Une sorte de guerre froide règne au sein des relations internationales quant à la question de la candidature du Président Bachar al-Assad pour un nouveau mandat en 2014. En effet, depuis le début des événements en Syrie, les prétendus « Amis du peuple syrien » font une fixation sur sa destitution ; ceci, après avoir échoué à modifier ses positions selon l’agenda formulé par l'ancien secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, lors de leur célèbre rencontre en 2003.
Nombre de conversations entre diplomates indiquent que suite à l’échec de l’option militaire pour l’écarter du pouvoir comme le voulait la théorie de Robert Ford, ex-ambassadeur des USA à Damas, Washington se dirige aujourd’hui vers une nouvelle option consistant à le renverser politiquement, soit en l’empêchant de se porter candidat aux élections présidentielles prévues en 2014, soit en mobilisant tous les moyens qui pourraient les lui faire perdre si l’Occident n’arrivait pas à empêcher la tenue de ces élections avec Bachar Al-Assad comme candidat.
Ce n’est plus un secret pour personne que la Russie, l'Iran et les Etats-Unis sont divisés sur cette candidature mais, jusqu’à présent, beaucoup ignoraient que Washington et ses alliés occidentaux et arabes cherchent à dépasser cet obstacle en travaillant secrètement et de concert, au sein de leurs « salles d’opération » respectives, à échafauder des plans susceptibles de leur garantir la défaite du Président syrien au cas où ces élections auraient lieu.
Sondages occidentaux payés avec l’argent du Qatar
L'année dernière, la « Fondation du Qatar » supervisée par Cheikha Mozah, l'épouse de l'ex-Émir, a commandé une enquête d’opinion ciblant les résultats probables d'une élection présidentielle « libre » en Syrie. À remarquer que c’est une entreprise et une équipe US qui ont été chargées de cette enquête, et que le sondage devait porter sur deux échantillons de citoyens syriens : les électeurs de l’intérieur de la Syrie, et les électeurs de l’extérieur de la Syrie déplacés ou réfugiés dans les pays du Golfe, d’Afrique, et dans les États du Levant.
Le sondage avait montré que 54 % des Syriens de l’intérieur étaient pour la candidature du Président Al-Assad et son maintien pour un nouveau mandat, alors que 46% étaient contre. En revanche, 83% des Syriens déplacés dans les pays du Golfe, 93% de ceux déplacés en Afrique, et 64% de ceux déplacés dans les pays du Levant étaient contre.
Cette première enquête a été suivie par d'autres sondages non publiés, commandés auprès de sociétés françaises et étatsuniennes, et toujours financés avec l’argent arabe. Ces sondages auraient montré sensiblement les mêmes résultats : plus de 50% des Syriens de l’intérieur étaient favorables à Al-Assad, et plus de 60% des Syriens déplacés à l’étranger étaient défavorables.
Ces pourcentages sont fondamentalement très importants, car ils ont poussé Washington à insister sur deux questions particulières dans son approche de la crise syrienne : empêcher Al-Assad de se porter candidat en 2014 de peur qu’il ne gagne les élections sur la base de ces chiffres considérés fiables, et poursuivre une politique encourageant les pays voisins de la Syrie à accueillir encore plus de déplacés syriens. Politique justifiée par des considérations humanitaires mais, en réalité, liée au fait que la coalition anti-Assad a été obligée d’accepter la solution politique qui implique des élections présidentielles avec sa participation. Dans ce cas, le « meilleur électeur » pour renverser Al-Assad devient « l’électeur déplacé » !
D’autre part, ces sociétés de sondage occidentales estimant que 83% des Syriens résidant dans les pays du Golfe et que 68% des Syriens résidant dans les pays du Levant s’opposeraient à cette réélection, cela explique l'insistance de Washington pour que le Liban ouvre ses frontières à tous les Syriens sans aucune restriction... Les USA cherchent donc à augmenter au plus haut ces chiffres d’opposants de sorte que le moment venu, les réfugiés syriens représentent le bloc capable de démentir les prévisions de victoire de Bachar Al-Assad. La Turquie et la Jordanie refusant de recevoir davantage de réfugiés pour des raisons de sécurité intérieure, le Liban reste le seul pays susceptible de leur permettre d’atteindre cet objectif.
Ainsi, l’un des plans actuellement avancés par les USA, en prévision de la Conférence de Genève 2 et de la « transition politique par la mise en place d’un organe de gouvernement transitoire », serait d’imposer un accord octroyant aux réfugiés le droit de voter à partir de l’étranger et d’organiser les bureaux de vote dans les pays où ils résident. Mais Damas insistera pour que le vote ait lieu en territoire syrien et s’il faut une supervision internationale, elle sera syrienne et internationale à la fois !
Ceci, parce que le conflit est désormais essentiellement centré sur le climat dans lequel les réfugiés devront voter. Il est certain que la plupart des pays qui accueillent un nombre significatif de réfugiés syriens sont hostiles à Al-Assad, en particulier les pays du Golfe et la Turquie qui travaillent à sa défaite. En outre, les réfugiés en Jordanie et au Liban sont volontairement poussés à s'installer dans les zones où l’environnement politique est défavorable au gouvernement syrien et qui sont ouvertement impliquées dans le soutien de l'opposition syrienne.
D’ailleurs, le Premier ministre libanais Najib Mikati a déclaré, en public et en présence de diplomates, que le flux des Syriens vers le Liban était traité en dehors des normes internationales régissant l'accueil des réfugiés. Un diplomate aurait rétorqué : « D’après les déclarations de M. Mikati, il est clair que cette manière de traiter le flux entrant de réfugiés n'est pas innocente ! ».
Washington et ses alliés réalisent parfaitement que le climat politico-électoral en Syrie s'oriente de plus en plus en faveur du régime actuel, ce qui signifie qu’ils ne peuvent pas compter sur les électeurs syriens à domicile. La meilleure preuve en est que le Dollar a chuté de 50% par rapport à la Livre syrienne depuis que Washington a retiré sa menace de frappe aérienne sur la Syrie [le Dollar est passé de 300 Livres syriennes à 150]. La lecture politique de ce fait, entre autres faits, indique que l'élite urbaine syrienne, majoritairement sunnite, est soulagée maintenant que la menace du renversement du gouvernement par la force s’est dissipée, et considère que le retour partiel à la stabilité est dû à la continuité et à la solidité du gouvernement qui s’est imposé sur la scène internationale.
Par conséquent, si le « meilleur électeur » anti-Assad est le « l’électeur déplacé », reste un électeur encore meilleur ; celui qui appartient à un bloc plus important qu’il n’est plus possible de manipuler pour le pousser à voter contre un nouveau mandat du Président syrien. Un bloc fondé sur une base sociale large et plurielle qui n'a qu'un seul ennemi ; à savoir, « le substitut inconnu » et le « terrorisme » qui promet à la Syrie le destin de l’Afghanistan, de la Libye, et de Irak.
La force d'Al-Assad vient de l’intérieur
Il est donc clair que la théorie de la destitution du Président syrien consiste désormais à créer un « levier électoral » à l’extérieur du territoire syrien pour qu’il vote en chœur avec son environnement pro-opposition. Mais d’autres facteurs sont à prendre en compte.
L’un des facteurs principaux relève du fait que de larges zones du territoire syrien sont sous contrôle direct ou indirect du dit État Islamique d'Irak et du Levant [EIIL], du Front al-Nosra ou d'autres groupes de terroristes radicaux pour lesquels voter ou participer à des élections est interdit par la religion !Par conséquent, il est probable que le jour du scrutin en Syrie, l’EIIL puisse commettre contre les bureaux de vote le même genre d'attentats-suicides sanglants qu’en Irak ; cela aurait une incidence sur le taux de participation dans les zones tenues par les terroristes.
Un autre facteur qu’il faut appréhender est qu’Al-Assad risque de se retrouver le seul candidat « pro-stabilité » contre plusieurs candidats représentant l'inverse. De plus, il sera facile pour des pays comme la Turquie, l'Arabie saoudite, la France, et les Etats-Unis de se mettre d'accord sur un seul candidat anti-Assad pour éviter la dispersion des voix de l’opposition ; ceci, si ces pays arrivent à faire en sorte que les opposants votent à partir de leurs territoires respectifs ou de pays sur lesquels ils exercent leur influence. Certaines sources rapportent que Riyad prêche pour des élections à deux tours parce que cela servirait justement à s’entendre sur un candidat unique anti-Assad, une fois que nombre de candidats de l'opposition auront été éliminés au premier tour.
Une chaîne de télévision pour les « minorités »
Des rapports récents indiquent que dans le cadre des préparatifs électoraux du camp anti-Assad, une figure marquante de l'opposition syrienne envisage - à la demande de l'Arabie saoudite et de la France - de mettre en place un réseau de télévision par satellite destiné à ceux qu’elles considèrent comme des « minorités » en Syrie et au Moyen-Orient. L'objectif serait d'attirer un plus grand nombre de voix chrétiennes et kurdes, et surtout de contrer le discours du Vatican soucieux de l'avenir des chrétiens en Syrie et au Moyen-Orient depuis le soi-disant printemps arabe.
Notes :
[1] Invitation à la réunion débat à l’Assemblée nationale : les voix de la Syrie libre !
http://www.inscription-facile.com/form/cxtHEwA8PqT362KRDCne
[2] Le blog de Philippe Baumel
http://www.philippebaumel.fr/Reunion-debat-Les-voix-de-la-Syrie
Extrait de l’invitation justifiée, entre autres, par l’’administration « des zones soustraites au contrôle du pouvoir ». Autrement dit les fameuses « zones libérées » par les zombies assassins et voleurs de pétrole vendu à bas prix dans le Nord de la Syrie... qui ont peut-être échappé au contrôle de leurs commanditaires. Mais ça, Monsieur Baumel s’en fiche. Il est dans le vent et prétend amener le progrès là où on ne l’a pas attendu :
« La politique de fermeté prônée par le Président de la République à l’égard du régime de Bachar Al-Assad, qui n’a pas hésité à lancer des attaques au gaz massives contre les populations civiles, a favorisé la mise au point d’un plan de contrôle de ses armes chimiques, négociée à Genève entre les Russes et les Américains. Sans la menace d’un recours à la force, qui a convaincu Moscou de faire pression sur Damas et de renouer le dialogue avec Washington, ce plan redeviendra vite lettre morte, comme les accords précédents. Sans préjuger de ses chances de réussite dans un pays à feu et à sang, force est de constater que le dictateur a résolument repris les bombardements et les massacres, les arrestations et les tortures.
Aucune solution politique ne saurait prévaloir si elle ne prend pas en compte les aspirations du peuple syrien et les souffrances qu’il endure depuis deux ans et demi dans sa quête de liberté. Il faut aider l'opposition démocratique syrienne à se faire entendre davantage. Luttant pied à pied contre les apologues de la répression et les fanatiques du djihad, elle s’efforce malgré tout de défendre et d’administrer les zones soustraites au contrôle du pouvoir, en tentant de tracer les perspectives d’une société de tolérance et de progrès en Syrie. Ses appels à l’aide peuvent-ils être ignorés ? »
[3] As-Safir du 27/09/2013 : La dette morale des Beyrouthins envers Alep...
http://www.assafir.com/Article.aspx?ArticleId=2636&EditionId=2576&ChannelId=62249#.Uk_3575OLSc
[4] Rozana : version interprétée par Sabah Fakhri dans Alep
http://www.youtube.com/watch?v=tHUpcCMCfP4&feature=related
[5] Rozana : version moderne interprétée par Lena Chemamian
http://www.youtube.com/watch?v=9VEFaIE_0zg&hd=1
« Que Dieu punisse Rozana pour ce qu’elle nous a fait...
Vous qui partez pour Alep, mon amour s’en est allé avec vous...
Sous les raisins que vous transportez, des pommes... »
[6] AFP : L'Azerbaïdjan accuse l'Arménie d'installer des réfugiés syriens au Nagorny Karabakh
http://www.lorientlejour.com/article/835827/lazerbaidjan-accuse-larmenie-dinstaller-des-refugies-syriens-au-nagorny-karabakh-.html