Les Tunisiens redoutent une vague djihadiste

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Un an après l'apparition des premières violences extrémistes en Tunisie, de nombreux citoyens sont convaincus que le salafisme djihadiste représente une menace pour l'avenir de leur pays.

De la rue aux plus hautes sphères du gouvernement, les Tunisiens expliquent que l'influence croissante des djihadistes met en péril la transition démocratique du pays.

"Mettre un terme aux agissements des extrémistes, quels que soient leurs fondements idéologiques, signifie mettre un terme à la violence destructrice pour les vies des Tunisiens et à l'atteinte faite à l'image de la Tunisie à l'étranger", a déclaré le Président Moncef Marzouki le samedi ۱۷ novembre lors d'une conférence organisée à Carthage.

Le mois dernier, une autre émeute devant l'ambassade des Etats-Unis à Tunis avait entraîné la mort de cinq personnes. Deux semaines après cette attaque, des dizaines de salafistes armés de sabres et de couteaux avaient pris d'assaut des postes de police à Douar Hicher . Deux Tunisiens étaient morts lors de ces affrontements.

Abdelkarim Ben Boubaker, militant politique, a expliqué que de tels actes témoignent de l'intention des salafistes djihadistes de faire appliquer les idées d'al-Qaida.

"Cela a commencé en diffusant l'idéologie takfiriste au sein de la société tunisienne modérée. L'objectif était de changer le modèle sociétal par un véritable coup d'Etat contre les acquis de l'Etat moderne, débouchant sur la mise en place d'un émirat islamique", a-t-il indiqué à Magharebia.

Le Premier ministre par intérim Hamadi Jebali a également souligné "un plan élaboré par les salafistes visant à fonder un émirat islamique en Tunisie, similaire à ce qui s'est produit en Irak et en Afghanistan".

"Les groupes salafistes utilisent des patrouilles de sécurité dans certains quartiers, ce qui indique leur volonté de remplacer l'Etat. Cela fait peser sur le pays la menace d'une possible confrontation entre les forces gouvernementales et les groupes militants, ce qui pourrait entraîner d'énormes sacrifices pour les Tunisiens", a expliqué Jebali sur la chaîne de télévision Al-Arabiya le ۸ novembre.

Les salafistes djihadistes ne cachent pas le fait qu'ils partagent l'idéologie et l'approche d'al-Qaida. Saif Allah bin Hussein (alias Abou Iyadh), leader du groupe salafiste radical Ansar al-Sharia, a publiquement déclaré son soutien à al-Qaida.

Le nombre de militants en Tunisie est estimé à trois mille, a indiqué le gouvernement le mois dernier. Selon des rapports de police, ce chiffre comprend des éléments directement associés au réseau terroriste d'al-Qaida.

Selon Sami Brahim, chercheur spécialisé dans les groupes islamiques, le mouvement salafiste djihadiste en Tunisie est un produit du cru. Mais bien qu'il soit apparu durant les mois qui ont suivi le renversement de l'ancien Président tunisien Zine El Abidine Ben Ali, il répond à un leadership extérieur.

Et ses adhérents sont partout, selon une récente enquête menée par Allaya Allani. Les salafistes sont en effet présents dans toutes les régions de Tunisie, notamment dans les provinces de Tunis, Bizerte, Sidi Bouzid, Médenine et Kebili, où ils représentent près de quarante pour cent de la population.

Plus révélateur encore dans cette étude : la présence du groupe est plus importante dans les quartiers souffrant de pauvreté et de marginalisation.

L'étude d'Allani montre également que les jeunes âgés de 19 à 30 ans représentent près de ۸۰ pour cent du pourcentage global du mouvement salafiste.

Les salafistes djihadistes sont déterminés à gagner un soutien populaire. C'est ainsi que l'un des projets d'Ansar al-Sharia est d'organiser des caravanes caritatives qui se rendent dans les villages de montagne et dans les petites villes pour distribuer des produits aux plus nécessiteux.

Une série d'incidents violents a créé un "climat malsain, qui renforce les peurs des Tunisiens", a expliqué Marzouki lors de cette conférence organisée par le sheikh salafiste Bechir Ben Hassen.

"Les Tunisiens voient ce phénomène comme une menace à la manière de vivre de la majorité d'entre eux", a-t-il déclaré, mettant en garde contre ces extrémistes qui tentent "d'imposer leur loi par la force dans certaines mosquées et certains quartiers du pays".

Marzouki a demandé aux médias, aux prédicateurs, aux leaders salafistes, aux familles, aux responsables politiques et au gouvernement de travailler ensemble pour lutter contre la propagation de l'idéologie extrémiste.

Pour sa part, sheikh Ben Hassen a souhaité qu'on mette un terme à des comportements qui pourraient "conduire à un bain de sang et mettre fin à la révolution tunisienne".

"Nous sommes tous des Tunisiens", a-t-il déclaré.

Cette présence salafiste violente est apparue il y a à peu près un an, avec des attaques contre la chaîne de télévision privée Nessma TV. En juin, des émeutes salafistes survenues à propos d'une exposition artistique au Palais Abdellia avaient entraîné des manifestations similaires dans d'autres villes tunisiennes.

* les opinions exprimées n'engagent que l'auteur

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