ayant été reçu par l'un des plus éminents musulmans d'alors, Mâlike ibn Nuwayrah, tua son hôte, le décapita, jeta sa tête au feu et le soir même viola sa femme; il ne fut cependant pas puni pour ce crime, selon la loi islamique en raison de sa qualité de chef militaire remarquable, ce qui, aux yeux du shi'isme, manifeste une indulgence indue envers certaines actions des Compagnons, qui étaient au-dessous des normes de piété et de droiture établies par l'élite spirituelle des compagnons. (25)

Une autre pratique des premières années, critiquée par le shi'isme, consistait à priver la famille du Prophète du Khums. (26) et (27)

Par ailleurs, l’enregistrement par écrit du texte des hadiths fut complètement interdit, et lorsqu'on trouvait un hadith écrit, on le brûlait (28). Nous savons que cette interdiction fut en vigueur sous le califat des califes «bien dirigés» (Khulafa Ar Rachidine) (29) jusque durant la période des Omeyyades sous le califat de Omar Abdel-Aziz, qui gouverna de AH. 99/A.D. 717 à A.D. 719. (30) et (31)

Sous le second calife (13/634-25/644), il y eut une continuation de la politique consistant à mettre l'accent sur certains aspects de la sharieah et à négliger quelques pratiques qui, selon les shi'ites, furent enseignées et pratiquées par le Prophète. Certaines pratiques furent interdites, d'autres admises, et d'autres encore ajoutées. Par exemple, le pèlerinage de Tamattu (une sorte de pèlerinage au cours duquel la cérémonie d'Umrah est célébrée au lieu de la cérémonie du Hajj) fut interdite par Omar qui ordonna de lapider les transgresseurs; ceci en dépit du fait que le Prophèteinstitua dans son dernier pèlerinage une forme spéciale pour les cérémonies de pélerinage, pouvant être accomplie par les pèlerins venant de loin. (Coran II, 196)

D'autre part, du vivant du Prophètede Dieu, le mariage temporaire (mut'ah) était pratiqué, et l'appel à la prière comportait la phrase: «hâtez-vous vers le meilleur acte» (hayya alà khayr el'amal) Omar ordonna de ne plus la réciter, disant que cela risquait d'empêcher les gens de participer à la guerre sainte (jihad) (cette phrase est encore récitée dans l'appel shi'ite, mais non pas dans l'appel sunnite).

II y eut aussi des additions à la sharieah: du vivant du Prophète, un divorce n'était rendu valide que si les trois déclarations de divorce («Je divorce d'avec toi») étaient faites en trois occasions différentes, mais Omar permit de les faire en une seule fois. De très lourdes punitions furent imposées à ceux qui passèrent outre à certaines de ces nouvelles règles, telle que la lapidation dans le cas du mariage temporaire (mut'ah).

Ce fut aussi durant le règne du second calife que de nouvelles forces sociales et économiques conduisirent à la distribution inégale du trésor public (bayt-al-mâl) parmi le peuple; (32) un acte qui fut plus tard la cause de différences de classes considérables et de terribles et sanglants conflits entre musulmans.

A cette époque, Mu'awiyah gouvernait à Damas dans le style des Rois persans et byzantins et il lui fut même décerné le titre de «Khusraw-des-arabes» (un titre persan pour la plus haute autorité impériale), mais nul ne protesta sérieusement contre lui pour le type mondain de son gouvernement(33).

Le second calife fut tué par un esclave persan en 25/644. Conformêment au vote majoritaire d'un conseil de six hommes, réuni sur ordre du second calife avant sa mort, le troisième calife fut élu.

Celui-ci ne fit rien pour empêcher ses parents Omeyyades de prendre des positions de domination par rapport aux autres musulmans pendant son califat et nomma certains d'entre eux gouverneurs au Hijaz, en Irak, en Egypte et dans d'autres provinces musulmanes (34).

Les membres de sa famille commencèrent à faire preuve de laxisme dans l'application des principes moraux relatifs au gouvernement. Certains d'entre eux se rendirent ouvertement coupables d'injustices, d'actes tyranniques, de péchés et d'iniquité, et rompirent avec certains principes des lois islamiques.

Bientôt, de nombreuses protestations commencèrent à affluer vers la capitale. Mais le Calife, qui était sous l'influence de ses parents Ormeyyades, particulièrement de Marwan ibn Hakam (35), n'agit pas promptement pour remédier à l'état de choses qui provoquait les protestations. II arrivait même parfois que ceux qui protestaient fussent punis et poursuivis.

Un incident survenu en Egypte, illustre la nature du règne du troisième calife. Un groupe de musulmans d'Egypte se rebellèrent contre Othmân qui sentit le danger et appela Ali à son secours, tout en exprimant son repentir. Ali dit aux Egyptiens: «Vous vous êtes révoltés afin de ramener la justice et la vérité. Othman s'est repenti, affirmant: «Je changerai mes manières de faire et, d'ici trois jours, satisferai à vos désirs. Je vais démettre les gouverneurs oppresseurs de leurs fonctions». Ali signa un accord avec eux, de la part d'Othmân et ceux-ci retournèrent dans leur province. Sur le chemin du retour, ils aperçurent l'esclave de Othmân monté sur un chameau, se dirigeant vers l'Egypte. Nourrissant des soupçons sur sa mission, ils décidèrent de le rattraper. Ils trouvèrent sur lui une lettre du calife pour le gouverneur d'Egypte contenant ce qui suit: «Au nom de Dieu. Quand Abd-al-Rahman Ibn Addis viendra à toi, faites-lui donner cent coups de fouet, rasez-lui la tête et la barbe et condamnez-le à un long emprisonnement. Faites de même avec Amr Ibn-al-Hamaq, Suda Ibn Hamran, Al Urvah Ibn Niba». Les Egyptiens lui enlevèrent la lettre et s'en retournèrent en colère chez Othmân, lui disant: «Tu nous as trahis!» Othman nia être l'auteur de la lettre. Ils lui dirent: «C'est ton esclave qui portait ce document». I1 répondit: «I1 a commis cet acte sans ma permission». Ils lui rétorquèrent : «Mais il était monté sur ton chameau». Le calife leur répondit: «Ils ont volé mon chameau». Ils lui dirent: «La lettre est de la main de ton secrétaire» II leur répondit: «Ceci a été fait sans ma permission, et à mon insu». lls lui déclarèrent: «En tout cas tu es incompétent pour être calife et devrais démissioner, car si cela a été fait avec ta permission. tu es un traitre et si des choses aussi importantes se passent sans ta permission et à ton insu, cela prouve ton incapacité et ton incompétence. En tout cas, démets immédiatement les coupables de leurs fonctions ».

Othmân objecta: «si je décide d'agir selon votre volonté, alors c'est vous qui êtes les gouverneurs, Quelle est alors ma fonction?» Ils se lévèrent et quittèrent la réunion, en colère (36).

Pendant son califat, Othmân permit au gouvernement de Damas, à la tête duquel se trouvait Mu'awiyah, un omeyyade, de se renforcer plus que jamais, En réalité du point de vue du pouvoir politique, le centre de gravité du califat se trouvait à Damas. Médine alors capitale du monde islamique; ne possédait que l'apparence (37) du pouvoir. Finalement, en 35/656, le peuple se révolta et, après quelques jours de siège et de combats, le troisième calife fut tué.

Le premier calife avait été choisi par vote majoritaire des Compagnons, le second par la volonté et le lestament du premier, et le troisième par un conseil de six hommes, dont les membres et les règles de procédure furent déterminés par les seconds,

Dans l’ensemble, la politique de ces trois califes, qui furent au pouvoir pendant vingt-cinq ans, consiste à appliquer les lois et les principes islamiques dans la société selon l'Ijtihad et selon le jugement de califat, ce qui parut le plus sage à l'époque des califes eux-mêmes. Quant aux sciences islamiques, la politique de ces califes fut de réciter simplement le Coran sans tenir compte des commentaires, ni permettre qu'il fasse l'objet d'un approfondissement. Les hadiths du Prophèteétaient récités et transmis oralement sans être écrits, L'écriture était limitée au texte du Coran et interdite en ce qui concernait le hadith(38).

Après la bataille de Yamâmah qui finit en 12/633, plusieurs de ceux qui étaient des «récitateurs» du Coran et qui le connaissaient par coeur furent tués. Cela mena Omar îbn al Khattâb à proposer au premier calife de réunir les versets du Coran sous forme écrite, dans la crainte que si une autre guerre survenait et que le reste de ceux qui connaissaient le Coran par coeur venait à y mourir, la connaissance du texte du Livre Sacré ne disparut d'entre les hommes. II était donc nécessaire de rassembler les versets coraniques sous forme écrite (39).

Il apparait étonnant du point de vue shi'ite que cette décision ait été prise au sujet du Coran et que les hadiths du Prophète qui complétaient le Coran, et qui se trouvaient devant le même danger, exposés à l'altération dans la transmission, aux additions, aux abréviations, aux inventions et à l'oubli, n'aient pas fait l'objet de la même attention. Au contraire, comme on l'a dit plus haut, il fut interdit de les mettre par écrit et toute version trouvée devait être brûlée, comme pour bien insister sur le fait que seul le texte du livre Sacré devait subsister sous forme écrite, Quant aux autres sciences islamiques, aucun effort ne fut fourni, durant cette période, malgré les éloges dont le Coran entoure la connaissance (ilm) (40), et l’insitance qu'il met sur son développement.

La plupart avaient l'esprit occupé par les victoires remarquables et continuelles remportées par les armées musulmanes, et se laissèrent éblouir par un déluge d'immenses butins affluant de tous les horizons vers la péninsule arabique.

Avec cette nouvelle richesse et les mondanités qui raccompagnèrent, peu nombreux furent ceux qui se consacrèrent aux sciences de la famille du Prophète, à la tête de laquelle se tenait Ali, que le Prophèteavait présenté au peuple comme le plus versé en sciences islamiques. Il est curieux que, même pour rassembler les versets coraniques, Ali n'ait pas été consulté et que son nom n'ait pas été mentionné parrni ceux qui participèrent à la tâche, bien que tout le monde fût au courant qu'après la mort du Prophète, il avait réuni le texte du Coran. (41)

Il est rapporté dans plusieurs traditions qu'après avoir reçu le serment d'allégeance de la communauté, Abu Bakr envoya quelqu'un à Ali pour demander à son tour le serment d'allégeance. Ali répondit: «J'ai promis de ne pas quitter ma maison, sauf pour les prières quotidiennes, jusqu'à ce que j'aie réuni le Coran».

Et on rapporte qu'Ali ne donna son allégeance à Abu Bakr que six moix plus tard. Ceci constitue la preuve qu'Ali avait alors fini de compiler le Coran.

De même, il a été rapporté qu'après avoir compilé le Coran, il en posa les pages sur un chameau et les montra au peuple.

II est aussi rapporté que la bataille de Yamamah, à la suite de laquelle le Coran fut compilé, eut lieu pendant la deuxième année du califat d'Abu Bakr. Ces faits ont été mentionnés dans la plupart des livres d’histoire et de hadiths qui traitent de la compilation du Coran.

Ces évènements et d'autres, similaires, rendirent les partisans d'Ali plus fermes dans leurs croyances et plus conscients du chemin à parcourir.

Ils intensifièrent leur activité et Ali lui-même, du fait qu'il ne pouvait se consacrer à l'éducation et à la formation des gens en général, se concentra sur la formation d'une élite restreinte.

Pendant cette période de vingt-cinq ans, Ali perdit trois de ses quatre amis et compagnons les plus chers, qui étaient également des compagnons du Prophète: Salman-Al-Farsi, Abu Dharr Al Ghifari, et Miqdad. Ceux-ci avaient fait preuve à son égard d'une amitié fidèle en toutes circonstances. Ce fut également pendant cette période que quelques autres compagnons du Prophèteet un grand nombre de leurs disciples dans le Hijaz, le Yemen, l'Irak et d'autres contrées, rejoignirent les partisans d'Ali. Il en résulta qu'après la mort du troisième calife, de tous côtés le peuple se tourna vers Ali, lui prêta serment d'ailégeance et le choisit comme calife.

5)- L 'avénement du califat d 'Ali (42) et sa méthode de gouvernement

Le califat d'Ali commença vers la fin de l'année 35/656 et dura environ quatre ans et neuf mois. Pendant sa période de califat Ali suivit les voies du Prophète(43) et ramena la loi à sa pureté originelle. Il força tous les éléments politiques incompétents qui avaient un pouvoir de direction dans les affaires à démissionner (44) et amorça en réalité une transformation majeure, de nature «révolutionnaire», comportant d'innombrables difficultés. (45)

Le premier jour de son califat, dans un discours au peuple, Ali déclara: «0 peuple, sachez que les difficultés que vous avez rencontrées durant la mission du Prophètede Dieu, sont revenues et vous assaillent à nouveau. Vos rangs doivent être complètement inversés afin que les personnes de vertu qui se trouvent à l'arrière soient ramenées à l'avant et que ceux qui se sont placés à l'avant sans en être dignes retournent en arrière. II y a le vrai (Haqq) et le faux (bâtil). Chacun d'eux a ses adeptes, mais c'est le vrai qu'il faut suivre. Si le faux est majoritaire, cela n'a rien de nouveau, et si le vrai est rare et difficile à obtenir, il arrive parfois qu'il l'emporte, engendrant alors l'espoir du progrès. Certes, il n'arrive pas souvent que ce qui s'est éloigné de l'homme revienne à lui». (46) Ali continua à exercer son gouvernement révolutionnaire; mais comme il advient nécessairement dans tout mouvement de ce genre, des éléments de l'opposition dont les intérêts étaient compromis commencèrent à manifester leur désaccord et à opposer une résistance à son gouvernement. Appuyant leur action sur une revendication de vengeance pour la mort d'Othman, ils fomentèrent des guerres sanglantes qui se poursuivirent presque tout au long du califat d'Ali.

Du point de vue shi'ite, ceux qui déclenchèrent ces guerres civiles n'avaient pas d'autre but que leurs intérêts personnels.

Le désir de venger le sang du troisième calife n'était rien d'autre qu'un prétexte pour tromper la foule. II n'était même pasquestion d'un malentendu.

Après la mort du Prophète, une petite minorité, partisane d'Ali, avait refusé de prêter allégeance. A la tête de cette minorité se trouvaient Salman, Abu Dharr, Miqdad et Ammar. De même, au début du califat d'Ali, une minorité non négligeable, refusa de prêter allgeance. Parmi les opposants les plus tenaces figuraient: Said Ibn As, Walid Ebn Uqbah, Marwan Ibn Hakan, Amr Ibn As, Busr Ibn Artat, Samurah Ibn Jundab.et Mughirah Ibn Shu'bah.

L'étude biographique de ces deux groupes, et une réflexion sur leurs actes et les récits rapportés sur eux dans les livres d’histoire, révèlent pleinement leur personnalité religieuse et leurs objectifs.

Le premier groupe faisant partie de l'élite des compagnons du Prophète, des ascètes, des vrais adorateurs de ceux qui étaient totalement dévoués à l’Islam, luttant pour la liberté islamique. Ils étaient spécialement aimés du Prophète. Celui-ci dit: « Dieu m'a appris qu'il aimait quatre hommes et que je dois également les aimer ». On lui demanda leurs noms.Il mentionne trois fois le nom d'Ali et ensuite les noms d'Abu Dharr,Salman et Miqdad (Sunand'Ibn Majah, Le Caire 1372, Vol. Ip. 66).

Aishah a raconté que le Prophèteavait dit: «Si deux alternatives sont placées devant Ammar, il choisira précisément celle qui est plus juste et vraie» (Ibn Majah.Vol. Ip.66).

Le Prophètea dit: « I1 n'y a personne au ciel et sur terre de plus véridique qu'Abu Dharr » (Ibn Majah, Vol. Ip. 68). On ne mentionne pas un seul acte défendu qui ait été commis par ces hommes durant leur vie. Jamais il ne répandirent le sang injustement, ni ne commirent d'agression contre quiconque, ils ne volèrent le bien de personne, ni ne cherchèrent à corrompre ou à égarer les gens.

Par contre, l’histoire est remplie de récits d'actes indignes commis par certains membres du second groupe, ces actions en opposition avec les enseignements islamiques les plus évidents, ne se comptent pas. Rien ne peut les excuser, sinon le principe suivi pai certains sunnites qui prétendent que Dieu avait agréé tous les Compagnons et que, par conséquent, ceux-ci étaient libres d'accomplir n'importe quel acte, et ne seraient pas punis pour avoir violé les ordres et les lois du Livre Sacré et de la Sunnah.

La première bataille du califat d'Ali, qui a été normmée «bataille du chameau» fut causée par les regrettables différences de classe créées sous le gouvernement du deuxième calife, à la suite des nouvelle forces socio-économiques, qui provoquèrent une distribution inégale du trésor public parmi les membres de la communauté.

Quand il fut choisi pour le califat, Ali répartit le trésor d'une maniére égale (47), conformêment à la pratique du Prophète. Mais cette manière de répartir la richesse dérangea beaucoup Talhah et Zubayr. Ceux-ci commencèrent à manifester des signes de désobéissance et quittèrent Médine pour la Mecque, prétextant l'accomplissement du pélerinage. Ils persuadèrent « la mère des croyants » (Ummul mu'minin), Aishah, qui nourrissait peu de sympathie envers Ali, de les rejoindre; et sous prétexte de venger la mort du troisième calife. ils provoquèrent la sanglante «bataille du chameau» (48). Et ceci en dépit du fait que les mêmes Talhah et Zubayr, qui se trouvaient à Médine quand le troisième calife fut assiégé et tué, ne firent rien alors pour le défendre (49). De plus après sa mort, ils furent les premier à prêter serment d'allégeance à Ali au nom des «émigrés» (muhâjirûn) (50) et en leur nom propre (51). De même, « la mère des croyants », Aishah, lorsqu'elle reçut la nouvelle de la mort du troisième calife, ne manifesta aucune réprobation envers ceux qui l'avaient tué (52).

II faut se souvenir que les principaux instigateurs des troubles qui causèrent la mort du troisième calife furent les Compagnons qui écrivirent des lettres à partir de Médine vers toutes les contrées, proches et lointaines, invitant le peuple à se rebeller contre le calife.

Quant à la seconde guerre, dite de la « batallie de Siffin », elle dura un an et demi; à son origine se trrouve le désir de Mu'awiya de s'emparer du califat, qui représentait pour lui un instrument politique mondain plutôt qu'une institution religieuse. Mais il prit prétexte de la vengeance du sang du troisième calife comme but principal et entreprit une guerre dans laquelle plus de cent mille personnes périrent, sans raison.

Naturellement, dans ces guerres, Mu'awiya était agresseur plutôt que défenseur, car l'esprit de revanche qui prétend venger le sang de quelqu'un ne peut jamais prendre une forme défensive. Le prétexte de cette guerre était la vengeance du sang. Pendant les derniers jours de sa vie, le troisième calife, afin de mâter le soulèvement contre lui, avait faît appel à Mu'awiya, mais l'armée de ce dernier, sortie de Damas en direction de Médine, temporisa intentionnellement en chemin jusqu'à ce que le troisième calife fût tué. Alors Mu'awiya retourna à Damas pour provoquer un soulèvement et venger ainsi la mort du calife (53). Mais aprés la mort d'Ali, lorsqu'il eut conquis le califat, le même Mu'awiyah oublia de venger le troisième calife et renonga à poursuivre cette affaire.

Après Sifïn, il y eut la bataille de Nahiawân, où un certain nombre de gens, parmi lesquels on pouvait trouver quelques-uns des Compagnons, se rebellèrent contre Ali, à l'instigation de Mu'awiya (54). Ils semaient la rebellion à travers tout le territoire islamique, tuant les musulmans, en particulier les partisans d'Ali. Ils attaquèrent les femmes enceintes, leur ouvrirent le ventre et égorgêrent leurs bébés. Ali écrasa ce soulévement, mais quelque temps plus tard, il fut assassiné dans la mosquée de Kufa pendant la prière, par l'un des membres du groupe de ces Khawâridjs.

6)- Le bénéfice qui revient aux shi'ites par le califat d 'Ali

Bien qu'Ali, pendant les quatre ans et neuf mois de son califat, ne fut pas en mesure de mettre un terme définitif aux troubles qui agitaient le monde islamique, il réussit néanmoins sur trois plans fondamentaux :

1)-En conséquence de ses mesures justes et honnêtes, il rendit à la manière de vivre du Prophètetout son éclat et sa séduction, surtout aux yeux de la jeune génération. En contraste avec la grandeur impériale de Mu'awiya, il vécut simplement et pauvrement comme le plus pauvre parmi le peuple (55). II ne favorisa jamais ses amis ou ses parents par rapport aux autres (56), ni ne préféra la richesse à la pauvreté ou la force brutale à la modération.

2)—Malgré les difficultés harassantes qui absorbaient son temps, il laissa après lui, pour la communauté islamique un inestimable trésor de sciences théologiques et de connaissances islamiqucs. (57)

Les adversaires d'Ali prétendent qu'il était courageux mais dépourvu de perspicacité politique. Au début de son califat, il aurait pu faire provisoirement la paix avec ses adversaires. II aurait pu les amadouer par la paix et l'amitié, pour les gagner à lui. De cette manière, il aurait pu d'abord renforcer son califat et seulement ensuite s'engager dans l'extirpation et la destruction cle ses ennemis.

Ceux qui tiennent ce raisonnement oublient que le mouvement d'Ali ne s'appuyait pas sur l'opportunisme politique. C'était un mouvement religieux, révolutionnaire (au sens vrai de révolution, en tant que mouvement spirituel visant à rétablir l'ordre réel des choses, et non seulement dans son sens courant, politique et social). Par conséquent, il ne pouvait se laisser guider par des compromis, des flatteries ou des mensonges. Une situation similaire se constate au cours de la rnission du Prophète. Les infidèles et les polythéistes lui proposèrent plusieurs fois la paix et jurèrent que s'il s'abstenait de se dresser contre leurs divinités, ils ne s'opposeraient pas à sa mission religieuse. Mais le Prophèterejeta une telle proposition, bien qu'il eût pu, en ces jours difficiles, faire la paix et recourir à la flatterie pour fortifier sa propre position, et ensuite se retourner contre ses ennemis. En fait, le message islamique ne permet jamais qu'une cause vraie et juste soit abandonnée par souci de renforcer une autre bonne cause, ni qu'un mensonge soit dénoncé au moyen d'un autre mensonge. îl existe plusieurs versets coraniques à ce sujet (58). Les adversaires d'Ali commettaient n'importe quel crime et abrogeaient n'importe quelle loi islamique pour atteindre leur but. Certains soi-disant Compagnons prenaient trop de libertés avec les lois islamiques. Ali, lui, les respectait et les suivait parfaitement.

Environ onze mille de ses sentences et aphorismes, concernant différents sujets intellectuels, religieux et sociaux, ont été recensés (59). Dans ses conversations et ses discours, il exposa les sciences islamiques les plus sublimes, de la manière la plus élégante et la plus éloquente qui soit. II créa la grammaire arabe et posa les bases de la littérature arabe (60). Il fût le premier en Islam à s'intéresser directement aux questions métaphysiques (Flsafah-iilahi), unissant la rigueur intellectuelle à la démonstration logique.

II discuta de problèmes qui jamais auparavant n'avaient été posés de cette manière parmi les métaphysiciens du monde entier (61).

Bien plus, il était tellement adonné à la métaphysique et à la gnose que même au plus chaud de la bataille, il était capable de soutenir une conversation intellectuelle et de discuter de questions métaphysiques (62).

3)-Il forma un grand nombre de docteurs religieux et de savants islamiques, parmi lesquels on trouve nombre d’hommes pieux et mystiques, tels que Uways al-Qaranf, Kumayl Ibn Zyâd, Maytham al Tammar, El Rohaid al Hajari". Ces hommes ont été reconnus par les gnostiques ultérieurs comme les fondateurs de la gnose en Islam. D'autres parmi ses disciples devinrent les premiers maïtres de jurisprudence, de théologie, d'exégèse et de récitation coraniques(63).

7)- Le transfert du califat à Mu 'awiyah et sa transformation en une monarchie héréditaire

Après le martyre d'Ali, son fils, Hassan Ibn Ali, qui est reconnu par les shi'ites comme leur second Imam, devint calife. Cette désignation eut lieu conformêment à la dernière volonté et au testament d'Ali, et également grâce à "allégeance de la communauté à Hassan. Mais Mu'awiyah ne demeura pas impassible face à cet évènement. II marcha avec son armée vers l'Irak, où se trouvait alors la capitale du califat, et déclara la guerre à Hassan Ibn Ali.

Par diverses intrigues et la distribution de grandes sommes d'argent, Mu'awiyah corrompit progressiviment les aides et les généraux de Hassan Ibn Ali. Finalement, il força Hassan à lui laisser le califat pour éviter une effusion de sang et à faire la paix . Hassan lui céda le califat, à condition que ce dernier lui revienne à nouveau à la mort de Mu'awiyah et qu'aucun mal ne soit fait à ses partisans. (64)

Au cours de l'année 40/661, Mu'awiyah accéda finalement au califat. II se rendit immédiatement en Irak, et dans un discours adressé au peuple de cette contrée, déclara: «Je ne me suis pas battu contre vous pour la prière ou le jeûne. Ce que je voulais, c'était derégner sur vous, et ce but je l'ai atteint».(65) II ajouta: « L'accord que j'ai conclu avec Hassan est nul et non avenu. II git sous mes pieds». (66)

Par cette déclaration, Mu'awiyah fit connaître au peuple le véritable caractère de son gouvernement et révéla la nature du programme qu'il envisageait de mettre en oeuvre.

II précisa dans sa déclaration qu'il séparerait la religion de la politique et n'accorderait aucune garantie concernant les devoirs et les réglements religieux. II dépenserait toutes ses forces pour préserver et garder intact son pouvoir, à quelque prix que ce fût.

II est évident qu'un gouvernement de ce type est plus un sultanat et une monarchie qu'un califat, c'est-à-dire une succession au Prophètede Dieu, dans son sens islamique traditionnel. C'est pourquoi, certains de ceux qui furent admis à la cour de Mu'awiyah s'adressèrent à lui comme à un «Roi» (67). Lui-même, dans des réunions privées, interpréta son gouvernement comme une monarchie (68), alors qu’en public il se présentait toujours comme le calife. Naturellement, toute monarchie qui s'appuie sur la force implique le

principe d’héritage. Mu'awiyah confirma finalement ce fait, et choisit son fils, Yazid, jeune homme inconscient, et dépourvu de toute personnalité religieuse (69), comme «prince de la couronne» et successeur.

Cet acte devait être à l'origine de plusieurs évènements regrettables dans le futur. Mu'awiyah avait déjà laissé savoir qu'il refuserait de permettre à Hassan Ibn Ali de lui succéder en tant que calife et qu'il avait d'autres projets. Par conséquent, il s'arragea pour faire empoisonner Hassan (70), préparant ainsi la voie de la succession à son fils, Yazid.

En rompant son pacte avec Hassan, Mu'awiyah montrait clairement qu'il ne permettrait jamais aux shi'ites partisans de la famille du Prophètede vivre dans un environnement paisible et sain et de poursuivre leur activité comme auparavant. Aussi mit-il son projet à exécution, il alla jusqu'à déclarer que quiconque transmettrait un hadith louant les vertus de la famille du Prophètene jouirait d'aucune immunité ni protection en ce qui concerne sa vie, ses biens meubles et immeubles (71).

Parallèlement, il ordonna de récompenser convenablement quiconque pourrait apporter un hadith louant les autres Compagnons ou les califes. II en résulta, qu'à cette époque un grand nombre de hadiths louant les Compagnons furent inventés (72). Mu'awiyah donna l'ordre de répandre des commentaires défavorables au sujet d'Ali, du haut des chaires des mosquées à travers tout le territoire de l'Islam. (cet ordre continua à être plus ou moins appliqué jusqu'au califat de Omar Ibn Abd al Aziz, 101-99h.). (73)

Avec l'aide de ses agents dont quelques uns avaient été des compagnons du Prophète, Mu'awiyah mit à mort les plus éminents disciples d'Ali; les têtes de certains d'entre eux furent promenées à bout de lance à travers plusieurs villes.

La plupart des shi'ites furent forcés de désavouer et même d'insulter Ali et d'exprimer leur mépris à son égard. S'ils refusaient.ils étaitent mis à mort.(74)

8)- Les jours les plus difficiles du shi'isme

La période la plus difficile pour les shi'ites fut le règne de vingt ans de Mu'awiyah, pendant lequel ils ne jouirent d'aucune sécurité, la plupart d'entre eux étant connus et pourchassé par l'Etat. Deux des chefs shi'ites contemporains, les Imams Hassan et Hussein, étaient impuissants à changer les circonstances oppressives dans lesquelles ils se trouvaient.

Hussein, le troisième Imam du shi'isme n'eut aucune possibüité de libérer les shi'ites des" persécutions durant les dix années où il fut Imam. Sous le califat de Yazid, il fut martyrisé avec tous ses partisans et la plupart des membres de sa famille.

Certains, dans le monde sunnite considèrent comme pardonnables les actions arbitraires, injuste et irresponsables accomplies par Mu'awiyah, ainsi que par ses partisans et ses représentantes, pami lesquels certains étaient, comme Mu'awiyah lui-même, des Compagnons. Ce groupe s'appuie sur certains hadiths du Prophéte d'après lesquels tous les Compagnons pouvaunt pratiquer l'Ijtihad et étaient excusés par Dieu des fautes cammises Dieu était satisfait d'eux et leur pardonnait tous les torts et tous les crimes qu'ils pouvaient avoir commis.

Le shi'isme, toutefois, rejette cet argument pour deux raisons:

1- II est inconcevable qu'un guide de la société humaine comme le Prophèteapparaisse pour revivifier la Vérité, la Justice et la liberté et persuader un groupe de personnes d'accepter ses croyances (un groupe dont les membres ont sacrifié leur propre existence pour réaliser ce but sacré) et qu'ensuite, une fois ce but atteint, il accorde à ses partisans et ses Compagnons toute faculté de faire de ces lois sacrées ce que bon leur semble. Il est impossible d'admettre que le Prophèteeût pardonné n'importe quel tort ou crime commis par les Compagnons. Une telle indifférence envers les qualités de leur action aurait simplement détruit ce que le Prophèteavait construit.

2- Les récits (revâyât) qui décrivent les Compagnons comme jouissant de l’immunité et comme étant pardonnés d'avance pour toutes les actions, mêmes illégales ou répréhensibles qu'ils pouvaient accomplir, sont attribués à ces mêmes Compagnons; d'après l’histoire, il apparait que les Compagnons n'ont nullement agi les uns envers les autres comme s'ils étaient inviolables et

pardonnés d'avance pour leurs péchés et leurs fautes. Ce sont ces mêmes Compagnons qui s'injurièrent, se calomnièrent, et s'entretuèrent, sans la moindre indulgence les uns envers les autres. Par conséquent, ne fut-ce qu'en jugeant sur la façon dont les Compagnons ont agi et se sont comporté les uns envers les autres, on peut conclure que de tels récits ne peuvent être exacts ni confonnes à la manière dont certains les ont compris... L'expression de la satisfaction de Dieu au sujet des services rendus par les Compagnons en obéissance à Son ordre (75), se rapporte dans le Coran, à leurs actions passées, à la satisfaction de Dieu à leur sujet dans le passé, et non pas à toute action qu'il pourraient accomplir dans le futur.

9)- L 'établissement du gouvernement Omeyyade

Au cours de l'année 60/681, Mu'avyiyah mourut et son fïls Yazid devint calife, en conséquence de l’allégeance que son père avait obtenue pour lui auprès des principaux chefs militaires et politiques de la communauté.

D'après les documents historiques, on peut clairement se rendre compte que Yazid n'avait aucun sentiment religieux et que du vivant même de son père, il était peu respectueux des principes et des règles de l'Islam. Seules l'interessaient alors la débauche et la frivolité. Ses trois années de califat furent la cause de catastrophes sans précédent dans l’histoire de l’Islam.

Pendant la première année de son règne, Yazid massacra de la façon la plus atroce qui soit l'Imam Hussein, petit-fils du Prophète, ainsi que ses enfants, parents et amis. II fait même tuer quelques enfants de la famille du Prophèteet exposa les têtes coupées dans différentes villes, accompagnées par les enfants, les femmes et les membres de la famille du Prophètequi avaient survécu. (76)

Pendant la deuxième année de son règne, il ordonna un massacre général à Médine et, pour trois jours, donna à ses soldats licence de tuer, piller et prendre les femmes de la ville (77). Durant la troisième année il fit détruire et brûler la Kaabah Sacrée (78).

Après Yazid, la famille de Marwân prit possession du califat, selon des modalités dont le détail est resté enregistré dans îes îivres d’histoire. Le gouvemement de ce groupe de onze membres, qui dura environ soixante dix ans, inaugura une période de malheurs pour l'Islam et pour les musulmans. Ce ne fut qu'un empire arabe dictatorial qui se donna le titre de califat islamique, Pendant cette période, le calife, en principe «représentant du Prophète» et considéré comme le protecteur de la religion, décida, sans aucun respect pour les pratiques islamiques ni les sentiments musulmans, de construitre une pièce au-dessus de la Kaabah, afin de s'aménager un lieu de distraction pendant le pèlerinage annuel (79). L’un de ces califes prit le Coran comme cible de sa flèche, et dans un poème composé contre le Coran déclara : «Au jour du jugement, lorsque tu apparaitras devant Dieu, dis-lui : le calife m’a déchiré» (80).

Naturellement, les shi'ites qui se distinguent des sunnites awnt tout sur les deux questions du califat islamique et de l'autorité religieuse, connurent des jours amers durant cette sombra période, Pourtant, malgré l'injustice et l'irresponsabilité des gouvernements de l'époque, i'ascétisme et la pureté des Guides de la familie du Prophèterendirent les shi'ites chaque jour plus attachés à leurs croyances. La mort tragique de Hussein fut d'une importance particulière et joua un rôle majeur dans la propagation du shi'isme, surtout dans les régions éloignées du centre du califat, comme l'Irak, le Yémen et la Perse.

On peut déduire ceci du fait qus sous le cinquième Imam, avant même la fin du premier siècle de l'Islam et moins de quarante ans après la mort de Hussein, des failles et des divergences virent le jour dans le gouvemement Omeyyade. De toutes les contrées musulmanes, les gens affiuèrent en torrent vers la porte du cinquième Imam, pour apprendre les hadiths et les science islamiques. Le premier siècle n'était pas clos que, déjà quelques personnalités influentes dans le gouvernement fondaient la ville de Qôm, en Perse, et en faisaient une colonie shi'ite. Malgré tout, la plapart des shi'ites continuaient à vivre cachés, pratiquant leur vie religieuse en secret, sans manifestations extérieure.

Plusieurs fois, les descendants du Prophète(qui sont appelés en persan Sâdât-i-Alawi) se révoltèrent contre les injustices du gouvernement, mais chaque fois, ils furent vaincus et mis à mort.

Le gouvernement de l'époque, sans aucun scrupule, mit tout en oeuvre pour les écraser. Le corps de Zayd, le chef du shi'isme Zaydi, fut déterré et pendu; puis après être resté suspendu au gibet pendant trois ans, il fut décroché et brûlé, et ses cendres éparpillées au vent (82). Les shi'ites croient que les quatrième et cinquième Imams furent empoisonnés par les Omeyyades tout comme avaient été tués auparavant lesdeuxième et troisième Imams (83).

Les malheurs engendrés par les Omeyyades devinrent si évidents que la majorité des sunnites, bien qu'ils crussent en général au devoir d'obéissance envers les califes, ressentirent si fort les affres de leur conscience religieuse qu'ils furent obligés de diviser les califes en deux groupes. Ils en vinrent donc à distinguer les «Califes bien dirigés» (khulafa-u-rashidûn) qui sont les quatre premiers califes succédant au Prophète(Abû Bakr, Omar, Othman, Ali), des autres qui commencent avec Mu'awiyah.

Les Omeyyades suscitèrent tant de haine publique en raison de l'injustice, de la lâcheté et de l'inconscience qui marquèrent leur règne, qu'après la défaite définitive et la mort du dernier calife Omeyyade, les deux fils de ce dernier et certains autres membres de sa famille s'échappèrent avec grande difficulté de la capitale. Personne ne voulait leur offrir un refuge. Finalement, après avoir longtemps erré dans les déserts de Nubie, d'Abyssinie et de Badjâwah, où plusieurs d'entre eux moururent de faim et de soif, ils arrivèrent au Sud du Yémen.

A partir de là, ils assurèrent leurs frais de voyage en mendiant et se dirigèrent vers La Mecque, vêtus en porteurs. Arrivés à La Mecque, ils se fondirent dans la masse du peuple (84).

10)- Le shi'isme pendant le 2ème/8ème siècle

Pendant la dernière partie du premier tiers du 2ème/8ème siècle, après une série de révolutions et de guerres sanglantes à travers tout le monde islamique, due aux injustices, aux représsions et aux fautes commises par les Omeyyades, commença un mouvement anti-omeyyades au nom de la famille du Prophète, dans le Khorassan, en Perse. Le chef de ce mouvement était un général perse, Abu Muslim Marwazi, qui se rebella contre le gouvernement Omeyyade et progressa pas à pas dans son combat, jusqu'à renverser le gouvernement Omeyyade (85). Ce mouvement, qui s'enracinait dans une propagande shi'ite très profonde, accompagnait plus ou moins une revendication de vengeance du sang de la famille du Prophète; d'autre part les gens étaient secrètement invités à prèter allégeance à un membre qualifié de la famille du Prophète. Ce mouvement n'était pourtant pas directement issu de la volonté des Imams. Ceci est attesté par le fait que lorsqu'Abu Muslim offrit le califat au sixième Imam à Médine, celui-ci le repoussa énergiquement, en disant: «vous ne faites pas partie de mes hommes, et ce temps n'est pas mon temps» (86). Finalement les Abbassides saisirent le califat au nom de la famille du Prophète(87), et au début se montrèrent bons envers le peuple en général et envers les descendants du Prophèteen particulier. Pour venger le martyre de la famille du Prophète, ils massacrèrent les Omeyyades, au point d'ouvrir leurs tombes et de brûler les restes qui s'y trouvaient (88).

Mais trés vite, ils se mirent à imiter les voies injustes des Omeyyades, ne se privant d'aucune injustice ni d'aucune action irresponsable. Abu Hanifah, le fondateur de l'un des quatres rites sunnites, fut emprisonné et torturé par Al-Mansur (89). Ibn Hanbal, le fondateur d'un autre rite, fut fouetté (90). Le sixième Imam mourut empoisonné, après avoir enduré tortures et souffrances(91).

Les descendants du Prophètefurent parfois décapités en groupes, enterrés vivants, ou même emmurés dans des édiflces gouvemementaux qu'on était en train de construire.

Harun-al-Rashid, le calife Abbasâde, sous le règne duquel l'expansion et la puissance de l’empire musulman atteignit son apogée, fixant le soleil, lui adressa cette parole: «Brille où tu voudras, jamais tu ne pourras quitter mon royaume». Ses armées avançaient à l'Est et à l'Ouest, alors qu'à quelques pas de son palais, et à son insu, des officiels avaient décidé d'eux-mêmes de prélever des droits de passage sur les gens qui voulaient traverser le pont de Bagdad. Il arriva même qu'un jour le calife, voulant traverser le pont, fût interpellé et sommé d'acquitter le péage (92).

Un chanteur avait par deux vers lascifs, excité les passions du calife Abbasside Amin. Celui-ci le récompensa par la somme de trois millions de dirhams. Le chanteur, exultant de joie, se jeta aux pieds du calife en disant: «Oh! Prince des croyants! vous me donnez tout cet argent?» Le Calife répondit : «Peu importe; nous recevons cet argent d'une partie inconnue du royaume» (93). La stupéfiante quantité de richesses qui se déversait chaque année de tous les coins du monde islamique dans le trésor publique de la capitale favorisait la naissance d'une atmosphère de luxe et de débauche. Une grande partie, en fait, était souvent dépensée pour le plaisir et les folies du calife de l'époque. Le nombre de belles esclaves, dépassait plusieurs milliers. Le shi'isme ne profita nullement de la dissolution du gouvernement Omeyyade et de l'établissement des Abbassides. Ses adversaires et ses oppresseurs ne firent que changer de nom.

11)- Le shi'isme au 3ème/9ème siècle

Au début du 3ème/9ème siècle, le shi'isme connut un certain répit.

Cette situation plus favorable fut principalement due au fait que beaucoup de livres scientifiques et philosophiques furent traduits du grec, du Syriaque et d'autres langues encore en arabe. Les gens se mirent à étudier passionèment es sciences.

Qui plus est, Ma'mun, le calife abbasside de 198/813 à 218/833 avait une éducation Mu'tazilite, laquelle favorisait la démonstration intellectuelle : il fut donc plus enclin à laisser une complète liberté à la discussion et à la diffusion des diverses opinions religieuses. Les théologiens et savants shi'ites profitèrent pleinement de cette liberté poussant au maximum les activités culturelles et la propagation des enseignements shi'ites.

De plus, comme il est rapporté dans la plupart des recueils d’histoire, Al-Ma'mûn obéissant aux requêtes des forces politiques de l'époque. fit du huitiême Imam son successeur. II en résulta que les descendants et les amis de la famiile du Prophêîe furent jusqu'â un certain poinî libérés des pressions gouvernemenîaies et connurent une certaine indépendance d'action. Pourtant, três vite le tranchant du sabre se touma â nouveau contre les shi'ites et les jours anciens qu'on avait oubliés réapparorent. Ceci fut particuliêrement \Tai dans le cas de Al-Mutawakkil (233/847 - 247/861), qui nourrissait une inimitié spéciale envers Ali et les shi'ites. Sur son ordre, la tombe du troisiême imam, â Kerbala, Hit complêtement détraiîe. (94)

12)- Le shi'isme au 4ème/10èmesiècle

Durant le 4ème/10ème sicle apparurent certaines conditions nouvelles favorisant grandement la diffusion et la consolidation du shi'isme. Parmi celles-ci, il y avait les faiblesses apparues dans le gouvernement et l'administration centrale Abbasside et l'avènement des Buyides.

Les Buyides, qui étaient shi'ites, avaient une très grande influence à Bagdad, Sa capitale du califat, jusque sur le calife lui-même. Cette nouvelle force, d'une puissancc considérable, permit aux shi'ites de se dresser contre leurs adversaires, qui avaient auparavant tenté de les écraser en s'appuyant sur le califat, et de propager ouvertement leurs idées religieuses.

Selon les historiens, durant ce siècle, la plus grande partie de la péninsule arabique, à l’exception de certaines grandes villes, était shi'ite. Même certaines des villes principales comme Hajar.Omân et Sa'adah étaient shi'ites. A Basrah, qui avait toujours été une ville sunnite rivale de Koufa, laquelle était considérée comme un centre shi'ite, un groupe assez important de shi'ites vit le jour. De même à Tripoli.Nabius.Tiberies, Alep,(Nichapour)et Herat, il y avait de nombreux shi'ites: Ahwâz et la côte du Golfe persique, côté iranien, étaient également shi'ites (95).

Au début du même siècle, Nasir Utrûsh, après plusieurs années de propagande religieuse dans le nord de la Perse prit le pouvoir dans le Tabaristan et fonda un royaume qui se maintint durant plusieurs générations. Avant Utrûsh, Hassan Ibn Zayd alawi, avait régné pendant plusieurs années dans le Tabaristan (96). Durant cette même période, les Fatimides, qui étaient ismaéliens, conquirent l'Egypte et fondèrent un califat qui dura plus de deux siècles (296/908 - 567/1171). (97)

Souvent dans les grandes villes comme Bagdad, Basrah et Nichapour, des querelles et des émeutes éclatèrent entre shi'ites et sunnites; les shi'ites avaient quelquefois le dessus et en sortaient victorieux.

13)- Le shi'isme, du 5ème/11ème siècle au 9ème/15ème siècle

Du 5ème/11ème au 9ème/15ème siècles, le shi'isme continua de se répandre comme il l’avait fait pendant le 4ème/10ème siècle (98). Plusieurs rois et gouverneurs shi'ites apparurent dans diverses parties du rnonde musulman et propagèrent le shi'isme.

Vers la fin du 5ème/11ème siècle, l'activité missionnaire ismaélienne rayonna à partir de la forteresse d'Alamût et, pour presque un siècle et demi, les ismaéliens vécurent dans une indépendance complète dans les régions centrales de la Perse. De même, les Sâdât-i-Mar'ashi qui étaient des descendants du Prophète, gouvernèrent pendant plusieurs années dans le Mazandaran (99).

Sah Mohammad Khudâbandah, l'un des chefs mongols,les plus célèbres, se convertit au shi'isme et ses descendants régnèrent pendant plusieurs années en Perse, contribuant largement à l'expansion du shi'isme (100). II faut aussi mentionner les rois des dynasties Aq Qoyûnlû et Qara Qoyûnlû qui régnèrent à Tabriz et dont la souveraineté s'étendit jusqu'au Fars et à Kerman (101), de même qu'il faut évoquer le gouvernement fatimide d'Egypte. La liberté religieuse et la possibilité pour le peuple d'exercer un pouvoir religieux, variaient naturellement selon les souverains. Par exemple, avec la fin du gouvernement fatimide et la venue au pouvoir des Ayyubides, la scène changea du tout au tout et la population shi'ite d'Egypte et de Syrie perdit son indépendance religieuse. Plusieurs shi'ites de Syrie furent tués à cette époque, sur la simple accusation d'être shi'ites. L'un d'entre eux était Sahide-Awwal (le premier martyr) Muhammad Ibn Makki, une des grandes figures de la jurisprudence shi'ite, qui fut tué à Damas en 786/1384 (102). De même, le cheikh Al Ishraq Shihab Al Din Sohrawardi - qui fut tué à Alep, après avoir été accusé d'enseigner des doctrines philosophiques ésotèriques (103).

Durant cette période, le shi'isme ne cessait de se développer numériquement même si sa puissance religieuse et sa liberté dépendaient des conditions locales et des souverains en place. Toutefois, durant cette période, jamais le shi'isme ne devint la religion officielle d'un Etat musulman.

14)- Le shi’isme aux 10ème/16ème et / 11ème / l 7ème siècle

En l’an 906 Hégire.Ismaél.qui était de la famille du Cheikh Safi Al Din Ardibili (d. 735/1334), à la fois un maitre soufi et un shi'ite, amorça une révolte à Ardibil, avec trois cent soufis, disciples de ses ancètres, avec pour but la fondation d'une nation shi'ite indépendante et puissante. Il entreprit donc la conquéte de la Perse et renversa les princes féodaux locaux. Après une série de guerres sanglantes contre les gouverneurs locaux et les ottomans qui détenaient le titre de calife, il réussit à unifier la Perse en une nation et à promouvoir le shi'isme au rang de religion officielle de son royaume (104).

Après la mort de Shah Ismaël, d'autres rois safavides régnèrent en Perse jusqu'au 12ème/18ème siècle. Chacun d'eux continua à considérer le shi'isme duodécimain comme religion officielle de ce pays et à confirmer l'influence du shi'isme sur cette terre.

A l'apogée de leur puissance, sous le règne de Shah Abbas, les safavides accrurent leur expansion territoriale en sorte que la population de la Perse augmenta au point d'être deux fois plus importante que la population actuelle (105). Dans les autres terres musulmanes, par contre la population shi'ite n'augumenta que par le mécanisme naturel de la croissance de la population.

15)- Le shi'isme, du 12ème /18éme au 14ème/20ème siècle

Pendant ces trois derniers siècles, le shi'isme a poursuivi un rythme de croissance naturelle. Actuellement, en cette deuxième partie du 14ème/ 20ème siècle, le shi'isme est reconnu comme religion officielle de l'Iran. tandis qu'au Yemen et en Irak, la majorité de la population est shi'ite.

Dans presque toutes les terres où il y a des musulmans, on peut trouver un certain nombre de shi'ites. On estime qu'il y a aujourd’hui dans le monde environ plus de cent million shi'ites.

Notes du 1er Chapitre :

1)- La première désignation à être apparue au temps du Prophète de Dieu, fut « Shi'ah », et Salmân, Abu Dharr, Miqdâd et ' Ammâr étaient connus sous ce nom. Voir Hâdir al 'âlam al islâmi, Le Caire, 1352, vol. I, p. 188.

2)-Coran,XXVI,214.

3)- Selon ce hadith, Ali a dit: «Moi qui suis le plus jeune de tous, je soutiens que je suis votre vizir. Le Prophète posa sa main sur mon cou et dit: cette personne est mon frère,héritier et représentant. Vous devez lui obéir ». Les gens rirent et dirent à Abou Talib: « il t'a ordonné d'obéir à ton fils». «Tabari, al-Ta'rikh, Le Caire, 1357, vol.II, p. 63; Abul Fidâ', al-Ta'rikh, Le Caire, 1325, vol. I, p. 116; Ibn al Athir, al-Bidâyah wa'1-nihâyah, le Caire, 1358, vol. III, p.39; Bahrâni' Ghâyat al-Marâm, Téhéran, 1272, p.320.(Note du traducteur: le lecteur notera que ce hadith et certains autres qui sont cités plus d'une fois, apparaissent chaque fois sous une forme légèrement différente. C'est parce que l'auteur a employé chaque fois différentes versions transmises)

4)- Umm Salmah raconta que le Prophèteavait dit : «Ali est toujours avec la Vérité (haqq) et le Coran, et la Vérité et le Coran sont toujours avec lui, et jusqu'au jour du Jugement dernier, ils ne seront pas séparés les uns des autres ». Ce hadith a été transmis par 15 canaux dans les sources sunnites et par onze autres dans les sources Shi'ites. Umm Salmah, Ibn 'Abbâs, Abu Bakr, A'ishah, Ali, Abû Sa'id Khidri", Abû Laylâ, Abû Ayyûb Ansâri sont parmi les rapporteurs. Ghâyat al-Marâm, pp. 539-540. Le Prophète a aussi dit: «Dieu bénit Ali car la Vérité est toujours avec lui», al-Bidäyah wa'1-nihâyah, vol. IIl.p.36.

5)- Le Prophètea dit: « l'arbitrage a été divisé en 10 parts. Neuf ont été données à Ali et une a été divisée entre tous les hommes », al-Bidâyah wa'l-nihâyah, vol. VII, p.359. Salmân Farsi a transmis ce propos du Prophète:

«Après moi, le plus cultivé des hommes est Ali », Ghâyat al-Marâm, p.528. Ibn Abbâs a dit que le Prophètedit: « Ali est le plus compétent en jugement parmi les gens », selon le livre Fadâ'il al-sahâbah, mentionné dans leGhâyat al-marâm, p.528. Omar avait l'habitude de dire: «Que Dieu ne m'impose jamais une tâche difficile où Ali n'est pas présent»,al-Bidâyah wa1-nihâyah,vol. VII, p.359.

6)- Selon les croyances Shi'ites, revenant de son dernier pélerinage à la Mecque, sur la route de Médine à un endroit appelé Ghadir Khumm, le Prophètea choisi Ali comme son successeur devant la grande foule qui les accompagnait. Les shi'ites célèbrent cet événement ce jour-là comme une importante fête religieuse marquant le jour où le droit d'Ali à la succession a été universellement proclamé.

Le hadith de Ghadir dans ses différentes versions est un des hadiths définitivement établis parmi les Sunnites et les Shi'ites. Plus d'une centaine des compagnons l'ont raconté selon différentes chaines de transmissions et versions et cela a été relaté semblablement dans les livres du sunnisme et du shi'isme. Pour les détails, se référer à Ghayat al-marâm, p.79, 'Abaqât de Mûsawi, Inde 1317 (volume sur Ghadir) et al-Ghadir d'Amini, Nadjaf, 1372.

7)- Tarikh-i Ya'qûbi, Nadjaf, 1359, vol.II, pp. 137 et 140;Târikh-i Abi'l-Fida', vol.I, p. 156; Sâhih de Bukhâri", Le caire, 1315, vol.IV, p, 102; Murûj al-dhahab de Mas'ûdi, Le Caire, 1367, vol. II, p. 437, vol. III, pp. 21 et 61. Ibn Abi al Hadid.vol. I.pp. 127 et 161.

8)-Sahih de Muslim, vol. V, p. 176; Sahfh de Bukhâri, vol. IV, p. 207; Murûj al-dhahab, vol. II, p. 23 et vol. II, p. 437; Târikh-i Abi'î-Fidâ', vol. I, pp. 127 et 181,

9)- Djâbir a dit: « Nous étions en présence du Prophètequand Ali appamt dans le lointain. Le Prophètedit alors : « Je jure par celui qui tient ma vie entre Ses mains, que cette personne et ses partisans (shi'ah) bénéficieront du salut le Jour du lugement dernier ». Ibn 'Abbâs a dit: «Quand le verset » (au contraire), ceux qui auront cru et accompli les oeuvres pies, ceux-là sont le meileur de l'humanité » (XCVIII, 7) a été révélé, le Prophètedit à Ali: « ce verset t'appartient à toi et à tes partisans qui auront la félicité le Jour du Jugement dernier et Dieu sera aussi satisfait de toi». Ces deux hadiths et plusieurs autres sont cités dans l'ouvrage al- Durr al-manthûr de Suyûti, Le Caire, 1313, vol. VI, p.379 et Ghâyat al-marâm, p.326.

10)- Alots qu'il souffrait de la maladie qui le conduit à Sa mort, Mohammad organisa une armée sous le commandement de Usâmah Ibn Zayd et insista pour que tous participent à la guerre et quittent Médine. Un certain nombre de gens désobéirent au Prophètenotamment Abu Bakr et Omar : ceci troubla grandement le Prophète(Sharh Ibn Abi'l-Hadid, Le Caire, 1329, vol. I, p. 53). Au moment de sa mort, le Prophètedéclara: «Préparez de l'encre et du papier afin que je fasse écrire une lettre pour vous qui sera une cause de votre orientation et vous préservera d'être égarés ». Omar qui empêcha cela, dit: «sa maladie a empiré et il délire » (Târikh-i Tabari, vol. II, p. 436; Sahîh de Bukhârf; vol. IÏI et Sahfli de Musiim, Le Cairc, 1349, vol. V; al-Bidâyah wa'l-nîhâuah, vol. V, p. 227; îbn Abil Hadid, vol. I, p. 133). Une situation quelque peu semblable se passa lors de la maladie qui conduisit à la mort du premier calife. Dans son dernier testament, le premier calife choisit Omar et se trouva même mal alors qu'il dictait ce testament mais Omar ne dit rien et ne le considéra pas comme étant en délire bien qu'il s'évanouit alors qu'on écrivait le testament. Le Prophète était infaillible et totalement conscient lorsqu'il demanda d'écrire une lettre d'orientation. (Raudat al-Safâ de Mîr Khwând, 1332, vol. II, p. 260).

11)- Ibn Abil-Hadid, vol. I, p. 58 et pp. 123-135; Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, p. 102; Târikh-i Tabari, vol. II, pp. 445-460.

12)- Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, pp. 103-106; Târfkh-i Abil-Fidâ, vol. I, pp. 156 et 166;Murûjal-dhahab,volII,pp.307et 352; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, pp. 17 et 134. En réponse à la protestation d'Ibn Abbâs, Omar déclara: «Je jure par Dieu qu'Ali est le plus digne parmi tous pour devenir calife, mais nous l'avons écarté pour trois raisons: (1)- il est trop jeune, (2)- il est lié aux descendants d'Abd al-Muttalib, (3)- Le peuple n'aime pas à avoir la prophétie et le califat réunis dans une famille » (Ibn Abi'l-Hadid, vol. I, p. 134). Omar a dit à Ibn Abbas: «Je jure par Dieu qu'Ali mérite le califat mais les Quraychites n'auraient pas été capables de supporter son califat; s'il était devenu calife, il aurait forcé le peuple à accepter la pure Vérité et à suivre le droit chemin. Sous son califat, ils n'auraient pu transgresser les limites de la justice et auraient donc cherché à engager la guerre contre lui» (Târikh-i Ya'qûbi, vol. II, p. 137).

13)- Omar ibn Harith disait à Sa'id ibn Zayd: « Est-ce que quelqu'un s'est opposé à payer allégeance à Abu Bakr?» II répondit: «Personne ne s'est opposé à lui excepté ceux qui sont devenus apostats ou qui sont sur le point de le devenir ». Târîkh-i Tabari, vol. II, p.447.

14)- Dans le fameux hadith du thaqalayn, le Prophètea dit: « Je laisse deux choses de valeur parmi vous dans l'espoir que si vous vous y cramponnez, vous ne vous égarerez jamais; le Coran et les membres de ma Maison: ceux-ci ne seront jamais séparés jusqu'au Jugement dernier ». Ce hadith a été transmis par plus d'une centaine de canaux par au moins trente-cinq des Compagnons du Prophète ('Abaqât, volume sur le hadith-i thaqalayn; Ghâyat al-Marâm, p. 211). Le Prophète a dit: « Je suis la cité du savoir dont Ali est la porte. Ainsi quiconque cherche le savoir, entrera par cette porte » (al-Bidâyah wal-nihayah.vol. VII, P. 359).

16)- Ya'qûbi, vol. II, pp. 105 150, où cela est souvent mentionné.

17)- Le Livre de Dieu, les dits du Prophèteet de sa famille sont pleins d'encouragements et d'exhortations à acquérir le savoir à tel point que le Prophètea dit: « La recherehe du savoir incombe à tout Musulman », Bihâr al-anwâr de Majlisi, Téhéran, 1301-15, vol. I, p. 55.

18)- Al-Bidâyah wa'1-nihâyah, vol. VII, p. 360.

19)- Note de l'éditeur: Les Qurayshites étaient la plus aristocratique tribu de l'Arabie préislamique, d'où est lui-même issu le Prophète. Mais les Qurayshites, étant les gardiens de la Ka'bah, se sont d'abord opposés à sa prophétie et lui ont offert la plus grande résistance. Seulement après, ils se sont soumis à la nouvelle religion où ils ont toujours continué à occuper, une place d'honneur, particulièrement, la branche directement liée â la famille du Prophète.

20)-Tânkh-i Ya'qûbi, pp. 1 1 1, 126 et 129.

21)- Note de l'éditeur: les traditions du Prophèteen tant que contenues dans ses propos, sont appelées hadith alors que ses actes, faits, mots et tout ce qui compose la vie qui est devenue un exemple pour tous les Musulmans, sont appelés sunnah.

22)- Dieu a dit: «En vérité, elle est certes une Ecriture précieuse. Le faux ne s'y glisse par aucun côté» (Coran XLI, 41-42) et aussi «Le Jugement nappartient qu'à Allah» (Coran VI, 57 et XII, 40, 67), signifiant que l'unique shari'ah est la Chari'ah et les lois de Dieu qui doivent atteindre les hommes par la prophétie. II a dit: « Mais il est l'Apôtre d'Allah et le Sceau des Prophètes» (Coran XXXIII, 40). II a dit: «Ceux qui n'arbitrent point au moyen de cequ'Allah a fait descendre, ceux-là sont des impies» (Coran V,44).

23)- Note de l'éditeur: selon les sources shi'ites, après la mort du Prophète, le peuple se réunit dans la « galerie couverte» (saqifah) de Bani Sâ'idah et prétèrent serment d'allégeance à Abou Bakr en tant que calife. Comme pour le hadith de « l'Encre et du Papier», îl se réfère aux derniers instants de la vie du Prophètecomme cité ci-dessus â la note 10.

24)- Note de l'éditeur: le mujtahid est quelqu'un qui, par sa maitrise des sciences religieuses et la possession de qualités morales, a le droit de pratiquer l'ijtihad ou l'émission de nouveaux avis sur des matières appartenant à la Chari'ah. Le droit d'exercer son jugement indépendant basé sur les principes de la Loi, ou ijtihad, n'existe plus dans l'Islam sunnite depuis le 3e/9e siècle alors que la «porte de l'ijtihad » a toujours été ouverte en Islam shi'ite. Les autorités dominantes en Loi divine sont appelées mujtahid dans le shi'isme.

25)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 110; Târikh-i Abi'l Fidâ', vol.I, p. 158.

26)- Note de l'éditeur: une taxe religieuse payée à la famille du Prophètequi a été supprimée en Islam sunnite après sa mort mais qui a été maintenue en Islam shi'ite jusqu'à ce jour.

27)- Al-Durr al manthûr, vol.III, p. 186; Târfkh-i Ya'qûbi", vol.III, p. 48. Outre celles-ci, la nécessité du Khums a été mentionnée dans le Coran: «quoi que vous preniez en butin, sachez que le cinquième (Khums) appartient à Allah, à l'Apôtre et à ses Proches...» (Coran VIII, 41).

28)- Prenant son califat, Abou Bakr a réuni cinq cents hadiths. A'ishah raconte : « une nuit, je vis mon père agité jusqu'au matin. Le matin, il me dit: «apporte les hadiths». Ensuite, il les brûla tous» (Kanz al-'ummâl d'Alâ'al-Din Muttaqi, Hyderabad, 1364-75, vol.V, p. 237). Omar écnvit à toutes les villes, spécifiant que quiconque possède un hadith, doit le détruire (Kanz al-'ummâl, vol.V, p. 237). Mohammad ibn Abi'Bakr dit: «au temps d'Omar, le nombre d'hadiths augmenta. Quand ils furent amenés devant lui, il ordonna de les brûler» (Tabaqât Ibn Sa'd, Beyrouth, 1376, vol.V p. 140).

29)- Note de l'éditeur; les quatre premiers califes, Abu Bakr, Omar,' Othman et Ali sont appelés ensembles les Khulafa Ar-Rachidin, les califes guidés correctement et leur période de califat est nettement distinguée de celle des Omeyyades qui suivit, car le gouvernement des quatre premiers califes fut fortement religieux en caractère alors que le califat Omeyyade fut coloré de considérations terrestres et matérielles.

30)- Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 151 et autres sources semblables.

3 1)- Note de l’éditeur: au profit du lecteur non-musulman, toutes les dates vont être données selon l'hégire islamique - calendrier lunaire commençant à l'Hégire - et selon le calendrier chrétien (13/634 - 25/644): quand une référence est faite au siècle, nous donnons premièrement le sicèle islamique et ensuite le siècle chrétien correspondant (ex: 4e/10e siècle).

32)-Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 131; Târikh-i Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 160.

33)- Osd al-ghâbah d'Ibn Athir, Le Caire, 1280, vol.IV, p. 386; al-Isâbah d'Ibn Hajar Asqalâni, Le Caire, 1323, vol.III.

34)- Târïkh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 150; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 168; Târikh-i Tabarï, vol.III, p. 377, etc.

35)- Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 1 50; Târikh-i Tabarï, vol.III, p. 397.

36)- Târikh-i Tabari, vol.III, pp. 402-409; Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, pp. 150-151.

37)-Târikh-i Tabari, vol.III, p.377.

38)- Sahihih de Bukhâri, vol.VI, p. 98;Târikh-i Ya'qûbi, vol.II, p. 1 13.

39)-Târikh-i Ya'qûbi vol.II, p. 111; Tabarï, vol. III, p. 129-132.

40)- Note de l'éditeur: le mot 'ilm signifie science dans son sens le plus universel comme le latin scientia et s'applique aussi bien aux fonnes religieuses du savoir qu'à celles inteliectuelles, rationelles et philosophiques. Généralement, il est distingué de ma'rifah ou 'irfan qui est la connaissance divine et peut être comparé au latin sapientia. Certains maitres de l'Islam considèrent toutefois 'ilm dans son sens le plus,comme supérieur à l'irfan, car c'est une qualité divine, un des noms de Dieu étant al-'Alim, Celui qui sait.

41)-Târikh-i Ya'qûbi, vol.il, p. 113; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 9.

42)- Note de l'éditeur: le titre d'amir al-mu'minin, «commandant des croyants», est utilisé dans le Shi'isme essentiellement pour Ali alors que dans l'Islam sunnite, il est donné comme titre général à tous les califes.

43)- Ya'qûbi, vol.II, p. 145.

44)- Ya'qûbi, vol.II, p. 1 55 ; Murüj al-dhahab, vol.II, p. 364.

45)- Note de l’éditeur: «révolutionnaire» dans ce contexte n'a certes pas la même signification qu'il a généralement en Occident. Dans un contexte islamique un mouvement révolutionnaire est le retour aux sources et le rétablissement ou la réapplication de principes immuables d'un ordre transcendant dans tous les domaines de la vie, alors que dans un contexte non islamique, il signifie rebellion contre ces principes, et leur application ou contre tout ordre établi en général.

46)- Nahj al-balâghah, le 15e sermon.

47)- Murûj al-dhahab, vol.II, p. 362; Nahj al-balâghah, sermon 122; Ya'qûbi, vol.II, p. 160; Ibn Abi'l-Hadid, vo.I, p. 180.

48)- Ya'qûbi, vol.II, p. 156. Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 172; Murûj al-dhahab, vol.II, p.366.

49)-Ya'qûbi.vol. II.p. 152.

50)- Note de l'éditeur: Les muhâjirûn se réfèrent aux premiers convertis à l'Islam qui émigrèrent avec le Prophètede La Mecque à Médine.

51)-Ya'qûbi,vol.II, p. 154; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 171.

52)-Ya'qûbi, vol.II, p. 152.

53)- Quand Othman fut encerclé par ceux qui s'étaient rebellés, il écrivit à Mu'awiyah lui demandant de l'aide. Mu'awiyah prépara une armée de 12.000 hommes qu'il envoya à Médine. Mais il la fit camper autour de Damas et vint faire rapport à Othman que l'armée était prête. Othman lui dit: «vous avez stoppé votre armée exprès pour que je sois tué. Ensuite, vous ferez de mon sang versé une excuse pour vous révolter vous-même» Ya'qûbi, vol.II, p. 152; Murûj al-dhahab, vol.III, p. 25, Taban" vol.III, p. 403.

54)-Murûj al-dhahab, vol.II, p.415.

55)- Murûj al-dhahab, vol.II, p. 431; Ibn Abil-Hadid, vol.I, p. 181.

56)- Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 182; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 181.

57)- Nahj al-balâghah et les hadiths contenus dans les livres aussi bien sunnites que shi'ites.

58)- Voir par exemple les commentaires traditionnels qui décrivent les circonstances au moment de la révélation de ces verséets: «Le Conseil (malâ') issu d'eux (les infidèles) s'en est allé disant: partez et soyez constants envers vos diviniités!» (Coran XXXVIII, 6); «Si Nous ne t'avions point confirmé, tu aurais certes failli t'incliner vers eux quelque peu » (Coran XVII, 74) et «Ils aimeraient que tu les flattes pour te rendre la pareille » (Coran LXVIII, 9).

59)- Kitâb al-ghurar wa'1-durar d'Amedi, Saïda, 1349.

60)- Des ouvrages comme le Nahw (grammaire) de Suyûti, Téhéran, 1281 etc, vol.II; Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, p. 6.

61)- Voir Nahj al-Balâghah.

62)- Au milieu des combats de la Bataille du Chameau, un Bédouin demande à Ali :

«O Commandeur des Croyants! Vous affirmez que Dieu est un?». Les gens l'assaillirent de toutes parts disant: «Tu ne vois pas qu'Ali est soucieux et son esprit occupé par tant de sujets divers? Pourquoi engages-tu la discussion avec lui?». Ali dit à ses compagnons: «Laissez cet homme. Mon but en combattant ces gens n'est rien d'autre que l’explication de la vraie doctrine et les desseins de la religion ». Alors il se disposa à répondre au Bédouin. Bihar al-anwâr vol.II, p. 65.

63)- Ibn Abi'l-Hadid, vol.I, pp. 6-9.

64)- Ya'qûbi, vol.II, p. 191 et autres histoires.

65)- Ibn Abi al-Hadid, vol.IV, p. 160; Tabari vol.IV, p. 124; Ibn Athir, vol.IH.p. 203.

66)- Les mêmes sources, al-Nasâ'ih al-kâfiyah de Mohammad al-'Alawi, Bagdad, 1368, vol.II, p. 161 et autres.

67)-Ya'qûbi, vol.II, p. 193.

68)-Ya'qûbi, vol.II, p. 202.

69)- Yazid était un débauché et un sybarite. Q était toujours soûl et portait des vêtements de soie déplacés. Ses fêtes nocturnes alliaient musique et vin. II avait un chien et un singe, qui étaient toujours ses compagnons et avec lesquels il s'amusait. Son singe s'appelait Abû Qays. II l'habillait de beaux atours et le faisait assister à ses beuveries.Quelquefois, il le faisait monter à cheval et l'envoyait participer aux courses. Ya'qûbi, vol.II, p. 196; Murûj al-dhahab, vol.HI, p. 77.

70)-Murûj al-dhahab,vol.III,p. 5; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 183.

71)-al-Nasâ'ih al-Kâfiyah.p. 72,reprise du Kitâb al-ahdâth.

72)- al-Nasâ'ih al-Kâfiyah, pp. 72-73.

73)- Ya'qûbi, vol.II, pp. 199 et 210; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 186; Murûj al-dtiahab, vol.III, pp. 33 et 35.

74)- al-Nasa" ih al-Kâfiyah, pp. 58, 64, 77-78.

75)-Voir le Coran, IX, 100.

76)- Ya'qûbi, vol.II, p. 216; Abi'l-Fidâ' vol.I, p. 190 ; Muruj al-dhahab vol.III p.64 et autres histoires.

77)- Ya'qûbi, vol.II, p. 243; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 192; Muruj dhahab vol III, p.78.

78)- Ya'qûbi, vol.II, p. 224; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 192; Muruj al-dhahab vol.III p,81

79)- Walid ibn Yazid; mentionné dans Ya'qûbi, vol.III, p. 73.

80)- Walid ibn Yazid; rnentionné dans Murûj al-dhahab, vol.III, p.228.

81)- Mu'jam al-buldân, Yâqût Hâmawi, Beyrouth, 1957.

82)-Murüj al-dhahab, vol.III, pp. 217-219; Ya'qûbi, vol.II, p. 66.

83)- Bihâr al-anwâr, vol.XII et autres sources shi'ites.

84)- Ya'qûbi, vol.III, p. 84.

85)- Ya'qûbi, vol.III, p. 79; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 208 et autres histoires.

86)- Ya'qûbi, vol.III, p. 86; Murûj al-dhahab, vol.III, p. 268.

87)-Ya'qûbi, vol.III, p. 86;Murûj al-dhahab, vol.III, p. 270.

88)-Ya'qûbi, vol.III, pp. 91-96; Abi'l-Fidâ', vol.I, p. 212.

89)- Abi'l-Fidâ', vol.II, p. 6.

90)- Ya'qûbi, vol.III, p. 198; Abu'l-Fidâ', vol.II, p. 33.

91)- Bihâr al-anwâr, vol.XII, sur la vie de l'Imam Ja'far al-Sâdiq.

92)- al-Aghâni d'Abu'l-Faraj Isfahâni, Le Caire, 1345-51, l'histoire du pont de Bagdad.

93)- al-Aghâni, l'histoire d'Amin.

94)- Abi'l-Fidâ' et autres histoires.

95)- al-Hadârat al-islâmiyah d'Adam Mez, Le Caire, 1366, vol.I, p. 97,

96)- Murûj al-dhahab, vol.IV, p. 373; al-Milal wa'1-nihal de Chahrestâni, Le Caire, 1368, vol.I, p. 254.

97)- Abi'l-Fidâ', vol.II, p. 63 et vol.III, p.50.

98)- Voir ies histoires al-Kâmil d'Ibn Athir, Le Caire, 1348; Raudat al-safâ' et Habïb al-siyar de Khwând Mfr, Téhéran, 1333.

99)-ibid.

100)-ibid.

101)- ibid.

102)- Rayhânat al-adab de Mohammad 'Ali Tabrizi, Téhéran, 1326-32, vol.II, p. 365 et la plupart des ouvrages sur la biographie de cet homme célèbre.

103)- Rayhânat al-adab, vol.II, p. 380.

104)- Raudat al-sâfâ'; Habib al-siyar et autres.

105)-Târîkh-i 'âlam ârây-i 'abbâsi d'Iskandar Bayk, Téhéran, 1334 Hégire solaire.

CHAPITRE II

DIVISIONS A L'INTÉRIEUR DU SHI'ISME

1- Origine de la division

Chaque religion possède un certain nombre de principes premiers constituant sa base essentielle et d'autres principes d'importance secondaire. Quand les fidèles d'une religion diffèrent d'opinion en ce qui concerne la nature des principes premiers et des aspects secondaires, tout en conservant une base commune, il en résulte ce que l'on appelle un schisme (inshi'ab) à l'intérieur de cette religion. De telles schismes existent dans toutes les traditions religieuses, et plus particulièrement dans les quatre religions «révélées»: judaisme, christianisme, mazdéisme, et islam.

Le shi'isme ne connut aucune division pendant l'imamat des trois premiers Imams: Ali, Hassan et Hussein. Mais après le martyre de Hussein, la majorité des shi'ites acceptèrent l’imamat d'Ali ibn Hussein al-Sadjdjâd, alors qu'une minorité connue sous le nom de Kissaniyah, considéra le troisième fils d'Ali, Mohammad Ibn Hanafiyah comme le quatrième Imam et le Mahdi promis. Cette minorité croyait qu'il était entré en occultation dans les montagnes Radwa et réapparaitrait un jour.

Après la mort de l'Imam Al-Sadjdjâd, la majorité des shi'ites acceptèrent son fils Mohammad al Bâqir comme Imam, alors qu'une minorité suivit Zaid al-Chahid, un autre fils, de l'Imam al-Sadjdjâd, et fut connue sous le nom de «Zaidites».

Après l’Imam Mohammad al-Baqir, les shi'ites reconnurent son fils Dja'far-al-Sâdiq comme Imam; et après la mort de celui-ci, la majorité suivit son fils,l’Imam Musâ al-Kazim, à titre de septième Imam. Toutefois, un groupe suivit le fils ainé du sixième Imam, Isma'il, décédé avant son père vénéré. Quand ce groupe se sépara de la majorité shi'ite, il prit le nom d’«ismaéliens». D'autres acceptèrent comme Imam, les uns Abdallâh al Aftah, les autres Mohammed, tous deux fils du sixième Imam. Enfin, un autre groupe s'arrêta au sixième Imam, le considérant comme le dernier Imam.

De même, après le martyre de l'Imam Musâ el Kazim, la majorité suivit son fïls, Ali al Ridâ comme huitième Imam. Par contre, d'autres s'arrêtèrent au septième Imam et furent connus sous le nom de Wâqifîyah.

A partir du huitième Imam et jusqu'au douzième, qui pour la majorité shi'ite est le Mahdi promis, aucune division importante n'apparut au sein du shi'isme. Même si certains évènements prirent la forme d'une division, ils ne durèrent que quelques jours et se dissipèrent d'eux-mêmes.

Par exemple, Dja'far, le fils du dixième Imam prétendit àl’imamat après la mort de son frère, le onzième Imam. Un groupe de personnes le suivit, mais se dispersa après quelques jours, et Dja'far lui-même renonça à ses prétentions. De plus, il existe des différences entre shi'ites en matière de théologie et de jurisprudence, qui ne doivent pas être considérées comme des divisions en écoles religieuses.

Les sectes qui se séparèrent de la majorité des shi'ites, disparurent toutes après une brève période, à l'exception de deux d'entre elles : les Zaidites et les Ismaéliens qui existent encore aujourd'hui. De nos jours, des communautés appartenant à ces deux branches, vivent dans différentes parties du monde, telles le Yémen, l'Inde et le Liban. Nous limiterons par conséquent notre propos à ces deux branches et à la majorité duodécimaine du shi'isme.

2-Le shi'isme Zaidite

Les zaidites sont les disciples de Zaid al Chahid, le fús de l'Imam al-Sadjdjâd. Zaid se rebella en 121/737 contre le calife omeyyade Hichâm Abd al-Malik, et un groupe de personnes lui préta serment d'allégeance.Une bataille s'ensuivit à Koufa entre Zaid et l'armée du calife, au cours de laquelle Zaid fut tué. Les adeptes de Zaid le considérèrent comme le cinquième Imam de la famille du Prophète.

Après lui, son fils Yahya Ibn Zaid, prit sa place. II se rebella contre le calife Walid ibn Yazid et fut aussi tué. Après Yahya, Mohammad Ibn Abdallah et Ibrâhim Ibn Abdallah qui se révoltèrent contre le calife abasside Mansur al-Dawaniqi furent choisis comme Imams, mais ils furent tués au cours de la révolte.

Pe.ndant quelque temps, il y eut donc discorde dans les rangs Zaidites jusqu'à ce que Nasir al Utruch, un descendant du frère de Zaid, apparût au Khorassan. Pourchassé par les autorités gouvernementales de la région, il s'enfuit au Mazandaran (Tabaristan), où une partie de la population n'avait pas encore accepté l'Islam. Après treize années d'activité missionnaire dans la région, il amena un grand nombre de personnes à la branche Zaidite de l'Islam. Puis en l'an 301/913 grâce à l'appui des zaidites, il conquit la région du Tabaristan et devint lui-même Imam. Pendant quelque temps ses descendants continuèrent à gouverner dans la région, en tant qu'Imams.

Selon la croyance Zaidite, n'importe quel descendant de Fatimah (la fille du Prophète) qui dirige un soulèvement au nom de la vérité, peut devenir Imam pourvu qu'il soit versé dans les sciences religieuses, pieux, courageux et généreux.

Au début, les Zaidites, comme Zaid lui-même, considéraient les deux premiers califes, Abou Bakr et Omar,comme des Imams. Cependant, au bout d'un certain temps, il y eut parmi eux qui commencèrent à supprimer les noms des deux premiers califes de la liste des Imams et à placer Ali comme premier Imam.

En ce qui conceme les principes de l'Islam (usûl), Us ont une conception proche de celle des Mu'tazilites, mais pour les institutions légales dérivées des principes (furû), ils appliquent la jurisprudence de Abû Hanifah, le fondateur de l'une des quatre écoles juridiques sunnites. En outre, il existe des désaccords entre eux sur certaines questions (1).

3- L’ismaélisme et ses dérivations (2)

L'Imam Dja'far al-Sâdiq avait un fils nommé Ismail qui était l'ainé de ses enfants. Ismail mourut du vivant de son père; celui-ci convoqua plusieurs personnes, parmi lesquelles le gouverneur de Médine, pour constater le décès. Certains, toutefois, crurent qu'Ismail n'était pas mort mais était entré en occultation, et qu'il réapparaitrait pour être le Mahdi promis. Ils crurent, en plus, que la convocation de témoins, de la part de l'Imam, pour constater le décès d'Ismail, était un acte inspiré par la crainte d'Al Mansur, le calife abbasside. Un autre groupe estima que le véritable Imam était Ismail et que sa mort signifiait le transfert de l'imamat à son fils Mohammad. Un troisième groupe soutint que, bien que mort du vivant de son p