Si vous voulez avoir la preuve qu’il existe un problème français,...
... en matière de politique étrangère, lisez les opinions des décideurs et des analystes de la situation actuelle, en Syrie. Ces opinions diffèrent, mais ce qui est frappant, c’est la façon dont le débat tourne autour de questions tactiques.
On échange sur le caractère fiable ou non des renseignements, sur les façons d’améliorer l’efficacité de la présence militaire, lors d’une occupation ou sur les manières d’intervenir, dans divers endroits du monde, sans s’embourber dans de longues et coûteuses opérations.
Bref, le débat se limite à déterminer comment intervenir. La question qui n’est jamais posée est : dans quel but intervenir ?
Dans quel but intervenir ?
Quel est le but exact de l’État français quand il envisage d’intervenir dans un autre pays ? Plus important encore, comment les interventions militaires de l’État contribuent-elles directement à la sécurité et la prospérité des citoyens français qui vont les financer et à ses soldats, dont les vies sont en danger ?
En ce qui concerne la Syrie, la combinaison de criminels, seigneurs de guerre, islamistes, qui finira par gouverner ce malheureux pays, importe peu. La Syrie a été gouvernée par des personnages peu recommandables, depuis plus d’un demi-siècle, et la France a réussi à bien s’en sortir, malgré cela, pendant toutes ces années.
Les intérêts stratégiques de l’État commandent-ils, soudain, au pays de s’appliquer, directement, à remodeler le paysage politique syrien ? A-t-on seulement un plan, pour y parvenir ?
Même si nous en avions un, il n’existe aucune garantie que le futur gouvernement syrien soit un allié de l’État français, étant donné la situation régionale complexe et la diversité d’opinion des principaux prétendants au pouvoir. Sans oublier le fait que la politique étrangère française passée au Moyen-Orient nous a aliéné beaucoup de personnes, dans cette région du monde.
Considérations humanitaires
Bien sûr, on peut justifier une intervention militaire pour des raisons purement humanitaires. Mais si telle était notre préoccupation principale, nous serions déjà en train de faire quelque chose pour aider le million de réfugiés syriens fuyant le conflit.
Même si l’intérêt était humanitaire, nous aurions besoin d’un plan solide et convaincant pour faire cesser la violence en Syrie. Nous aurions aussi besoin d’être sûrs que notre intervention ne ferait pas empirer le conflit. Et nous aurions enfin besoin de convaincre les Français de payer en vies humaines et en argent le sauvetage de vies syriennes. Inutile de dire que d’envoyer des armes supplémentaires, en Syrie, ne fait pas partie de ces considérations humanitaires.
Rationalisation n’est pas stratégie
La vérité c’est que l’État français n’a ni la vision, ni le leadership ni l’argent pour mener une opération militaire dans un pays aussi complexe que la Syrie. Aujourd’hui, l’armée française donne aux présidents de la République la liberté de mener des guerres par choix ou par caprice, ce qui permet aux conseillers du Prince d’imaginer de nombreuses façons d’utiliser cette puissance. Ces ambitieux trouveront toujours une justification à une intervention militaire parce qu’étant intelligents, ils savent inventer des scénarios suggérant que si nous n’intervenons pas, il se pourrait que quelque chose de malheureux arrive à quelqu’un ou quelque chose dont nous nous soucions.
C’est ce genre de raisonnement qui a fait que nous sommes en Afghanistan depuis plus de 11 ans. Le problème, c’est que cette façon de penser n’est pas une stratégie. Il est plus que temps d’avoir un débat sur la politique étrangère de l’État français.