Bien que le système de défense antimissile conçu par Boeing ait échoué à la moitié des tests, il a été mis en service et a généré 1,8 milliard d'euros de bénéfices.
Entre 2002 et le début de l'année 2015, le Pentagone a effectué 11 essais en vol du système de défense antimissile destiné à protéger la patrie. Dans les exercices scrupuleusement scénarisés, les missiles-intercepteurs du système GMD (Ground-Based Midcourse Defense), ont été lancés depuis des silos souterrains pour éliminer des ogives ennemies fictives au-dessus du Pacifique.
Alors que ces tests ont englouti 5,7 milliards d'euros ponctionnés sur les deniers publics, sur les 11 essais de missiles, seulement cinq ont atteint leur cible. Un record peu honorable qui a poussé des experts indépendants à conclure que le système ne saurait être employé pour riposter à une attaque nucléaire de la Corée du Nord ou de l'Iran. Néanmoins, le système GMD, destiné à contrecarrer une attaque nucléaire "limitée" d’une non-superpuissance, a été mis en service en 2004 et a coûté aux contribuables américains plus de 36 milliards d'euros. De plus, Boeing Co., l’entreprise qui a conçu le GMD, a perçu près de 2 milliards d'euros de primes en remerciement de son travail, précise le Los Angeles Times. Jusqu'à récemment les informations sur le montant total des primes versées à Boeing n'avaient pas été rendues publiques.
Mais le journal a obtenu des détails à l’issue d’un procès qu’il avait intenté contre le ministère de la Défense en vertu de la loi sur la liberté d'information.
Au cours de l'enquête, les journalistes ont découvert que les critères pour les primes annuelles avaient été modifiés afin de minimiser l'importance des résultats des essais. L. David Montague, co-président du comité de l’Académie nationale des sciences qui a documenté les lacunes du GMD, a qualifié d'"ahurissant" le montant du bonus tenant compte de la performance du système. Montague, qui est également un ancien haut responsable pour les systèmes de missiles au sein de la société Lockheed Corp., a déclaré qu’un tel montant suggère que l'Agence de défense antimissile, le bras du Pentagone qui supervise le projet du GMD, est une "organisation voyou" qui devrait être strictement surveillée.
Un porte-parole de l'agence, Chris Johnson, a déclaré que, malgré le bilan des essais en vol du système GMD, Boeing avait "touché" ses primes "en conformité avec les critères spécifiés dans le contrat". Il a ajouté que les paiements étaient "conformes à tous les règlements régissant les achats gouvernementaux". Boeing "a satisfait aux exigences contractuelles et à une variété d'incitations faisant partie d’un large éventail d'objectifs du programme" a répondu Dexter Q. Henson, porte-parole de Boeing, dans un e-mail défendant le travail de la société. Il est prévu qu’en cas d'attaque, les missiles-intercepteurs de la base aérienne de Vandenberg, à Santa Barbara et de Fort Greely, en Alaska, soient lancés dans le but d'atteindre des cibles dans la haute atmosphère. L’engin-intercepteur est un missile à plusieurs étages avec un "engin destructeur" de 1,5 m de long placé à son extrémité. L'engin destructeur est conçu pour se séparer du missile dans l'espace et voler à la vitesse de 6,4 kilomètres par seconde vers l’ogive de l'ennemi.