Nigeria : quand la Révolution islamique d’Iran inspire la Résistance

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Nigeria : quand la Révolution islamique d’Iran inspire la Résistance

Par Amir-Khosro Fathi 

La Révolution islamique de 1979 en Iran, menée par l'Ayatollah Khomeini et le peuple iranien, a eu des répercussions bien au-delà des frontières iraniennes. En Afrique, et particulièrement au Nigéria, elle a inspiré un mouvement islamique chiite dirigé par le Cheikh Ibrahim Zakzaky.

Son engagement idéologique et politique s’inscrit dans une dynamique de résistance à l'impérialisme et à l’influence occidentale, rappelant les principes fondateurs de la Révolution iranienne. 

La Révolution Islamique de 1979 : une source d’inspiration 

La Révolution islamique d'Iran a été un tournant majeur dans l'histoire contemporaine. Elle a renversé le régime fantoche du Shah, perçu comme un instrument des puissances occidentales, et a instauré un gouvernement basé sur le principe du Velayat-e faqih (gouvernance du juriste-théologien). L’écho de cette révolution a traversé les frontières, influençant de nombreux mouvements à travers le monde, y compris en Afrique. 

Le message central de cette révolution – la souveraineté islamique, la justice sociale et la lutte contre l'impérialisme – a résonné particulièrement au sein des populations musulmanes africaines, souvent marginalisées et sous influence des puissances coloniales et post-coloniales occidentales. 

L’émergence du Mouvement islamique au Nigeria 

Au Nigeria, Cheikh Ibrahim Zakzaky est devenu la figure de proue du mouvement islamique chiite, largement inspiré par la Révolution iranienne. Étudiant brillant, il a été marqué par les idées de l'Ayatollah Khomeini et a commencé à diffuser les principes de la Révolution parmi la jeunesse nigériane musulmane. 

Dans les années 1980, il a fondé le Mouvement islamique du Nigeria (IMN), prônant un islam politique et militant. Il remettait en cause la légitimité de l’État nigérian, perçu comme corrompu et inféodé aux intérêts occidentaux. Il appelait également à une gouvernance islamique plus juste et équitable, en écho à l’Iran post-révolutionnaire. 

Le mouvement de Zakzaky s'est heurté aux autorités nigérianes qui recevaient des directives de la part des pays occidentaux, qui voyaient en lui une menace. Plusieurs affrontements ont eu lieu entre ses partisans et l’armée, culminant en 2015 avec une répression sanglante à Zaria, où des centaines de membres de l'IMN ont été tués et Zakzaky lui-même emprisonné avec son épouse. 

Portrait de Cheikh Ibrahim Zakzaky 

Cheikh Ibrahim Zakzaky est né en 1953 dans l'État de Kaduna, au nord du Nigéria. Il a étudié à l’Université Ahmadu Bello, où il s’est distingué par son militantisme religieux et politique. À l’origine, il appartenait au mouvement sunnite avant d’être profondément influencé par la Révolution iranienne et de se convertir au chiisme. 

Il a voyagé en Iran, où il a rencontré des érudits influents et adopté les enseignements de l'Ayatollah Khomeini. De retour au Nigéria, il a utilisé ses connaissances pour structurer un mouvement islamique chiite, malgré un environnement souvent hostile aux minorités chiites. 

Cheikh Zakzaky est un fervent défenseur de la cause palestinienne et un opposant déclaré à l’influence occidentale en Afrique. Il prône un islam socialement engagé, critique envers les élites corrompues et militant contre les interventions étrangères. Sa popularité s’est accrue grâce à ses discours dénonçant l’injustice et son appel à une révolution morale et politique inspirée par le modèle iranien. 

Son engagement lui a valu plusieurs incarcérations et persécutions. En 2015, après des affrontements avec l'armée nigériane, il a été arrêté et détenu pendant plusieurs années dans des conditions très dures, suscitant des protestations internationales. Finalement libéré en 2021, il continue d’incarner la lutte pour la reconnaissance des chiites au Nigéria et la contestation d’un système jugé oppressif. 

L'expansion de l'idéologie révolutionnaire en Afrique 

L'influence de la Révolution islamique d'Iran en Afrique ne se limite pas au Nigeria. Plusieurs autres pays ont vu l’émergence de groupes chiites s’inspirant de l’exemple iranien, notamment au Sénégal, en Côte d’Ivoire et en Tanzanie. Ces groupes ont tissé avec la République islamique d’Iran qui leur fournissait un soutien idéologique, éducatif et parfois logistique. 

L’un des aspects marquants de cette influence est la mise en avant de la cause palestinienne et la critique du néocolonialisme, des thèmes centraux également portés par les mouvements révolutionnaires africains. 

Un modèle de résistance et de réappropriation souveraine 

L’un des principaux héritages de la Révolution islamique d'Iran pour les mouvements africains est l’idée de souveraineté totale face aux ingérences étrangères. Tout comme l’Iran a rompu avec l’axe occidental impérialiste en 1979, des leaders comme le Cheikh Zakzaky ont cherché à affranchir leurs communautés de l’influence de l’État nigérian perçu comme vassal des intérêts occidentaux. 

Cette dynamique trouve un écho dans d’autres mouvements panafricanistes et souverainistes du continent, qui aspirent à une autonomie politique et économique. La remise en cause de l’ordre établi et des élites inféodées aux puissances étrangères est un trait commun entre ces révolutions. 

L’impact de la Révolution islamique d’Iran en Afrique, notamment au Nigeria, illustre la puissance des idées et leur capacité à remodeler les dynamiques politiques et sociales. Cheikh Zakzaky incarne cette transmission de l’idéologie révolutionnaire à travers un engagement militant contre l’impérialisme et pour un islam politique en rupture avec les systèmes corrompus en place. 

Si la répression étatique, sous l’ordre des pays occidentaux, tente d’affaiblir le mouvement islamique nigérian, son influence demeure vivace, alimentée par un sentiment de marginalisation et un rejet des structures politiques occidentalisées. L’héritage de la Révolution iranienne continue donc de résonner en Afrique et à travers le monde, façonnant des luttes contemporaines pour la souveraineté et l’émancipation. 

Amir-Khosro Fathi est analyste politique iranien basé à Bruxelles. 

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