On n'appelle pas sans raison à l'intervention étrangère, cela aurait été un acte de trahison.
Des Libyens viennent pourtant de le faire et il s'agit bien d'une intervention armée et de rien d'autre, même si — et la précision n'est pas de trop — il s'agit de protéger la population civile. Et là, c'est contre d'autres Libyens, constitués en milices, qu'il s'agit alors de combattre. Un schéma qui n'a, dans un tel cas, absolument rien de classique, car ceux qui ont pris une telle initiative considèrent que leur pays est menacé d'éclatement et la population civile vit une menace extrême.
Une question de survie, c'est bien de cela qu'il s'agit. Les appels au bon sens n'ont donc pas suffi, ils ont au contraire été interprétés comme des signes de faiblesse, l'Etat ou ce qui est considéré comme tel n'a même pas la force nécessaire ; quant à son monopole, il a disparu avec la chute de l'ancien régime. Voilà donc où en est la Libye, un pays qui n'a peut-être plus d'armée, mais des milices par dizaines et de toutes obédiences. Elles font tout et s'occupent de tout.
Elles sont l'Etat, du moins se considèrent-elles comme tel. A suivre les puissances occidentales à l'origine du changement, il suffisait de faire partir un dictateur pour que tout suive. Tout, effectivement, a suivi, mais dans le cas libyen, c'est le vide que les milices se sont empressées de combler. Il suffisait juste de puiser dans les arsenaux abandonnés par l'ancien régime. Ou encore que le seul changement qui intéressait est bien celui qui allait anéantir la Libye.
Car, elle y est tellement que ses institutions — que l'on dit provisoires sans être solides et qui ne font pas consensus — en sont à appeler à une intervention étrangère. C'est ce fameux «jour d'après» dont parle le président américain dans son approche des crises, notamment celle que la Libye vit depuis 2011, mais principalement depuis la mort de l'ancien leader Mouammar El Gueddafi. A croire que ceux, qui avaient poussé à la révolte, n'avaient pas de projet pour l'après-El Gueddafi, et même, devrait-on dire, la chute de ce dernier était une fin en soi. Voilà donc une autre boîte de Pandore et l'on se demande qui pourra la refermer.
Le Parlement libyen, qui n'arrive pas à se réunir à Tripoli, a donc fait non pas le choix ultime, mais bien ce qu'aucun Etat n'aurait envisagé. Pour la simple raison qu'il n'a pas de moyens malgré la présence d'une armée et d'une police, mais celles-ci sont loin de pouvoir s'opposer aux dizaines de milices. Peut-on alors parler d'Etat quand ces milices se sont emparées des symboles de l'Etat, de ses biens (comme les puits de pétrole) et de ses arsenaux, imposant leur loi ? Bien sûr que non. Mais elles s'opposent aussi entre elles, prenant le pays en otage et détruisant ses fragiles équilibres, rappelant à quel point la préoccupation de l'ancien régime n'était en aucun cas la pérennité de l'Etat, ce qui l'aurait conduit à en consolider ses bases, mais sa propre existence.
Mohammed Larbi
La Libye en voie de désintégration?
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Reportage