C'est l'impression que l'on a au regard de l'interventionnisme de l'Union européenne et des anciennes puissances coloniales au Moyen-Orient. Des puissances qui, au siècle dernier, avaient dépecé - c'est le terme approprié - le Moyen-Orient au lendemain de la Grande Guerre (1914-1918) et de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Et c'est encore Paris et Londres qui s'émeuvent perfidement des retombées dramatiques - pour les populations palestinienne, syrienne, irakienne et kurde - des manipulations qu'elles ont opérées sur l'ancien Empire ottoman dont les séquelles sont plus vivaces que jamais. Ces puissances européennes qui s'étaient partagées, comme un gâteau, l'Afrique au Congrès de Berlin de 1881, avaient récidivé en 1916 au Moyen-Orient - alors que la grande guerre battait son plein - chargeant deux obscurs fonctionnaires (le Français, François Georges-Picot et le Britannique, Sir Mark Sykes) de mettre au point le découpage qui allait aboutir à un accord secret entre les deux grandes puissances de l'époque connu sous le nom d'«accord Sykes-Picot» (1916 Asia Minor Agreement). Sans revenir sur ces péripéties historiques, notons cependant que Britanniques et Français firent des marchandages inconcevables sous l'oeil d'une jeune puissance émergente -les Etats-Unis - pour se partager les dépouilles de l'Empire ottoman. Evidemment, les populations locales avaient compté pour du beurre qui n'ont été ni consultées sur, ni associées à leur devenir. Mais le sort de cette région fut scellé par le traité de Sèvres (1920) qui, incohérent, ne fut pas appliqué, suivi par le traité de Lausanne (1923) lequel favorisait au moins la création de deux Etats, l'Arménie et le...Kurdistan. Or, le territoire du Kurdistan était partagé entre la Turquie, la Syrie, l'Irak et l'Iran, sur lesquels la France et la Grande-Bretagne détenaient des mandats. Un rappel historique juste pour fixer les idées sur la situation qui prévaut présentement dans cette région sur laquelle l'Union européenne verse des larmes de crocodile. Le Kurdistan aurait pu être créé dès 1923, mais Français et Britanniques s'y opposèrent qui gérèrent directement ou indirectement cette région. Cette ambivalence va encore persister dans les temps modernes, quand ces mêmes pays avec les Etats-Unis concoururent à la fondation du Kurdistan autonome irakien.
Un Etat dans l'Etat. A cela s'ajoute la résolution 181 II de novembre 1947, qui élimina des cartes la Palestine au profit d'Israël. Cette résolution a été imposée par la nouvelle superpuissance états-unienne. Aussi, la responsabilité des puissances occidentales est-elle engagée dans les désordres qui marquent le Moyen-Orient. Faut-il encore relever que l'apparition de l'«Etat islamique» EI en Syrie et en Irak - semant la terreur dans ces deux pays - est un fait essentiellement de l'Occident qui appuya les djihadistes de tout bord, acharnés depuis trois ans à faire tomber le régime syrien. Il est vrai que les Occidentaux sont de mauvais élèves et n'ont jamais été capables de retenir les leçons de leurs échecs et de leur manipulation de la géopolitique dans le monde. Avec la catastrophe qui frappe l'Irak, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, rappelait à Bruxelles, toute honte bue, que la France a été un «des premiers pays à agir». Comme elle l'a fait en 1916, en 1920 et en 1923 dans ces mêmes territoires. Ainsi, la France «veut» armer les forces kurdes seules capables «d'arrêter» l'EI selon M. Fabius. Voilà donc la France qui vient d'instaurer un nouvel Etat indépendant, le Kurdistan, avec une armée, ainsi intronisée par Paris. Ne fallait-il pas plutôt, si ces Etats étaient sincères, prioritairement renforcer l'armée irakienne qui, légitimement, a le droit de protéger le pays? C'est encore plus cocasse, si ce n'est tragique, ce fait que les chefs de la diplomatie européens, font appel à l'Arabie Saoudite - l'un des pays qui financent la mouvance djihadiste en Syrie et en Irak - pour s'impliquer afin de «stopper» l'offensive de l'EI. Se déclarant «consternés» par la «détérioration rapide de la situation humanitaire» dans le nord de l'Irak, les Européens sont restés de marbre face au carnage d'Israël à Ghaza. L'Europe a «bougé» quand les djihadistes de l'EI ont commencé à attaquer la région du Kurdistan irakien. Faut-il relever cette curieuse précision d'une agence de presse qui souligne que les Kurdes ne sont pas des Arabes mais des Indo-Européens islamisés. Outre un fort relent de racisme anti-arabe, ceci, expliquerait-il cela? Or, la question palestinienne, la question kurde, le démembrement du Moyen-Orient, ce sont bien les puissances occidentales qui en sont la cause. Mais qui jugera les génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité perpétrés par la France, la Grande-Bretagne, l'Italie, les Etats-Unis en Afrique et au Moyen-Orient? C'est bien cela le vrai dilemme!
Impérialisme européen, le retour?
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