Les Etats-Unis n'aiment pas les « loosers » même parmi leurs alliés. Si les alliés arabes se sont avérés « perdants » sur la donne régionale, les Etats-Unis n'hésitent pas à interagir avec les « vainqueurs » ; et c'est ainsi que les Etats arabes se voient obligés d'opter pour l'ouverture envers Damas. C'est l'essence d'un article de l'analyste et expert des questions moyen-orientales, Abdel Bari Atwan paru sur le site Raialyoum. Plus de détails, dans les lignes qui suivent...
''Rouge, Blanc, Noir ! Le drapeau tricolore de la Syrie sera hissé de nouveau en haut de l'ambassade de ce pays au Koweït. Après 20 mois de fermeture, l'ambassade syrienne devait se rouvrir aujourd'hui au Koweït ; or, le gouvernement koweïtien et d'autres Etats riverains du golfe Persique auraient cru, pendant cette durée, que le gouvernement de Bachar Al-Assad serait renversé et les ambassades syriennes sur leur territoire tomberaient entre les mains de l'opposition. C'est pourquoi ils avaient suspendu le membership de la Syrie au sein de la Ligue arabe, confiant le siège de la Syrie à Maaz Al-Khatib, alors chef de l'opposition qui a prononcé, à ce titre, un discours au sommet arabe de Doha.
Mais le gouvernement syrien a survécu et il n y'a aucun signe qui promettrait sa chute au moins à long terme ; alors qu'au début de la crise, certains éléments, même au sein de l'armée ou aux instituts politiques et diplomatiques, avaient pris leur distance avec le gouvernement syrien, pour dire Oui aux propositions financières de l'empire propagandiste de l'Occident et des pays du golfe Persique. Ils avaient fait trop de confiance en les allégations des responsables américains, israéliens et turcs qui disaient que les jours du régime Assad en Syrie étaient comptés...Pour accélérer la chute du gouvernement de Damas, la partie opposée a recouru à l'arme, mais cette révolution n'a pas pris beaucoup de temps, pour se déboucher sur l'affrontement autour du pouvoir. Des milliards de dollars d'argent et des milliers de tonnes d'armements ont été injectés des deux côtés dans la donne syrienne. Les cartes du jeu se sont confondues, les équations ont changé, pour que 10.000.000 de syriens vivent actuellement dans les conditions difficiles, tandis que la Syrie a perdu, depuis, plus de 300.000 de ses meilleurs citoyens.
Ces évolutions ont enfoncé la Syrie dans un chaos meurtrier, faisant du pays le champ de bataille des Etats. L'unité géographique et anthropologique de la Syrie a été détruite et l'ethnicisme s'est imposé sur d'autres facteurs d'identité et d'alliance. Les opposants syriens aussi sont devenus dupes des promesses rassurantes des Etats-Unis et des pays arabes surtout les pays du golfe Persique. Ils se faisaient l'illusion d'être à seulement quelques jours du départ d'Assad qui devrait être remplacé, selon eux, par une république démocratique.
La réouverture de l'ambassade syrienne au Koweït serait la reconnaissance d'une réalité, en ce sens que les politiques des pays arabes du golfe Persique en Syrie ont échoué, d'autant plus qu'on est témoin également d'une ouverture considérable envers l'Irak, en tant qu'allié de la Syrie, ce qui consiste à inaugurer deux consulats et signer 46 accords commerciaux, dans ce cadre de la nouvelle stratégie koweïtienne en vue e normaliser et renforcer les liens avec les pays voisins.
Le Koweït a appelé en 2012 son ambassadeur à Damas, demandant à l'ambassadeur syrien sur son sol de retourner à son pays. Le Koweït a pris cette meure dans le cadre de la coordination avec les pays arabes du golfe Persique, bien que le Sultanat d'Oman ne soit pas resté fidèle à cet engagement et ait maintenu ouverte son ambassade à Damas. La question qui s'impose actuellement consiste à savoir si la réouverture de l'ambassade koweïtienne à Damas résulte d'une décision individuelle ou d'une mesure dans le cadre de l'accord avec les pays du golfe Persique, ce qui entraînerait la réouverture des ambassades syriennes dans toutes ou une grande partie de leurs capitales.
La Tunisie a été le premier pays arabe à avoir fermé son ambassade à Damas et à accueillir sur son sol la réunion des amis de la Syrie (qui n'existe plus). Mais ce pays était aussi le premier pays à la rouvrir, tandis que le nouveau président élu tunisien Beji Caïd Essebsi a reçu des messages de félicitation de Bachar Al-Assad. Nous n'excluons pas que cela marque le début d'un nouveau domino qui se poursuivra avec la réouverture, l'une après l'autre, des ambassades des pays arabes, en Syrie.
Plusieurs facteurs viennent compléter cet argument :
-Premièrement, les Etats-Unis ont réalisé que le camp Iran-Syrie-Irak, soutenu par la Russie, est le vainqueur de la donne actuelle. C'est pourquoi les Américains comptent sur cet axe avec lequel ils cherchent à interagir. C'est pour cette raison que les Etats-Unis cherchent en quelque sorte de le reconnaitre au grand dam de leurs alliés de longue date dont ils ont vidé la poche des années durant, en leur vendant plus de 150 milliards de dollars d'armes.
-Le deuxième facteur concerne le renforcement du poids de Daesh (Etat islamique), avec un califat autoproclamé et autosuffisant en termes d'argent et d'armement, avec une étendue plus grande que la France et tous les Etats du golfe Persique, à l'exception de l'Arabie saoudite. Daesh regarde l'extension géographique comme une stratégie et cela fait peur à tous les Etats de la région. Cette question a même changé les priorités de l'Occident, faisant croire à tous qu'il serait possible de voire en Syrie un allié digne de confiance pour l'avenir et les coopérations du futur.
-Troisièmement : la ligue arabe a perdu son prestige en tant qu'un parapluie de protection régionale en termes de politique. D'autre part, le coup d'Etat militaire en Egypte a mis fin au gouvernement des Frères musulmans en Egypte, entravant une vraie alliance entre l'Egypte d'une part, et le Qatar et la Turquie, de l'autre. Par ailleurs, les récentes élections tunisiennes ont donné vainqueur les libéraux en Tunisie et la troïka d'Ennahda n'existe plus. Quant à la Lybie, le pays a perdu sa stabilité et s'est embourbé dans des conflits sanglants. Tous ces facteurs font basculer la donne en Syrie et au travers du monde arabe.
-Quatrièmement ; le prix du pétrole à réduit de plus de 50% et pourrait même chuter à l'avenir jusqu'aux 20 dollars le baril ! Ce processus menace le camp des pays du littoral Persique et les rendent de plus en plus inquiets des agitations sociopolitiques internes. La baisse des prix du brut pourrait faire réduire les subventions gouvernementales et augmenter les taxes, avec, peut-être, une suppression des subventions appliquées sur la nourriture et les carburants.
-Le cinquième facteur consiste en l'effet boumerang du complot : le terrorisme revient avec force aux pays arabes du golfe Persique. Déjà en EAU et Arabie saoudite, les attaques étrangères ont été augmentées, tandis que Daesh a lacé des campagnes impressionnantes pour inciter au renversement de ces régimes. Pas mal de jeunes arabes ont été attirés par ces campagnes.
-Le sixième facteur concerne l'émergence de l'axe Egypte-Russie pour réunir les représentants du gouvernement et de l'opposition syriens, pour tenter de trouver une solution politique sans condition à la crise syrienne et indépendamment de la Turquie et des pays du golfe Persique ; or, beaucoup de groupes opposants syriens ont fait preuve de coopération avec cette initiative.
IL n'est pas exclu que le Ministre syrien des Affaires étrangères Walid Mouallem participe à la réunion de la ligue arabe prévue fin mars au Caire. Et il n'est pas exclu, non plus, que Maaz Al-Khatib, l'ancien chef de la coalition de l'opposition, Hassan Abdelazim, chef du conseil de coordination et d'autres membres de la délégation syrienne prennent place derrière ce diplomate chevronné syrien. Tout est possible ces jours-ci...''