Sommet de la Ligue arabe: opportunistes et collaborateurs se font passer pour les défenseurs de la Palestine

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Sommet de la Ligue arabe: opportunistes et collaborateurs se font passer pour les défenseurs de la Palestine

Par Ghadir Khumm

Un sommet de la Ligue arabe s'est tenu au Caire le mardi 4 mars, aboutissant à l'adoption d'une initiative dirigée par l'Égypte pour la reconstruction de la bande de Gaza, dévastée par la guerre, comme l'a annoncé le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi dans son discours de clôture.

Le plan d’après-guerre, qui propose un financement de 53 milliards de dollars, vise à faire face aux destructions massives à Gaza résultant de la guerre génocidaire israélienne soutenue par les États-Unis depuis octobre 2023. Cependant, au-delà de ses objectifs déclarés, le sommet a mis en évidence des contradictions politiques plus profondes au sein des dirigeants arabes.

Il convient de noter que la présence de personnalités telles qu'Abou Mohammed al-Jolani, ancien chef d'Al-Qaïda en Irak et fondateur du Front al-Nosra (filiale syrienne d'Al-Qaïda), qui a également collaboré avec Abou Bakr al-Baghdadi, chef de Daech, aurait dû susciter d'importantes inquiétudes quant à la composition du sommet et à ses programmes sous-jacents.

Par ailleurs, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne – une entité largement critiquée pour sa collaboration avec l’occupation sioniste dans la répression et l’arrestation des Palestiniens, notamment en Cisjordanie occupée – faisait partie des participants.

Bien qu’officiellement présenté comme un forum pour la reconstruction palestinienne, ce sommet de grande envergure reflète les manquements moraux et politiques des dirigeants arabes dans leur ensemble.

Bon nombre de ces États qui étaient représentés au sommet du Caire se sont non seulement abstenus de soutenir le peuple palestinien pendant la guerre génocidaire de 2023-2024 à Gaza, mais ont également cherché activement à normaliser leurs relations avec l’entité coloniale occupante.

Cette contradiction devrait soulever des questions cruciales sur la sincérité et l’efficacité du plan de reconstruction proposé pour Gaza, en particulier à la lumière de leurs engagements diplomatiques et économiques en cours avec l’entité même responsable de la destruction de Gaza.

C’est un acte hypocrite et performatif que de s’asseoir dans une pièce non seulement avec les États arabes – qui sont restés passifs pendant le génocide à Gaza – mais aussi avec le Syrien Abou Mohammad al-Jolani (aujourd’hui connu sous le nom d’Ahmed al-Sharaa), une personnalité qui s’est autoproclamée leader de la Syrie.

Sous son autorité, Maher Marwan, nouveau gouverneur de Damas, a déclaré dans une interview diffusée le 27 décembre que les nouveaux dirigeants syriens cherchaient à établir des liens cordiaux avec Israël, déclarant : « Nous voulons la paix et nous ne pouvons pas être un adversaire d'Israël. »

Il s’agit d’une rupture radicale avec l’ère de Bachar el-Assad, sous le règne duquel aucune négociation de paix avec Israël n’avait jamais eu lieu. Cependant, avec l’ascension d’al-Jolani – rendue possible par son rôle d’atout auprès des États-Unis, d’Israël, de la Turquie et du Qatar – ces efforts de normalisation semblent correspondre à la fois à ses ambitions personnelles et aux intérêts de ces puissances étrangères.

En tant que chef du groupe armé Hayat Tahrir al-Cham (HTC), al-Jolani prétend être à la tête d'un mouvement syrien de libération. Sous son règne, la Syrie a pourtant connu de nombreux massacres, visant notamment au nettoyage ethnique des communautés chiites, alaouites et chrétiennes, révélant les profondes contradictions et la nature violente de son prétendu leadership.

Le sommet arabe de 2025 a également été marqué par des trahisons à plusieurs niveaux, notamment avec la présence du président libanais Joseph Aoun. Ce sommet était son premier rassemblement régional depuis sa prise de fonctions en janvier.

Aoun et Jolani ont été vus assis l'un à côté de l'autre, un spectacle qui non seulement constitue un manque de respect envers les innombrables martyrs que le Liban a offerts pour les causes palestinienne et libanaise, mais reflète également une trahison sourde.

Un président libanais, censé représenter le peuple libanais, siège parmi des dirigeants qui considèrent ouvertement le mouvement de résistance libanais Hezbollah comme une menace, tout en légitimant simultanément la présence du HTC, un groupe responsable du massacre de civils syriens.

HTC s’est même engagé dans des affrontements armés avec l’armée libanaise le long de la frontière libano-syrienne, ce qui rend cette démonstration d’autant plus honteuse et contradictoire.

L'issue de cette relation reste incertaine et ne pourra être évaluée qu'en fonction des évolutions concrètes sur le terrain. Avec l'avancée d'Israël en territoire syrien, les attaques continues de l'armée israélienne dans le sud du Liban et l'agression continue en Cisjordanie occupée, la situation pourrait soit se transformer en un spectacle de théâtre politique entre les Joulanis syriens et le Liban, soit conduire à des changements plus importants.

Mais en fin de compte, le facteur décisif sera le Hezbollah et la manière dont le mouvement de résistance choisira de réagir. Ces pourparlers ont également pour but délibéré d'affaiblir le rôle de l'Iran dans l'aide financière au Hezbollah, un objectif que l'ennemi israélien cherche à atteindre par le biais d'intermédiaires tels qu’al- Jolani et Mahmoud Abbas.

Malgré ces efforts, les groupes de résistance palestiniens, dont le Hamas et le Jihad islamique de la Palestine (JIP), ont ouvertement exprimé leur gratitude pour l’immense soutien de l’Iran.

De même, le Hezbollah bénéficie largement de l'aide iranienne, même si l'Iran ne joue aucun rôle dans la direction du Hezbollah ni dans l'exécution de ses stratégies. Ces groupes de résistance opèrent de manière indépendante mais se coordonnent également lorsque cela est nécessaire.

L'allégation selon laquelle le Hezbollah agit comme une simple extension des intérêts stratégiques de l'Iran est une déformation délibérée des faits, construite pour encadrer le groupe de résistance sous un prétexte iranien. Cette affirmation déforme non seulement l'indépendance du Hezbollah dans ses prises de décision, mais sert également d'outil rhétorique pour délégitimer son rôle dans les mouvements de résistance régionaux.

Le martyr Sayyed Hassan Nasrallah a déclaré à plusieurs reprises que le Hezbollah élaborait ses propres politiques et décisions stratégiques sans diktats extérieurs. La persistance de ce discours est profondément enracinée dans une rhétorique islamophobe et anti-chiite, déployée stratégiquement pour affaiblir les populations musulmanes qui ont fermement soutenu la cause palestinienne.

Au-delà de ses implications idéologiques, ce discours fonctionne également comme un mécanisme de coercition géopolitique, intensifiant les pressions extérieures sur le Hezbollah à un moment où l’organisation est confrontée à des défis croissants sur de multiples fronts adverses.

En outre, ce récit sert directement les intérêts de personnalités telles qu’al-Jolani, car le Hezbollah reste une force essentielle empêchant la consolidation à grande échelle de puissances hostiles au Liban et à Damas, en particulier dans la capitale syrienne, où le sanctuaire de la vénérable Zainab (bénie soit-elle) se trouve et qui revêt une signification religieuse.

L’objectif plus large derrière ce récit fabriqué n’est pas seulement d’isoler le Hezbollah, mais de remodeler la dynamique du pouvoir dans la région en facilitant l’empiètement d’acteurs alignés sur les intérêts occidentaux et israéliens.

L’armée syrienne a combattu avec courage pendant la guerre de 2011, endurant plus d’une décennie de guerre contre des groupes soutenus par Israël, dont Al-Qaïda et Daech. La plupart des combattants qui ont rejoint cette bataille étaient des Libanais du Hezbollah, motivés à la fois par leur devoir de défendre la terre et par leur obligation religieuse de protéger le sanctuaire de la vénérable Zainab (bénie soit-elle) à Damas.

Le point le plus important à retenir de ce sommet de la Ligue arabe est qu’il n’était pas seulement rempli de dirigeants arabes hypocrites, mais aussi d’individus qui, malgré leur identité religieuse, n’ont pas réussi à respecter les principes islamiques et moraux les plus fondamentaux.

Pendant plus d’un an et demi, les enfants de Gaza ont demandé de l’aide – non seulement pour la fin de la guerre, mais aussi pour une aide essentielle, notamment de la nourriture et de l’eau.

L’Égypte a cependant refusé d’ouvrir la frontière de Rafah et de nombreux gouvernements arabes sont restés indifférents, poussés par la cupidité et l’intérêt personnel. En revanche, les dirigeants du Yémen, du Hezbollah, de l’Irak et de l’Iran ont pris des mesures, le Hezbollah étant notamment le premier mouvement de résistance arabe à entrer en guerre le 8 octobre 2023, sans aucune demande formelle en ce sens, comme l’a confirmé le Hamas.

La Syrie a joué un rôle crucial dans l'Axe de la Résistance, notamment par son soutien matériel, qui a largement contribué à l'armement du Hezbollah et du Hamas. Mais aujourd'hui, non seulement la majorité des bases militaires syriennes ont été bombardées par l'ennemi sioniste, mais le pays lui-même est en train de subir un processus de démilitarisation complète, et ce alors que cette agression se poursuit sans que personne ne la conteste, avec l'autorisation d’al-Jolani.

Des centaines de Libanais sont tombés en martyrs en combattant Daech et ses groupes dissidents en Syrie, empêchant le Liban de tomber sous le contrôle des fanatiques terroristes.

À la lumière de ces événements, le sommet arabe auquel nous avons assisté n'a pas seulement été une honte, mais un acte de trahison extrême. Pendant ce temps, la Syrie est devenue une terre de massacres, de violence des gangs et de pillages de maisons.

Ce sommet a non seulement mis en évidence les profondes fractures au sein des dirigeants arabes et musulmans, mais a également rappelé que si les hommes de la Résistance continuent de faire des sacrifices, ceux qui sont complices de la trahison ouvrent la voie à davantage d’occupation et de destruction, qui rencontreront sans aucun doute une résistance plus grande.

Ghadir Khumm est une étudiante universitaire au Canada qui poursuit une maîtrise en études postcoloniales tout en consacrant son temps aux relations internationales.

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