Sur Brahimi et son approche du dossier syrien

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Brahimi à Damas : peut-être une approche nouvelle du dossier syrien, et d’ores et déjà un désaveu de méthodes et objectifs du Qatar & consorts…

À l ‘issue de sa rencontre samedi avec Bachar al-Assad, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie Lakhdar Brahimi a mis en garde contre le danger que représentait « pour la région et le monde » le conflit en cours. Brahimi a déclaré qu’il n’avait pas de plan, mais travaillait à en élaborer un, notamment en se mettant à l’écoute de « toutes les parties intérieure, régionale, internationale« . Il se confirme donc que le successeur de Kofi Annan veut repartir de zéro, c’est-à-dire pratiquement du point où ce dernier était arrivé.

Cela semble signifier aussi que Lakhdar Brahimi pourrait résister à tous les oukases du camp occidental, tant en ce qui concerne la participation de l’Iran aux discussions – il a été clair la-dessus – que l’exigence du départ de Bachar comme préalable à toute démarche d’apaisement.

Autre signe encourageant pour les amis de la Syrie souveraine, il se confirme aussi que les relations avec le Qatar du nouvel émissaire de l’ONU et de la Ligue arabe sont assez conflictuelles : mercredi au Caire Brahimi a eu en effet, pour reprendre la formulation du journaliste du Figaro Georges Malbrunout, une « explication de texte houleuse avec le Premier ministre qatarien« , son excellence ingérente Hamad ben Jassem al-Thani. L’ex-ministre algérien des Affaires étrangères a d’abord commencé par refuser une convocation du Qatari dans la suite qu’il occupait aux Four Seasons, un grand hôtel du Caire, pour des discussions avec lui et Nabil al-Arabi, secrétaire général de la Ligue arabe, et véritable « employé » de la dynastie qatari.

Lakhadar Brahimi, qui n’est pas lui un stipendié ni une marionnette de Doha a répondu de façon assez sèche à cette entrée en matière : « S’il (le prince al-Thani) veut me voir, il n’a qu’à venir à mon hôtel ! » Certainement furieux, le prince-Premier ministre (et ministre des Affaires étrangères), accompagné de son remora al-Arabi, a dû faire effectivement le déplacement à l’hôtel de Brahimi.

Pour s’entendre opposer par ce dernier une fin de non recevoir à ses exigences : pas question pour l’émissaire de l’ONU pour la Syrie de fixer une date-butoir en forme d’ultimatum à Damas à sa mission. Pas question, non plus, d’un transfert rapide du pouvoir en Syrie qui serait imposé par des puissances étrangères : « Je ne travaille pas comme ça » a lancé Brahimi au prince, peu habitué à une telle indocilité. Avant d’ajouter cette mise au point : « Je suis l’envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU, je ne veux pas qu’on me fixe des limites« . La source diplomatique arabe citée par Malbrunot indique que le potentat qatari, premier ennemi régional – avec Erdogan – de Bachar a quitté la suite de Brahimi très énervé.

Cette attitude très ferme de Lakhdar Brahimi est la première manifestation, d’un tel niveau, d’un ras-le-bol de la communauté internationale, voire du monde arabe vis-à-vis des méthodes mais aussi sans doute de la ligne belliciste suivie par l’émirat dans le conflit syrien. Ras-le-bol dont Kofi Annan, dans les derniers temps de sa mission, avait déjà donné des signes plus discrets.En janvier dernier, excédé par l’ingérence de l’émir régnant Hamad (cousin du Premier ministre), en visite officielle à Nouakchott, dans ses affaires intérieures, le président mauritanien Abdel Aziz s’était livré devant lui à une critique en règle des agissements du Qatar dans monde arabe, dénonçant l’ »exportation de la révolution » via al-Jazeera, au point que le monarque et sa suite avaient immédiatement repris le chemin de l’aéroport (voir notre article « La Mauritanie indique la sortie au Qatar », mis en ligne le 9 janvier). Mais cette « révolte » n’avait eu ni de suite ni d’imitateurs, le

Qatar continuant d’utiliser la Ligue arabe comme un docile instrument de sa politique anti-syrienne.

Le niet de Lakhdar Brahimi à Hamad ben Jassem ben Jaber al-Thani est un désaveu réel des envois d’armes, des appels à la révolte, des diktats politiques et des mensonges diffusés par al-Jazeera. Et plus largement une manifestation d’indépendance vis-à-vis du bloc occidental. On verra ce que propose l’émissaire de l’ONU pour un règlement – assez illusoire en l’état actuel des choses – de la crise syrienne : il a parlé de « changement inévitable en Syrie« , mais n’a jamais à ce sujet parlé

d’un départ de Bachar al-Assad.

Bachar : des pressions sur les fournisseurs d’armes à la rébellion

Il est temps d’ailleurs de revenir à ce dernier. Qui, face à Brahimi, a campé sur ses positions, lançant lui aussi un nouvel appel à un dialogue inter-syrien mais affirmant sa résolution d’éradiquer les groupes terroristes. Et, profitant sans doute de la présence à Damas de l’émissaire de l’ONU, le président syrien a déclaré qu’une des conditions d’une avancée politique était que des pressions soient enfin exercées « sur les pays qui financent et entraînent les terroristes, et font entrer des armes en Syrie, afin qu’ils cessent de le faire« . Pour le reste, Bachar a assuré son visiteur que son pays coopérerait sincèrement avec la communauté internationale et notamment son représentant en Syrie, « tant que ces efforts sont neutres et indépendants ».

Et justement Brahimi a déclaré qu’il « allait travailler en toute indépendance, en se basant sur le plan Annan et la déclaration de Genève » ajoutant que « tout autre point sera ajouté en accord avec toutes les parties« . Rappelons que l’accord de Genève, qui impliquait aussi bien la Russie et la Chine que les Occidentaux, avait formellement abandonné l’exigence de départ du pouvoir de Bachar.

L’émissaire de l’Onu disposera pour lui et son équipe d’un bureau à Damas, où il devrait bientôt s’installer, après une tournée diplomatique marathon dans tous les pays impliqués dans le dossier syrien. Qatar compris ?

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