تقي زاده

تقي زاده

Les États-Unis ont un projet pour le Bassin des Caraïbes que le Pentagone a énoncé en 2001. Celui-ci étant destructeur et meurtrier, il est inavouable. Aussi s’emploient-ils à fabriquer une narration acceptable. C’est ce que nous voyons au Venezuela. Attention : les apparences masquent progressivement la réalité ; pendant les manifestations, la préparation de la guerre continue.

Persuadé que le soutien des États-Unis est plus important que le vote de ses compatriotes, Juan Guaidó s’est autoproclamé président par intérim du Venezuela.

Créer le conflit

Au cours des derniers mois, les États-Unis sont parvenus à convaincre un quart des États membres de l’Onu —dont 19 américains— de ne pas reconnaître le résultat de l’élection présidentielle vénézuélienne de mai 2018. Par conséquent, ils ne reconnaissent pas non plus la légitimité du second mandat du président Nicolas Maduro.

Dans une interview au Sunday Telegraph, publiée le 21 décembre 2018, le ministre britannique de la Défense, Gavin Wiliamson, déclare que son pays négocie l’installation d’une base militaire permanente au Guyana afin de reprendre la politique [impériale] d’avant la crise de Suez. Le même jour, un député guyanais fait chuter par surprise le gouvernement de son pays, puis se réfugie au Canada. Le lendemain, ExxonMobil affirme qu’un bateau affrété par ses soins pour mener une exploration pétrolière dans la zone contestée entre le Guyana et le Venezuela en a été chassé par la marine militaire vénézuélienne. Cette expédition avait été autorisée par le gouvernement sortant du Guyana qui administre de facto la zone contestée. Immédiatement, le département d’État US, puis le Groupe de Lima, dénoncent le risque que le Venezuela fait courir à la sécurité régionale. Cependant, le 9 janvier 2019, le président Nicolas Maduro révèle des enregistrements audio et vidéo attestant qu’ExxonMobil et le département d’État ont délibérément mentis pour créer une situation conflictuelle et pousser les États latino-américains à se faire la guerre entre eux. Les membres du Groupe de Lima admettent la manipulation sauf le Paraguay et le Canada.

Le 5 janvier 2019, l’Assemblée nationale du Venezuela élit son nouveau président, Juan Guaidó, et refuse de reconnaître la légalité du second mandat du président Nicolas Maduro. L’idée est alors énoncée que la situation est comparable à celle de l’empêchement du président pour maladie, telle que prévue par l’article 233 de la Constitution. Dans ce cas (mais pas dans celui actuel), le président de l’Assemblée nationale assure l’intérim.

Le 23 janvier 2019, les anti et les pro Maduro organisent deux manifestations simultanées à Caracas. À cette occasion, Juan Guaidó se proclame président par intérim et prête serment pour cette fonction. Les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni et Israël reconnaissent sans attendre le nouveau président du Venezuela. L’Espagne, qui avait participé aux tentatives de coup d’État contre Hugo Chávez, pousse l’Union européenne à suivre le mouvement.

La logique des événements a conduit le Venezuela à rompre ses relations diplomatiques avec les États-Unis et à fermer son ambassade à Washington. Mais, soutenant le coup d’État de Juan Guaidó, les États-Unis n’ont pas reconnu cette rupture et maintiennent leur ambassade à Caracas d’où ils continuent à verser de l’huile sur le feu.

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Le 24 janvier, le ministre de la Défense, le général Vladimir Padrino, est apparu à la télévision entouré de l’ensemble du haut commandement pour réaffirmer l’engagement de l’armée à servir la Nation et le président constitutionnel élu, Nicolas Maduro. Ceci posé, il lui a demandé de poursuivre le dialogue avec l’opposition pro-US. L’armée est la seule administration efficace, celle sur laquelle repose le pays.

Appliquer un schéma déjà expérimenté

Dans la situation actuelle, le Venezuela se trouve avec un président constitutionnel élu et un président par intérim auto-proclamé.

Contrairement à ce qu’imaginent les Vénézuéliens dans leur ensemble, le but des États-Unis n’est pas de renverser Nicolas Maduro, mais d’appliquer au bassin des Caraïbes la doctrine Rumsfeld-Cebrowski de destruction des structures étatiques. Ceci suppose certes à terme l’élimination de Nicolas Maduro, mais aussi celle de Juan Guaidó.

Le schéma actuel a déjà été expérimenté pour faire passer la Syrie d’une situation de troubles intérieurs (2011) à une agression par une armée de mercenaires (2014). Le rôle de la Ligue arabe est tenu par l’Organisation des États américains(OEA) dont le secrétaire général a déjà reconnu le président Juan Guaidó. Celui des Amis de la Syrie est tenu par le Groupe de Lima, qui coordonne les positions diplomatiques des alliés de Washington. Le rôle du chef de l’opposition, Burhan Ghalioun, est tenu par Juan Guaidó.

En Syrie, le collaborateur de longue date de la NED, Burhan Ghalioun, a été remplacé par d’autres, puis par d’autres encore au point que tout le monde a oublié son nom. Il est probable que Juan Guaidó sera identiquement sacrifié.

Cependant, le modèle syrien n’a que partiellement fonctionné, en premier lieu parce que la Russie et la Chine s’y sont de nombreuses fois opposées au Conseil de sécurité des Nations unies. En second lieu parce que le Peuple syrien s’est progressivement rallié à la République arabe syrienne et a fait preuve d’une exceptionnelle résilience. Enfin, parce que l’armée russe est venue équiper et soutenir l’armée syrienne face aux mercenaires étrangers et à l’Otan qui les supervisait. Sachant que le Pentagone ne pourra plus utiliser les jihadistes pour affaiblir l’État syrien, il va laisser la suite des événements aux mains du Trésor. Celui-ci va tout faire pour empêcher la reconstruction du pays et de l’État.

Dans les prochains mois, le président par intérim auto-proclamé Juan Guaidó va créer une administration parallèle 
- pour encaisser l’argent du pétrole dans les litiges en cours ; 
- pour résoudre le différent territorial avec le Guyana ; 
- pour négocier la situation des réfugiés ; 
- pour coopérer avec Washington et faire emprisonner aux États-Unis les dirigeants vénézuéliens sous divers prétextes juridiques.

Si nous tenons compte de l’expérience acquise au Moyen-Orient élargi durant les huit dernières années, nous ne devons pas interpréter les événements actuels au Venezuela comme ceux du Chili de 1973. Le monde d’après la dissolution de l’URSS n’est plus celui de la Guerre froide.

À l’époque, les États-Unis entendaient contrôler l’ensemble des Amériques et en exclure toute influence soviétique. Ils souhaitaient exploiter les richesses naturelles de cette zone avec le moins de contrôle national possible et au coût le plus bas.

Au contraire aujourd’hui, les États-Unis persistent à penser le monde comme unipolaire. Ils n’ont donc plus d’alliés et plus d’ennemis. Pour eux, soit une population est intégrée dans l’économie globalisée, soit elle vit sur des territoires dotés de ressources naturelles qu’ils ne doivent pas nécessairement exploiter, mais qu’ils doivent toujours contrôler. Or, ces ressources naturelles ne pouvant être contrôlées à la fois par des États-nations et par le Pentagone, les structures étatiques de ces régions doivent être rendues inopérantes.

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Cette carte est extraite d’un Powerpoint de Thomas P. M. Barnett, l’assistant de l’amiral Arthur Cebrowski, lors d’une conférence au Pentagone en 2003. Elle montre tous les États (zone rosée) qui doivent être détruits. Ce projet n’a rien à voir ni avec la Guerre froide, ni avec l’exploitation des ressources naturelles. Après le « Moyen-Orient élargi », les stratèges US se préparent à réduire en ruines le « Bassin des Caraïbes ».

Aveugler les acteurs

À supposer que Juan Guaidó croie résoudre la crise et servir son pays en s’autoproclamant président par intérim, c’est le contraire qu’il fait en réalité. Son action va provoquer une situation que l’on assimilera à une guerre civile. Lui ou ses successeurs appelleront au secours leurs frères latino-américains. Le Brésil, le Guyana et la Colombie déploieront des forces de paix soutenues par Israël, le Royaume-Uni et les États-Unis. Les troubles continueront jusqu’à ce que des villes entières soient réduites en ruines. Peu importe que le gouvernement vénézuélien soit bolivarien ou libéral, qu’il soit anti ou pro US. Le but n’est pas de le remplacer, mais d’affaiblir durablement l’État. Ce processus commence au Venezuela et se poursuivra dans d’autres pays du Bassin des Caraïbes, à commencer par le Nicaragua, jusqu’à ce qu’il ne reste plus de véritable pouvoir politique dans l’ensemble de la région.

Cette situation est limpide pour de nombreux Arabes, qui sont tombés dans le même piège et y ont tous, à un moment ou un autre, succombé. Elle ne l’est pas pour le moment pour les Latino-américains.

Bien sûr, il est toujours possible que les Vénézuéliens, malgré leur orgueil, prennent conscience de la manipulation dont ils font l’objet, surmontent leurs divisions, et sauvent leur pays.

Il paraît que la France ne se contente plus de jouer uniquement au facteur pour transférer les menaces d’Israël au Liban : elle s’est finalement décidée à envisager de coopérer avec Israël sur les plans de renseignement et de logistique après le soi-disant départ des États-Unis de Syrie.

En visite à Paris, le chef du régime israélien Reuven Rivlin a rencontré, mercredi 23 janvier, le président français Emmanuel Macron.

Les deux hommes ont discuté d’un éventail de sujets dont les missiles de haute précision dont dispose le Hezbollah libanais et la collaboration en Syrie après le départ annoncé des troupes américaines du sol syrien.

Les pourparlers, auxquels assistait également le commandant de l'armée de l'air israélienne Amikam Norkin, se sont tenus avant la visite prévue de Macron à Beyrouth.

Dans le cadre d'une action coordonnée avec le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, Reuven Rivlin a fait part de la préoccupation de Tel-Aviv concernant le « vaste arsenal de roquettes et de missiles du Hezbollah » et de ce qu'Israël appelle « les efforts déployés par l'Iran et le Hezbollah pour améliorer la précision des missiles possédés par l'organisation libanaise ».

Le président du parlement syrien, Hamoudeh Sabbagh a été invité à assister à la vingt-neuvième Conférence de l'Union parlementaire arabe.

Selon le quotidien libanais Al-Akhbar, si le président du parlement syrien accepte l'invitation, après des années de boycott syrien, ce pays assistera à la conférence qui se tiendra à Amman, la capitale jordanienne.

 

Selon certaines sources, le président du parlement jordanien Atef Tarawneh a contacté son homologue syrien la semaine dernière et l’a invité à prendre part à cette conférence.

L'invitation du représentant syrien à la conférence a été évoquée par le président du parlement et un certain nombre de parlementaires jordaniens.

Mardi 22 janvier la Jordanie a renforcé ses relations avec la Syrie en envoyant un chargé d’affaires à son ambassade à Damas. Depuis le début de la crise syrienne, sous la pression de pays tels que l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, la Jordanie a réduit ses relations diplomatiques avec la Syrie mais elle n'a jamais coupé ses relations avec ce pays.

 

La marine américaine a dépêché deux navires de guerre dans le détroit de Taïwan, selon la flotte américaine du Pacifique qui supervise les opérations dans la région.

Des sources taïwanaises signalent le déplacement de deux navires de guerre américains dans le détroit de Taïwan. C’est la première fois en 2019 que des navires de guerre américains s’approchent des côtes chinoises.

vendredi, 25 janvier 2019 11:38

Démonstration de force russe en Syrie

Un sous-traitant pour la défense russe estime que l’armée de l'air de la Russie a prouvé son importance et ses capacités en Syrie.

 

« Les systèmes d’armes et de missiles russes produits par la société Tactical Missiles Corporation ont prouvé leurs capacités concurrentielles par rapport aux systèmes analogues dans le monde », a déclaré jeudi Boris Obnosov, PDG de la société.

 

Une présentatrice célèbre de la télévision iranienne, née aux États-Unis, a déclaré qu'elle pensait que le gouvernement américain l'avait emprisonnée pour son travail de journaliste et ses convictions, ainsi que pour le mettre en garde de "surveiller ses démarches" à l’avenir.

Marzieh Hachemi a accordé une interview ce jeudi soir à l'Associated Press, un jour après sa libération. Elle n'a pas été accusée d'un crime mais a elle été détenue pendant 10 jours en tant que « témoin important » dans le cadre d'une enquête par un grand jury à Washington. Les détails de l'enquête sont sous scellés et Hachemi a déclaré qu'elle ne pouvait pas fournir plus d'explications. Mais elle a dit que sa détention était liée à ses convictions et à son travail et au fait qu'elle vivait en Iran.

Un drone téléguidé à l’identité inconnue a survolé une base secrète de l’aviation israélienne.

Le quotidien israélien Israel Hayom a rapporté jeudi 24 janvier qu’un drone de petite taille téléguidé avait récemment survolé et photographié une base secrète de l’armée de l’air d’Israël.

« L’armée ne sait pas encore qui avait envoyé le drone et pour quel objectif », indique Israel Hayom.

Le quotidien israélien ajoute que ladite base militaire a été photographiée à plusieurs reprises pendant les derniers mois.

« Les soldats qui étaient sur place ont constaté un petit drone qui photographiait leurs activités quotidiennes. Ils en ont informé leurs commandants mais rien n’a été trouvé. Cet incident a vivement préoccupé les commandants et les responsables ainsi que les unités de sécurité de l’armée de l’air d’autant plus que la base photographiée était de nature secrète. Ils ont beaucoup essayé pour identifier ceux qui avaient envoyé le drone et pour savoir si le survol du drone était un acte prémédité ou non », rapporte Israel Hayom.

Les commandants des forces syriennes et russes discutent d’une éventuelle offensive à Idlib. Dans ce cadre les avions de combat russes ont été repérés dans la région.

Un certain nombre d'avions de combat russes ont été repérés dans le gouvernorat d'Idlib au cours des dernières 48 heures, a confié une source militaire syrienne à Al-Masdar News.

Selon la source, les avions de combat russes étaient concentrés dans la campagne occidentale d'Idlib où plusieurs terroristes étrangers sont actuellement actifs.

Les avions de combat russes étaient probablement concentrés sur le district de Jisr al-Choghour et Jabal al-Zawiya, les deux régions qui accueillent beaucoup de terroristes de Hayat Tahrir al-Cham et du Parti islamique du Turkestan.

En raison de la récente expansion de Hayat Tahrir al-Cham dans le gouvernorat d’Idlib, un officier militaire de Damas a déclaré à Al-Masdar que les commandants des forces syriennes et russes discutaient à nouveau d’une éventuelle offensive dans cette région de la Syrie.

L'officier a déclaré que l'armée russe faisait pression sur la Turquie pour expulser les terroristes ou permettre à l'armée syrienne de nettoyer la zone démilitarisée.

 

Le président américain réalise chaque jour un peu plus la puissance de l’Iran, a affirmé un analyste français des questions internationales.
Le consultant international et ancien conseiller au ministère français de la Défense et de l’Intérieur, Alain Corvez, était l’invité spécial d’une émission diffusée à l’antenne de la chaîne d’information continue iranienne IRINN, portant sur les exigences et les stratégies de la sécurité et de la défense.
 
« Les États-Unis finiront certes par sortir de la région », a affirmé Alain Corvez.
 
« Les États-Unis sont confrontés à d’innombrables questions. À l’intérieur des États-Unis, les forces de l’ombre se sont réveillées. De nos jours, les États-Unis ont compris qu’aucun de leurs alliés, pas même l’Arabie saoudite, n’était un allié digne de son nom. »
 
Le général Baqeri a déclaré que les États-Unis ne faisaient qu’alimenter l’insécurité dans le golfe Persique par leur présence dans cette région stratégique.
 
L’analyste politique français a ajouté qu’Israël, aussi, finirait par se trouver dans l’isolement dans la région ; « son Premier ministre Benjamin Netanyahu s’en est aperçu », a-t-il précisé.
 
D’après l’ancien conseiller du ministère français de la Défense, « l’Europe aussi est aux prises avec des problèmes ; les peuples ont mis en cause le leadership technocrate de Bruxelles ».
 
vendredi, 25 janvier 2019 11:29

L’usage du terrorisme selon John Bolton

Après avoir privé Daesh de l’État qu’ils lui avaient confié à cheval sur l’Iraq et la Syrie, les États-Unis entendent récupérer une partie de leurs mercenaires pour les utiliser d’une autre manière. Le conseiller de sécurité nationale, John Bolton, a défini de nouveaux objectifs, de nouveaux partenaires et de nouvelles méthodes. Ce dispositif étant secret, nous ne le connaissons qu’à travers les parties déjà mises en œuvre. Thierry Meyssan explore ce monde de violence.

En 1978, Zbignew Brzezinski, le conseiller de Sécurité nationale du président Carter, décida d’utiliser les Frères musulmans contre les Soviétiques. Il envoya des combattants arabes soutenir l’opposition afghane contre le régime communiste. Appelée au secours par le gouvernement afghan, l’Armée rouge s’embourba dans un conflit ingagnable.

En Afghanistan, les Frères musulmans ne furent pas armés par la CIA qui ne parvint pas à obtenir l’autorisation du Congrès pour une opération de cette envergure, mais par Israël. Vu leur succès, les Arabes-Afghans furent mobilisés sur de nombreux autres théâtres d’opération. Il s’en suivit, entre autres, que les Frères, armés à la fois par Israël et par l’Iraq, tentèrent leur chance contre la République arabe syrienne, en 1978-82. De fil en aiguille, un représentant des Frères fut incorporé dans l’état-major de l’Otan durant l’attaque de la Yougoslavie au Kosovo.

La position des Frères musulmans en troupes supplétives de l’Otan a été interrompue à la fin de la présidence Clinton, mais la collaboration de la Confrèrie et de la CIA ne s’est jamais démentie. Elle a clairement repris avec l’attaque de la Libye sous la présidence Obama, où elle fournit la quasi-totalité des troupes au sol de l’Alliance atlantique. Un de leurs représentants fut même incorporé au sein du Conseil de sécurité nationale des États-Unis. Puis, durant l’attaque de la Syrie, le LandCom de l’Otan, situé à Izmir, coordonna les troupes jihadistes.

L’administration Trump s’opposant par principe à l’usage par les armées US de groupes terroristes, le moment est venu pour la Maison-Blanche de redéfinir le rôle des Frères musulmans.

On ne connaît pas encore la nouvelle stratégie définie par le conseiller national de sécurité, John Bolton. Cependant de nombreux éléments permettent d’en deviner les contours.

Daesh

Début 2018, les Forces spéciales US illégalement stationnées en Syrie ont exfiltré des milliers de combattants de Daesh vers l’étranger. En mai 2018, le général Yahya Rahim Safavi, conseiller militaire de l’ayatollah Khamenei, accusa les USA d’organiser le transfert des combattants de Daesh vers l’Afghanistan.

Actuellement environ 7 000 d’entre eux s’y trouvent. Contrairement au passé, ils ne soutiennent pas les Talibans, qui sont aujourd’hui opposés à toute présence étrangère, mais les combattent.

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Selon le porte-parole de l’Émirat islamique d’Afghanistan (c’est-à-dire des Talibans), Qari Muhammad Youssuf Ahmadi, 
« Les envahisseurs américains et leurs laquais ont mené un raid la nuit dernière [le 12 janvier 2019] contre un campement des Moudjahidines où ils détenaient des membres de Daesh, situé à Pani Bus, district de Jwand, province de Bâdghîs. Les forces jointes ennemies ont tué en martyrs deux gardes et sont reparties avec 40 détenus de Daesh. Il semble que les envahisseurs américains et leurs comparses de l’administration de Kaboul ont opéré ce raid pour secourir les prisonniers de Daesh. Chaque fois que les moudjahidines de l’Émirat islamique [les Talibans] ont livré bataille à Daesh, les envahisseurs américains ont aidé Daesh et bombardé les positions des Moudjahidines. Exactement comme lorsque Daesh a été déraciné par les Moudjahidines de Darzab, district de Jowzjan, et étaient sur le point d’être éradiqués [en août dernier], les envahisseurs américains et l’administration de Kaboul ont secouru conjointement 200 membres de Daesh par hélicoptères ».

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C’est à ce moment que le Centre de combat contre le terrorisme de l’Académie militaire de West Point publie une étude historique sur les divergences des Moudjahidines durant la guerre contre les Soviétiques. Ce document rappelle qu’en 1989, durant le retrait de l’Armée rouge et lorsque qu’Oussama Ben Laden fut rentré en Arabie saoudite, de jeunes Frères musulmans mirent en cause le laxisme de leurs chefs. Ils créèrent l’« école de Jalalabad », beaucoup plus stricte, qui commença à accuser les uns et les autres d’impiété et les excommunia (takfir). C’est, disent-ils, ce conflit qui ressurgit en 2014, provoquant la rupture entre Al-Qaïda et Daesh.

Ce retour en arrière ne saurait faire oublier que les Frères musulmans continuèrent à être les hôtes, non seulement des Talibans, mais de tous les résistants afghans, jusqu’à l’assassinat d’Ahmed Chah Massoud (lui-même ancien membre des Frères musulmans), le 9 septembre 2001 (deux jours avant les attentats de New York et du Pentagone). Durant deux décennies, l’Afghanistan devint le lieu de formation des jihadistes du monde entier, particulièrement des combattants du Caucase russe. Aujourd’hui, les Talibans sont beaucoup plus regardants sur le choix de leurs alliés et de leurs amis. Il est vrai qu’ils contrôlent désormais 60 % du territoire. Ils ne se fondent plus sur des critères théologiques, mais nationalistes.

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Le Frère Gulbuddin Hekmatyar est le chef de guerre du Pakistan et de la Turquie en Afghanistan. Ce criminel de guerre pourrait devenir le prochain président afghan avec l’aide de la Maison-Blanche.

Durant la guerre contre les Soviétiques, les Frères musulmans furent principalement liés à l’ancien Premier ministre Gulbuddin Hekmatyar, qui les représentait dans le pays. Le 22 septembre 2016, avec le soutien de l’administration Obama, il a bénéficié du pardon du nouvel État afghan et a été retiré des listes de terroristes des Nations unies.

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Le siège des Talibans au Qatar

L’arrivée de Daesh en Afghanistan intervient alors que depuis juillet 2018, l’administration Trump tente de négocier avec les Talibans. Des contacts préliminaires ont eu lieu au Qatar avec l’ambassadrice Alice Wells, assistante de Mike Pompeo pour l’Asie centrale. Les négociations ont été conduites par l’ambassadeur Zalmay Khalilzad en septembre et en octobre, malgré l’inquiétude du gouvernement afghan qui y a dépêché un représentant mais n’y a pas été admis. Khalilzad s’était battu avec les Talibans, pachtounes comme lui, contre les Soviétiques, avant d’être naturalisé États-unien. Il a été formé au néoconservatisme et devient ambassadeur à l’Onu, en 2007, lorsque le Sénat s’opposa à la nomination de John Bolton.

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Construite par Israël entre 2013 et 2015 à proximité de Tirana, la ville secrète de Manza est la base militaire des Moujahiddines du Peuple en Albanie.

Les Moudjahiddines du Peuple

La semaine dernière, la cheffe des Moudjahiddines du Peuple (MEK) iranien, Maryam Radjavi, est venue en visite officielle à Kaboul, depuis Tirana où elle réside. Elle a notamment rencontré le président du Conseil national de sécurité et ancien ambassadeur aux États-Unis, Hamdullah Mohib. Elle devrait se rendre dans les prochains jours à Hérat, district de Shindans, pour y établir une base militaire de son organisation. C’est là que, selon le journal pakistanais Ummat, le Pentagone aurait déjà entrainé, en octobre 2012, 2 000 Moujahiddines du Peuple.

Malgré l’apparente homonymie, il n’y a aucun rapport entre les Moudjahidines (avec un seul d) des Frères musulmans (qui sont arabes et sunnites) et les Moudjahiddines (avec deux d) du MEK (qui sont perses et chiites). Le seul lien objectif entre les deux groupes est d’être instrumenté par les États-Unis et de pratiquer le terrorisme.

À partir de 2013, le MEK a été transféré d’Iraq en Albanie avec le soutien des États-Unis. Une petite ville leur a été construite par des sociétés israéliennes. Cependant, le 23 juin 2014, Maryam Radjavi, dans un long discours prononcé devant 80 000 membres de la secte et 600 personnalités occidentales, s’était réjouie de la conquête de l’Iraq par Daesh. Il faut se souvenir que cette victoire avait été organisée avec l’aide du général Ezzat Ibrahim al-Douri, ancien bras droit du président Saddam Hussein et à ce titre protecteur des Moudjahiddines du Peuple.

Les liens de John Bolton avec les MEK datent de l’administration Bush. Ils se sont renforcés avec sa présence lors de leurs meetings annuels à Villepinte (France), en 2010 et 2017, pour une rémunération de 40 000 dollars. Devenu conseiller de sécurité nationale, il rassemble désormais les jihadistes de Daesh et les fidèles de Maryam Radjavi contre un objectif commun.

La plus immédiate des cibles de cette alliance terroriste devrait être l’Iran avec qui l’Afghanistan a une longue frontière, difficilement défendable.