Nouvelle arme stratégique pour la Russie?!

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Nouvelle arme stratégique pour la Russie?!

Du point de vue historique, nous pouvons constater,
à bon droit, que les victoires retentissantes, dont celle de 1945, s’entrelacent, intimement, dans l’histoire de notre pays et de toute la civilisation russe, avec les défaites, qui en ont découlé. Les victoires contiennent, toujours, les germes de défaites. L’inverse est, également, vrai. Les défaites revêtirent, le plus souvent, l’aspect d’effondrements catastrophiques, qui se produisirent, habituellement, à l’issue d’une confrontation «mondiale», plus ou moins longue, entre notre pays et d’autres grands acteurs de la politique mondiale. Le plus souvent, cela survint, par le biais de la déstabilisation du système politique intérieur, imputable à l’inefficacité de la direction politique, à un renoncement à toute démarche politique ou militaire offensive, et, également, à l’intervention de certains ministères régaliens. Au XXe, et, particulièrement, au XXIe siècle, le processus historique subit une modification qualitative, le moteur de la confrontation quittant les sphères ethnique et confessionnelle, pour passer à la sphère idéologique ; avec l’architecture future du monde et de la société mondiale, comme enjeu. Ce retournement se manifeste, avec acuité, à l’époque actuelle, caractérisée par des médias électroniques, qui font voler en éclats toute frontière nationale, culturelle ou autre. En outre, les informations, circulant en une masse gigantesque, deviennent des éléments de pouvoir et de transformation, jusqu’à l’apparition, sur la carte du monde, de «simulacres d’États», tels que l’actuelle Ukraine, où s’accomplit, à la lettre, le destin décrit par Youri Nikolaïevitch Tynianov, dans «Le Lieutenant Kijé, qui n’existe pas». Dans pareil contexte, l’avantage revient, avant tout, aux forces, qui parviennent à s’approprier les ressorts de l’action idéologique sur la société, et qui tirent, le plus habilement profit des tendances politique et idéologique dominantes, au niveau mondial. De plus, aujourd’hui, au milieu de la seconde décennie du XXIe siècle, dans le contexte de la crise systémique de la civilisation de l’humanité entière et de la civilisation «occidentale», en particulier, la question des principes fondateurs de la future architecture de l’humanité se résout, dans le cadre de conflits les plus aigus et les plus vastes. Celui qui en est conscient dispose de «l’arme quasi absolue», lui permettant de remporter la lutte, sur les plans économique, politique et idéologique. (…) La perte, par la civilisation russe, de son propre «modèle d’avenir», dont découlent les sous-systèmes social, religieux et traditionnel, fut la plus grossière erreur des élites soviétiques et «post-soviétiques» de notre pays. En outre, la Victoire de l’URSS, dans la Grande Guerre Patriotique, prouve la signification énorme du facteur subjectif, politique-psychologique, qui requiert de la part de l’État la recherche permanente et la promotion d’objectifs, sans cesse renouvelés, séduisants, aussi bien, pour sa propre société, que pour les sociétés d’autres États et pour la société mondiale, d’autant plus si l’État en cause prétend à l’une ou l’autre fonction future, au niveau international. Le présent rapport ne prétend, évidemment, pas jouer le rôle d’étude définitive et fondamentale du processus, selon lequel la civilisation russe, sous la forme et le drapeau de l’Union Soviétique, parvint à remporter la Victoire, au cours de la plus grande guerre mondiale, et, ensuite, quelques décennies plus tard, non seulement, déprécia ses acquis et réalisations, mais poussa la situation, jusqu’au démembrement du pays-vainqueur, par le biais d’une inefficacité critique du parti dirigeant et de la société, dans son ensemble, déclenchant sur le territoire de tout le pays des réactions incontrôlables de désagrégation, une sorte de «Tchernobyl social et politique». Toutefois, certains éléments doivent être, particulièrement, mis en évidence. Le désaveu des résultats de la Victoire de 1945 fut lié, avant tout, à la dégradation de l’idéologie «marxiste léniniste» de l’URSS. Après le XXe Congrès du Parti Communiste d’Union Soviétique, et avec la «lutte contre le culte de la personnalité de Staline», les officiels «serviteurs du culte» de Marx, Engels et Lénine ne s’employèrent pas tant à étudier la réalité, à partir d’une position idéologique, afin de tracer la voie future, à travers les récifs des crises et des conflits, qu’à adapter des concepts idéologiques aux demandes de la direction politique. Ces concepts, tels que «la satisfaction toujours plus entière des besoins croissants des Soviétiques», «la coexistence pacifique», «le socialisme développé», «l’État du peuple tout entier», etc., démoralisèrent la société, de haut en bas, et conduisirent à des problèmes croissants, pour commencer, dans la sphère socio-économique, et, ensuite, en politique intérieure. Tout cela déboucha sur la destruction de l’Union Soviétique et la dislocation du pays, sur base du schéma du plan «Barbarossa». Ce qui, à en juger par les caractéristiques de cette destruction et de ce démembrement, correspondait, parfaitement, non seulement, aux intérêts des principaux acteurs de la civilisation «occidentale», mais aussi aux intérêts des acteurs de la civilisation soviétique. L’inefficacité de l’économique soviétique fut causée, tout d’abord, par une planification stratégique erronée, (l’incapacité d’utiliser les mécanismes du marché, dans les secteurs corrects), et par la création artificielle, au milieu des années ’60 d’une rupture entre les études scientifiques et techniques, d’une part, et le secteur de l’économie réelle, d’autre part, (remplacement du principe de réduction des coûts de production, par les principes de la croissance de la rentabilité, du «nivellement» de la rémunération du travail, de la valorisation immédiate des stocks excédentaires de matières premières, des «ajustements» des tâches prévues par le plan, etc.) Vint s’ajouter à cela une propagande croissante de la «société de consommation», dans le cadre de la «convergence des deux systèmes». Cette double action «couvrait» un gigantesque transfert des actifs soviétiques vers l’économie occidentale. Parallèlement, pendant un quart de siècle, fut organisé un dopage économique des républiques «nationales» de l’Union, à l’exclusion de la RSFS de Russie. Ceci créa des conditions favorables à la naissance de conflits entre républiques, ainsi qu’avec les institutions de l’État central de l’Union. Ces mesures furent complétées, sur le plan «subjectif», par la «lutte contre les dissidents et les nationalistes», parmi lesquels on poussa une partie considérable, et active, de l’intelligentsia, en tant que productrice d’un produit idéal. C’est, pratiquement, la même politique, qui fut déployée au delà des frontières de l’URSS. Le Kremlin adopta, de facto, une tactique défensive, avec le partage en zones d’influence, ce qui, par définition, ne fonctionne pas avec les États-Unis et d’autre pays occidentaux. Cette option défensive a mis à mal le mouvement communiste mondial, en tant que force idéologique et politique d’envergure mondiale, (sauf en Chine). En outre, la «lutte pour la paix, dans le monde entier» conduisit à l’abandon, par étape, des positions de l’URSS, dans le Tiers Monde, qui commença avec la crise, dans les Caraïbes. Parallèlement, le processus de «convergence» avec la civilisation occidentale partit en tous sens, s’élargit et s’approfondit, jusqu’à devenir critique, pour la civilisation russe ayant adopté la forme de l’URSS. Cela permit un regroupement anti-communiste et anti-Russie, aux échelons supérieurs du Parti Communiste de l’Union Soviétique et du KGB. Ce n’est pas un hasard si les membres du groupe de «consultants, auprès du Comité Central du Parti Communiste d’Union Soviétique», dans les rang duquel on compta Bourlatski, Arbatov, Inozemtsev, Bovine, Delioucine et d’autres, se positionnèrent comme «des oiseaux du nid d’Andropov» et frayèrent, efficacement, la voie, au cours de deux décennies, pour la «Perestroïka» de Gorbatchev et les «réformes de marché» de Eltsine. Déjà, à la fin des années ’50, débuta la «simplification». Il s’agissait, tout simplement, de la dégradation du système d’éducation soviétique. Dès 1955, par exemple, on exclut des programmes scolaires les cours de logique. Cette matière connut, quelques temps plus tard, un sort identique, dans les sections non-philosophiques de l’enseignement supérieur. En 1957, le cours d’astronomie fut déplacé de la 8e année à la 10e, et il fut, significativement, simplifié. Ainsi, les paroles prononcées par le futur Président des États-Unis, John Kennedy, le 4 octobre 1957, lors du lancement du premier satellite artificiel, «C’est sur les pupitres des écoles que nous avons perdu le cosmos, face aux Russes», ne correspondaient, déjà, plus, entièrement, à la réalité. Ce ne sont, évidemment, pas la logique et l’astronomie, qui déterminèrent cette tendance : la dégradation de l’enseignement concernait, quasiment, toutes les matières reprises, dans les programmes scolaires. Cela occasionna, non seulement, une brusque et importante chute du niveau réel de l’enseignement, mais, également, la dégradation du système des valeurs de la société soviétique, en général. L’important ralentissement de la «mobilité sociale», au sein de la société soviétique, les inégalités sociales croissantes, l’auto-isolement de «l’élite», la diminution du niveau de responsabilité, face à l’État et aux moins nantis, générèrent une aliénation croissante du pouvoir, à l’égard du peuple. A partir de cela, on peut, déjà, comprendre ce qu’il sera nécessaire de faire, pour que notre pays, traversant une ère de défaites, retrouve celle des victoires. Car, après la destruction de l’URSS, toutes les tendances significatives mentionnées ci-avant ne s’annulèrent pas, mais, au contraire, s’intensifièrent, dans des formes et une ampleur grotesques, qui ne peuvent concerner que les États les plus problématiques, à la limite de l’État failli. Il convient, tout d’abord, de réaliser et d’établir, clairement, le simple fait, selon lequel l’Occident, aujourd’hui, dirigé par les États-Unis, fut et demeure la civilisation antagoniste de la civilisation russe, du Monde Russe, de la Grande Russie, niant à celle-ci, quelles que fussent ses formes idéologiques et politiques, le droit à exister, en qualité d’entité unique et autonome. C’est, dès lors, une importance vitale qu’acquiert la formation d’une idéologie anti-occidentale, permettant de faire renaître les principes de liberté, de justice sociale et de progrès, non seulement, pour la Russie, mais pour l’humanité entière. A défaut d’une telle «arme» idéologique et politique, à la fois, défensive et offensive, toute résistance à la civilisation occidentale sera vouée à l’échec. Il ne faut pas vouloir être «plus catholique que le pape» et essayer de rappeler à l’Occident ses propres idéologèmes, oubliés depuis longtemps, comme «les droits de l’Homme», les «normes du droit international» ou encore «le libre marché». Recourant à une expression imagée, nous dirons que l’Occident a déposé les droits relatifs à ces emballages, mais pour ce qui concerne ce que ceux-ci contiennent, c’est lui et lui seul qui décide, aucune suggestion extérieure n’étant prise en compte et encore moins admise. On pourra, tant qu’on le souhaite, qualifier ces pratiques de doubles ou même de triples standards, cela équivaudrait, pour l’Occident, à exiger, de la part de la firme Coca Cola, la recette exacte de la boisson qui remplit ses bouteilles et ses comptes en banques. Cette recette lui appartient, c’est son secret commercial. Bien entendu, en tant qu’État, la Russie doit entamer une démarche de répression totale de la corruption, ce qui est impossible, sans supprimer «l’économie de l’ombre», ce qui, à son tour, est impossible, sans que le pouvoir en place ne modifie la politique financière, (crédit, monnaie, impôts,etc.). Ceci est, toutefois, impossible, sans nettoyer ce pouvoir de tous les représentants de la «cinquième colonne», non seulement, dans toutes les institutions gouvernementales, mais dans toutes les structures des médias, qui exercent le «pouvoir de l’information», ainsi que dans le système de l’enseignement. Par conséquent, il est, également, indispensable qu’à très court terme, (…) notre pays passe à un modèle d’économie mixte, qui a permis à la République Populaire de Chine d’effectuer une percée en tête de l’économie mondiale et de faire, aujourd’hui, du yuan une «monnaie mondiale». Cette nouvelle stratégie économique devra garantir, non seulement, l’introduction des nouvelles technologies, dans toutes les sphères de l’économie, mais aussi, de remettre en fonction l’ascenseur social, au sein de la société de Russie. Finalement, il convient de soutenir la coopération avec les pays, qui n’admettent pas l’ordre de la Pax Americana et l’empire du dollar. Cela concerne les pays en développement, dans le Tiers Monde, (dans des formats, tels que l’OCS, le BRICS, l’UEE, etc.), mais aussi, ceux des satellites des États-Unis, qui, pour des raisons diverses et à des vitesses variées, s’éloignent de leur zone d’influence, (de l’Islande et la Grèce à la Turquie, et, potentiellement, à l’avenir, Israël et l’Allemagne). L’objectif d’une telle coopération sera la formation d’une réelle multipolarité politique et économique, dans le monde contemporain, ce qui rendra ce dernier plus stable, plus sûr, la coopération, dans un tel cadre, devenant constructive et fructueuse. Il convient de mettre ces processus en œuvre, le plus rapidement et le plus complètement possible. Seule, une transformation de ce type, permettra à la Russie de continuer à exister, en tant que civilisation, mais aussi, de vaincre, dans l’affrontement inévitable, qui se déroule, déjà, sous nos yeux, avec l’avenir de l’humanité, pour enjeu.

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