Pourquoi la Russie devra-t-elle livrer les S300 à l'Iran?

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Les Etats-Unis et leurs alliés ne souhaitent pas régler la situation en Iran –

ils voudraient changer le régime politique actuel même si Téhéran répondait à toutes les réclamations des six médiateurs.

Dans une interview exclusive accordée à RIA Novosti l'ambassadeur iranien en Russie, Mahmoud Reza Sajjadi, avait déclaré que Téhéran était prêt à faire preuve d'une plus grande transparence dans son travail avec l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) et proposait de construire conjointement une centrale nucléaire. L'Iran a également suggéré d'autres axes de coopération avec la communauté internationale en échange de concessions mutuelles de la part des six médiateurs, notamment la levée des sanctions et le retrait du dossier nucléaire iranien de l'ordre du jour du Conseil de sécurité des Nations unies. En particulier, dans les propositions des six médiateurs, l'Iran avait confirmé ses engagements sur le Traité de non prolifération (TNP) et le refus de travailler sur l'arme nucléaire, demandant en échange de reconnaître son droit de produire de l'uranium enrichi.

"L'Occident n'est pas du tout intéressé par le règlement de la situation. Même si l'Iran répondait à toutes les revendications concernant les programmes nucléaires, on trouverait d'autres prétextes – par exemple en l'accusant de soutenir le Hezbollah ou d'envoyer de l'argent pour déstabiliser la situation dans la région. C'est une question politique", a déclaré Igor Korottchenko, rédacteur de la revue Natsionalnaïa oborona (Défense nationale).

C'est pourquoi une seule solution convient aux Etats-Unis et à leurs alliés : le changement de gouvernement et l'arrivée à Téhéran de dirigeants plus modérés, libéraux et pro-occidentaux que le pouvoir en place, affirme l'expert. Selon lui, aucun consensus n’est possible.

"La politique de la Russie doit être très pragmatique – en cas de changement de gouvernement en Iran, les conséquences pour la sécurité nationale du pays seraient catastrophiques. On assisterait au reformatage de l'ensemble de la région caspienne. Si l'Iran tombait ou changeait de gouvernement, les pays de l'espace postsoviétique opteraient forcément pour un rapprochement avec les Etats-Unis. Et la Russie perdrait son influence géopolitique dans cette région", estime Korottchenko.

Revenir aux S-300

Depuis vingt ans, l'Iran adopte une politique visant à bloquer toute tendance séparatiste dans le Caucase du Nord russe, ajoute Korottchenko. La République islamique n'a jamais accordé d’aide aux séparatistes tchétchènes ou nord-caucasiens – ni politiquement ni financièrement. Dans ce sens l'Iran est une ligne arrière sûre de la Russie, un allié stratégique. Si le gouvernement changeait, ces liens s’en trouveraient modifiés", souligne l’expert.

"Dans ces circonstances, aussi paradoxal que cela puisse paraître, le régime iranien en place est extrêmement bénéfique pour Moscou. Bien sûr, la levée des sanctions contre l'Iran doit être l'un des axes centraux de la politique étrangère russe. En principe, la Russie a toutes les cartes en main pour annuler ses anciennes décisions sur l'embargo concernant la livraison des systèmes de missiles sol-air S-300 à l'Iran et d’éviter la plainte déposée par Téhéran", souligne Korottchenko.

Système de missiles sol-air S-300P - © RIA Novosti

L'expert remarque également qu'à l'heure actuelle l'Iran ne mène pas de programme nucléaire car il est impossible de cacher ou de rendre indétectable le cycle de production nucléaire.

"Dès qu'un pays se lance dans la recherche nucléaire militaire, le renseignement technique et satellite détecte l’infrastructure. Dans le cas de l'Iran il n'existe aucune preuve de lancement d'une production militaire. Il développe uniquement son programme nucléaire civil, dépourvu d'élément militaire", déclare Korottchenko.

Néanmoins, la confirmation de ses engagements pour le TNP et le refus d'utiliser l'arme nucléaire ne seront pas non plus pris en compte par l'Occident car le véritable objectif des Etats-Unis vise à remplacer l'élite politique iranienne - et les Américains ne sont absolument pas préoccupés par le programme nucléaire ou balistique de Téhéran, conclut Korottchenko.

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