À L'OCCASION DU MOIS BÉNI DU RAMADAN Entretien intéressant du Journal ''La Sakina'' avec Cheikh Djibril Bourré du Mali.

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À L'OCCASION DU MOIS BÉNI DU RAMADAN Entretien intéressant du Journal ''La Sakina'' avec Cheikh Djibril Bourré du Mali.
À L'OCCASION DU MOIS BÉNI DU RAMADAN
Entretien intéressant du Journal ''La Sakina'' avec Cheikh Djibril Bourré du Mali.
 
"NE PERDONS JAMAIS DE VUE QUE C'EST ALLAH QUE NOUS ADORONS  ET QUE C'EST ALLAH QUI A PRESCRIT COMMENT L'ADORER."


La Sakina : Éminent Cheikh, nous sommes à quelques jours seulement du Ramadan. Voulez-vous dire à nos lecteurs ce qu'est ce grand mois?

Cheikh Djibril Bouaré : Je rends d'abord grâce à Allah, le Très-Haut, et je prie abondamment sur la meilleure des créatures, celui sur qui notre Seigneur suprême et Ses anges ne cessent d'envoyer leurs bénédictions et leur salut,  notre Prophète Mouhammad Moustapha, le Prophète envoyé comme miséricorde à toute la création, ainsi que sur les membres de sa famille.
Votre question est bien à propos. Avant de parler du ramadan, il me semble nécessaire de souligner avec force que pour notre École juridique, le "mazhab Ja'afariya", il est impérieux, dans tout ce que nous faisons, de nous conformer strictement aux prescriptions du saint Coran et aux hadiths authentiques de notre Prophète Mouhammad (sawas) ainsi qu'aux directives émises par nos Maîtres que sont les douze Imams purifiés de la descendance prophétique. Sachons que tout hadith prêté au noble Prophète (sawas), qui viendrait à contredire les dispositions du saint Coran, ne vient pas de lui; de même en ce qui concerne ses successeurs authentiques et légitimes légataires que sont les Ahloul Bayt (as).

Ne perdons jamais de vue que c'est Allah que nous adorons et que c'est Allah qui a prescrit comment Il doit être adoré. Toutes autres façons d'adorer le Seigneur, en dehors de ce qu'Il a Lui-même édicté clairement, si belles seraient ces façons que nous aurons supposées dans nos petites têtes obtuses, sont vaines parce qu'elles ne sont rien d'autres que des suggestions sataniques à l'âme. Allah n'a rien oublié dans le saint Coran et, chose très importante, les prescriptions concernant les actes d'adoration sont d'une limpidité extraordinaire; méfions-nous des interprétations édulcorées que nous convenons nous-mêmes, écartons-nous d'elles. Ceci est absolument nécessaire à savoir, à admettre et à respecter.
Cette digression me paraissait indispensable à faire, a priori, en raison même de l'importance du mois Ramadan.
  Pour en venir à votre question, je vous définirai le ramadan selon le saint Coran, ce qui signifie ce qu'Allah Lui-même en dit. Certes, le Ramadan ne fait pas partie des quatre mois sacrés, mais il a une spécificité toute particulière. À l'exception de tous les autres 11 mois de l'année, il contient, à lui seul,  une nuit qui vaut mieux que mille mois. Quelle valeur! Cette nuit si particulière, Allah l'a nommée "Nuit du décret" (laylatoul qhadr). Mieux qu'un cours, écoutons Allah Lui-même dans la sourate coranique dont le nom est tel et qui définit superbement la Nuit en question : « Au nom d'Allah, le Clément, le Miséricordieux.
1- Nous l'avons révélé (le Coran) dans la Nuit du décret (Nuit Sublime).
2- Sais-tu ce qu'est la Nuit du décret ?
3- La Nuit du décret vaut plus de mille mois.
4- Au cours de cette Nuit, les anges et l'Esprit descendent du ciel sur ordre de leur Seigneur [pour régler toute chose]
5- [et répandent] le salut jusqu'à l'aube.»
Le mois béni de Ramadan, c'est donc cette grande faveur divine, et pas que ça. Ses journées sont vouées au jeûne dont l'objectif est d'amener le fidèle à acquérir la piété.

La Sakina : Éminent Cheikh, ce qui signifie, selon notre entendement, que le Ramadan, ce sont des nuits de prières et d'invocations pour bénéficier, notamment, des bienfaits de la Nuit du décret, mais aussi des journées de jeûne. Ne peut-on pas délaisser la journée de jeûne pour se consacrer à la recherche de la Nuit du décret à ce point important qu'il vaut plus de mille mois ?

Cheikh Bouaré : C'est là un piège de Satan dans lequel nous ne tomberons pas. Le Ramadan est par excellence le mois de l'abstinence durant les 29 ou 30 jours qui le composent. Allah l'a voulu ainsi et l'a proclamé dans le saint Coran : «Ô vous qui croyez! Il vous est prescrit, comme il a été prescrit aux communautés qui vous ont précédés, de jeûner afin que vous soyez pieux» (sourate 2, verset 183). Or, justement, c'est dans cette même sourate qu'Allah précise de quel jeûne il s'agit. En effet, au verset 185, notre Seigneur indique : «C'est au mois de Ramadan qu'a été révélé le Coran, guide des hommes et preuves destinées à indiquer la bonne direction avec discernement. Que celui qui constate l'apparition du croissant (lunaire) observe le jeûne ! S'il est malade ou en voyage, il jeûnera un nombre équivalent de jours. Allah veut vous faciliter l'accomplissement du culte et vous éviter la gêne. Il importe de compléter le nombre de jours à jeûner, d'exalter le Nom d'Allah pour vous avoir bien guidés, et de Lui être reconnaissants.»
C'est notre intelligence qui nous permet de comprendre, à travers cette annonce divine, qu'il y a une corrélation entre le mois de Ramadan et la pratique du jeûne. Les versets qui suivent celui que je viens de citer, dans la même sourate, énumèrent les interdits durant le mois.

La Sakina : Que faut-il entendre exactement par le mot "jeûne" ?

Cheikh Bouaré : Il faut entendre "Abstinence". Jeûner, en islam, signifie s'abstenir de boire et de manger, et aussi de tous les plaisirs sensoriels pendant une période bien déterminée qui commence avant l'apparition de la lueur de l'aube (fajr) et se termine ou prend fin avec la tombée de la nuit (layli). C'est cela le temps imparti par Allah pour l'observation du jeûne. Le Seigneur dit, suite à ce qui est permis la nuit, veille de la journée du jeûne : «... Vous pouvez aussi manger et boire jusqu'à ce que vous pourrez distinguer le fil blanc de l'aube de l'obscurité de la nuit. Alors, observez le jeûne jusqu'à la tombée de la nuit...». En parlant de fil blanc, c'est une métaphore qui désigne la blancheur de l'aube précédant le matin ; l'obscurité de la nuit exprime clairement que la nuit doit être effective. Ainsi, le jeûne court de la pénombre de l'aube (fajr) à la nuit effective constatée par la disparition totale des rayons solaires, sources de lumière.

La Sakina : Mais Cheikh, chez nous, on voit régulièrement les fidèles se précipiter à rompre le jeûne au petit soir quand le soleil n'a pas encore fini sa course vers son gîte de coucher. Est-ce donc là une faute?

Cheikh Bouaré : C'est évidemment une faute d'appréciation qu'il convient de corriger au plus vite. Ce n'est pas pour rien qu'à l'entame de mon propos, j'ai longuement insisté sur la nécessité de respecter à la lettre les prescriptions coraniques. Ceux qui rompent le jeûne au petit soir confondent deux moments à ne pas confondre. Le petit soir ne peut être en aucun cas la nuit, il précède plutôt la nuit. Ce n'est pas pour rien qu'Allah, en toute omniscience et en toute sagesse, précise : «...et observez le jeûne jusqu'à la nuit ». D'ailleurs, le moment est précisé ailleurs dans le saint Coran : le soir diffère de la nuit. Des gens inattentifs à la formulation sans ambiguïté des directives divines passent outre malheureusement. Il est dit clairement dans le saint Coran, comme si Allah a voulu leur dire «Écoutez, je connais bien le petit soir, moment où le soleil n'a pas fini totalement sa course ; et je connais tout autant la nuit, moment qui est sans luminosité solaire.» C'est dans la sourate 84 (Al-inchiqâq, la déchirure) aux versets 16 et 17 où Allah jure dans l'ordre par les deux moments : « ...16- Eh bien! Je jure par le crépuscule,
17- et par la nuit et tout ce qu'elle recouvre...».
Vous allez en plus remarquer que, grâce à Son Omniscience et à Sa sagesse à toutes épreuves, notre Seigneur a évité de mentionner le soleil dans le verset qui indique le temps d'observation du jeûne (pour le début comme pour la rupture); Allah a préféré la métaphore du fil blanc pour ne donner l'occasion d'aucune confusion. Or, partout où le soleil est la référence, Allah l'a désigné en le nommant comme tel. C'est ce que vous exprimez en français en disant "appeler le chat par son nom". Allah ne verse pas dans la confusion, encore moins dans le quiproquo.

La Sakina : La confusion leur viendrait peut-être du fait qu'ils mettent toujours en avant un hadith disant qu'il faut se précipiter à rompre le jeûne.

Cheikh Bouaré : Leur confusion a plusieurs explications. Mais, en ce qui concerne le fait de se précipiter à rompre le jeûne, je dirai "oui", mais à condition que le vrai temps de la rupture soit arrivé. Je puis vous dire, et vous l'avez aussi vécu plusieurs fois, avoir vu souvent des frères qui se sont précipités à rompre le jeûne au petit soir et qui ont fini par être si mal à l'aise car ayant constaté, après coup, qu'il faisait toujours jour parce que le soleil tardait à disparaître. C'est malheureux. Ils auraient observé seulement dix à quinze petites minutes, le temps normal de la rupture arriverait. Généralement, cette déconvenue survient parce que les gens s'accrochent à des heures alors qu'Allah dit sans aucun nuage qu'il faut observer le jeûne jusqu'à la tombée de la nuit, c'est-à-dire de le compléter jusqu'à la nuit. Si votre jeûne n'arrive pas à la nuit, il n'est donc pas logiquement complet, il faut l'admettre et corriger son erreur. D'ailleurs, sur ce point, citons un fait qui peut paraître anecdotique, mais qui est assez révélateur. En effet, dans "Mouatta Malik", ouvrage sunnite de référence, surtout chez les Malikites, il est mentionné que les califes Oumar ibn Khattab et Ousmane ibn Affan priaient d'abord la salât maghrib et attendaient que la nuit tombe pour rompre le jeûne pendant le ramadan!!!

La Sakina : Quels conseils pouvez-vous donner aux fidèles en cette veille de Ramadan ?

Cheikh Bouaré :
Le premier conseil est de rappeler à tous les fidèles que jeûner signifie s'abstenir de tout ce qu'Allah réprouve.
* Il ne faut pas mentir pendant qu'on jeûne car le mensonge invalide votre jeune; qui plus est, il ne faut pas mentir en parlant du noble Prophète (sawas) et de ses Ahloul Bayt (as). Leur attribuer un faux hadith, par exemple, fait partie des mensonges contre eux. Alors, vous perdriez les bénéfices de votre jeûne.
* Il faut éviter à tout prix de consommer  des choses illicites, Allah n'agrée que ce qui est licite, ne nous y trompons pas.
* Un autre conseil est de dire aux croyants d'éviter de médire d'autres musulmans. Allah compare la médisance au fait de manger la chaire de votre frère.
*Il ne faut surtout pas, pendant qu'on jeûne, formuler, ne serait-ce que mentalement, l'intention de le rompre; vous en perdriez le bénéfice et vous aurez l'obligation de le compenser après le ramadan.
* Il faut aussi s'adonner à l'adoration, par les prières surérogatoires et les invocations ; se fixer surtout l'objectif de ne pas rater la Nuit du décret, oh quelle bénéfique nuit!
* S'éloigner du gaspillage. En tant que mois de l'abstinence, le ramadan est aussi une période de sobriété et d'humilité. Il ne faut pas alors vous imposer des dépenses énormes que vous ne faites pas d'ordinaire. La vie de bombance et d'ambiance durant le ramadan est une flatterie de l'âme, c'est loin de la piété.
* Enfin, il faut éviter de s'adonner aux choses futiles comme jouer aux cartes, au damier, aller au grin (cercle de copinage) pour bavarder inutilement durant des heures et des heures. En un mot, il ne faut pas gaspiller votre précieux temps durant le ramadan à des activités qui ne vous rapportent rien spirituellement.
Merci de m'avoir permis de prendre une belle avance sur le ramadan béni grâce à cette interview que nous venons d'avoir, interview qui, je l'espère, sera fort utile à beaucoup. Qu'Allah bénisse votre journal. Vous faites partie sans aucun doute, j'en suis certain, des Armées de l'Imâm al-Mahdi (ajfs). Prenez du courage, faites votre journal pour gagner la satisfaction d'Allah.

Propos recueillis par Amadou Diallo
 
*Cheikh BOUARÉ, après sa forme de base au Centre culturel islamique iranien de Bamako, a suivi un cursus supérieur normal dans la ville sainte de Qom (Iran). Au terme d'une formation de haut niveau, il s'est distingué comme maître éclairé pour qui les textes sacres n'ont pas de secrets. Après l'obtention du baccalauréat arabe, il entre en effet à l'Institut de formation du Centre iranien pour quatre années pendant lesquelles, il brille par son assiduité aux cours. Pendant toute cette période, il force l'admiration et le respect autant de ses condisciples que de ses professeurs. Puis, il s'envole pour l'Iran où, dans la sainte ville de Qom, il passe 13 ans en Hawza, temps suffisant pour se frotter à plusieurs branches spécialisées du vaste savoir islamique sous la direction éclairée de plusieurs pieux savants. Quand il rentre au Mali, il est recruté comme Professeur à Jamiyatou Moustapha de Bamako. Il est aujourd'hui  l'imam de la mosquée de vendredi de cette institution. C'est donc en ces qualités qu'il a bien voulu, à travers nos colonnes, ouvrir son cœur aux fidèles à l'occasion du mois béni de ramadan karîm.*
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