L’Irakien Barzani fait partie de ces personnalités kurdes que les Turcs aiment bien, car il a le sens des affaires.
En Turquie, il s’est mis à tisser de solides relations avec le parti au pouvoir (AKP) et, ainsi que le rapporte le journal Yeni Safak, se trouve, à la faveur de ces liens, à la tête d’une grosse fortune : Barzani possède plus de 400 entreprises à Mersin et à Gaziantep.
Les mauvaises langues disent même que l’intéressé aurait bénéficié d’un pactole de 200 millions de dollars livré à son intention par le président Erdogan en personne. En ce sens, tout observateur aurait du mal à prendre à la lettre le président turc quand il menace d’affamer Barzani et les Kurdes.
Et puis personne n’ignore que cette affaire d’« indépendance » ne date pas d’hier : l’autonomie puis l’indépendance des Kurdes sont les ingrédients du « Grand Moyen-Orient » auquel les Américains travaillent depuis 20 ans et qui vise à changer les démarcations frontalières des pays de la région.
Au XIXe siècle, les accords Sykes-Picots ont provoqué la partition de l’Empire ottoman et, partant, de l’Irak, de la Syrie, du Liban et de la Palestine. Le nouveau plan prévoit, lui, de changer les limites géographiques de la Syrie, de l’Irak, mais aussi de la Turquie et de l’Iran. Si le résultat du référendum du 25 septembre parvient à s’imposer, la carte de l’Irak sera remodelée et viendra alors le tour de la Syrie.
Bien évidemment, la Turquie et l’Iran y passeront aussi à leur tour. Tout ramène à l’éternelle question des intérêts des grandes puissances : celles-ci cherchent le « pétrole » bon marché ou encore « un plus grand accès à la Méditerranée », d’où la grossièreté avec laquelle elles évoquent la dislocation des États de la région, le déplacement des frontières nationales. Mais où se situe la Turquie ?
Difficile d’oublier les 7 années d’engagement ferme d’Ankara aux côtés des grandes puissances dans la guerre sans merci qu’elles ont menée (et mènent toujours) contre l’État syrien et croire que la Turquie compte se comporter différemment dans le dossier kurde est déraisonnable. En effet tout ce que cherche Ankara à travers ses grincements de dents à l’endroit de Barzani, c’est « sa part du gâteau ».
La Turquie a besoin de pétrole, le clan Barzani, de soutien et d’argent. Cela fait des années qu’Ankara investit au Kurdistan irakien et il est temps d’en engranger les dividendes. Et puis, la Turquie est la seule partie qui tirera un profit économique et énergétique maximal d’un Kurdistan indépendant.
Après tout, un pipeline faisant transiter le pétrole kurde en Turquie puis en Europe vaut bien quelques phrases incendiaires anti-Barzani dont seul le sultan Erdogan a le secret... Alors une armée turque prête à envahir Erbil ? N’y comptez pas. Erbil est un territoire ami. Les occupations territoriales, Ankara les réserve pour le Nord syrien.