Les grandes puissances sont-elles parano au point d'estimer qu'elles ont tous les droits, notamment celui de sanctionner des Etats, des personnalités? Mais, il doit, il devait y avoir des limites à l'arrogance des puissants qui écrasent les faibles ou ceux qui ne pensent pas comme eux. Limites dont l'UE n'en a que faire dès lors que c'est elle qui décide, qui châtie. L'Union européenne vient ainsi de nous administrer un inénarrable épisode, s'offusquant que la Russie ait osé lui apposer la réciprocité en décidant, à son tour, l'embargo pour une année des importations alimentaires en provenance de l'UE et des USA. Le comble! Ainsi, le porte-parole de la Commission européenne, Frédéric Vincent, furibard, a dénoncé, jeudi dernier, une décision selon lui «clairement politique» de la part de Moscou. Et de répéter que les «sanctions» européennes à l'encontre de la Russie étaient, selon lui, «directement liées à l'annexion illégale de la Crimée et à la déstabilisation de l'Ukraine». Si la décision russe est «politique», comment faut-il qualifier l'interdiction d'entrée en Europe de personnalités russes, le gel de leurs avoirs, la suspension de la coopération avec Moscou...Cette «condamnation» de la Russie entre-t-elle dans la logique des relations diplomatiques et stratégiques entre les Etats et serait-elle un geste «amical» de la part de l'UE en direction de la Russie et n'avait, donc, nulle portée politique, économique ou militaire? C'est du moins ainsi qu'il faut comprendre la chose au regard de la réaction incroyable de l'Union européenne alors que ses sanctions mettent à mal l'économie de la Russie. Bruxelles a-t-elle estimé que Moscou n'irait pas jusqu'à rendre la pareille? Or, voici que la Russie interdit les importations alimentaires de l'UE - cela va faire très mal à ses Etats membres - dans une seconde étape probablement l'interdiction du survol de son territoire par les avions européens. Ce qu'a laissé entendre le Premier ministre Dmitri Medvedev. Il y a encore le gaz russe, l'espace et la station ISS....A ce jeu, la Russie a encore des atouts à faire valoir et pourra très bien rendre coup pour coup à l'Occident. D'autant plus que l'Occident ne mesure pas que la détérioration de la situation géopolitique dans le monde est essentiellement due à son interventionnisme et ses ingérences dans les affaires d'autres pays. A propos de la Crimée, l'UE parle d'annexion «illégale». Il faudrait que l'Europe rafraîchisse un peu sa mémoire et révise ses connaissances géopolitiques de l'Europe, d'autant que la Crimée est historiquement russe, offerte (en 1954) à son pays d'origine (l'Ukraine) par le secrétaire général du PC de l'Union soviétique (Pcus), Nikita Khrouchtchev. Un retour sur le tard, certes, à la mère patrie. Toutefois, nonobstant cela, il convient de relever qu'en matière d'illégalité, l'Union européenne n'a de leçons à recevoir de personne.
En effet, en 2008, une majorité de ses membres, a reconnu de manière parfaitement illégale, l'autoproclamation de l'indépendance de la province serbe du Kosovo. Une reconnaissance qui a, en fait, ouvert bien des appétits - des minorités européennes brimées et oppressées songent à franchir le pas comme l'Ecosse et la Catalogne - et surtout ouvert la boîte de Pandore dans un continent (l'Europe) politiquement instable qui a connu de longs siècles de bouleversements dont les retombées se font encore sentir aujourd'hui (l'éclatement de la Yougoslavie et de la Tchécoslovaquie). En vérité, l'Union européenne a fait montre d'un manque de discernement flagrant en matière de politique étrangère, réagissant émotionnellement à des faits politiques. En soutenant un coup d'Etat fasciste à Kiev - notons que les Ukrainiens prirent fait et cause pour les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale - l'UE n'a pas réfléchi à ses possibles retombées négatives, mais en a surtout induit la conjoncture de faire basculer l'Ukraine dans le giron de l'Otan. Tout ce qui s'est passé en Ukraine depuis le 14 février dernier allait dans ce sens et l'UE a même joué un rôle actif dans la complication des faits. En sanctionnant, dès mars dernier, la Russie, l'UE loin d'essayer de localiser la crise, lui a surtout donné une dimension internationale avec toutes les démesures que cela a pris. L'UE parle de «désescalade» de la crise. Or, ce sont les sanctions européennes qui ont surdimensionné la crise ukrainienne. De fait, l'UE et les Etats-Unis portent l'entière responsabilité des possibles dérapages futurs. Et c'est Bruxelles qui s'émeut que la Russie sanctionne à son tour l'UE! Mais arrogante, l'UE agit en droite ligne de la théorie «Faites ce que nous disons, non ce que nous faisons».