IRIB-Pour les cérémonies du 14 juillet 2008, Bachar Al-Assad, convié à un étrange « sommet » à quatre réunissant à Paris, autour de la France, le Qatar le Liban et la Syrie, est l’un des invités d’honneur de Nicolas Sarkozy. C’est l’émir du Qatar, sorte de « frère » pour Bachar, qui a convaincu le président français de l’importance de restaurer les relations entre Paris et Damas, relations rompues après l’assassinat de Rafic Hariri, le meilleur ami de Chirac. Et la greffe prend. Claude Guéant, Secrétaire général de l’Elysée multiplie les voyages au pays des Omeyades. Cette idylle est brutalement interrompue au fil de l’année 2010. Pourquoi ?La Syrie, d’un côté, se déclare prête à acheter 23 Airbus et de l’autre à signer avec le groupe TOTAL un important contrat. Les experts sont au travail quand une injonction tombe : le marché des Airbus doit se faire par l’entremise du Qatar et c’est Doha qui doit prendre le pas sur TOTAL pour le contrat énergétique. La décision de mettre l’émir au cœur des transactions franco-syriennes émane de Nicolas Sarkozy, et son ordre est transmis à Bachar qui refuse cette étrange solution. Ce sera la guerre et le choix, aussi bien français que qatari de soutenir l’opposition au régime de Damas. En réalité on verra très vite que ces rebelles, aidés par la France, l’Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie brandissent la bannière d’Al-Qaïda, avant que ne flotte le drapeau noir de Dae’ch. C’est dès 2011 que Paris soutient les mouvements jihadistes impliqués en Syrie. Le choix de la France, les fous de Dieu plutôt que le maintien d’un président rescapé des décombres du Baath, est marqué dès 2012 par la fermeture de notre ambassade à Damas par Alain Juppé, ici fidèle à la doctrine Sarkozy comme il le sera plus tard en Libye.L’arrivée de François Hollande et de Laurent Fabius ne change rien à la « doctrine » du Quai d’Orsay. Un point diffère pourtant, Hollande noue des relations avec Netanyahou qui vont faire de la France l’indéfectible allié de la politique israélienne menée par les conservateurs au pouvoir. Au point de faire apparaitre la diplomatie américaine comme emprunte de faiblesse. Le premier voyage à l’étranger de Hollande est à Riyad où se trouvent les champions du sunnisme acharnés à la perte de Bachar, donc au succès d’Al-Qaïda puis de Da’ech, leurs agents sur le terrain. Après avoir exigé de bombarder Damas, puis s’être empêtré dans une affaire de gaz sarin montée par les services du Premier ministre, en décembre 2012 Laurent Fabius voyagant au Maroc, déclare : « Les p’tits gars de Nosra font du bon boulot »… Nosra, la filiale « syrienne » d’Al-Qaïda.Pour appuyer les choix de la diplomatie française par des actes, le service Action de la DGSE livre des fusils d’assaut Famas et des missiles Milan aux « rebelles » en barbes. L’appui en renseignements, matériels et en conseil techniques de la France va se poursuivre tout au cours d’une guerre en Syrie qui n’a de « civile » que le nom, puisque les combattants viennent de pays étrangers et que la guerre est également financée du dehors. Appui organisé depuis le Liban, la Jordanie et surtout la Turquie. On notera que, pendant tous ces mois, la volonté politique de stopper les candidats français au « jihad » ne se manifeste que dans les déclarations et jamais sur le terrain ce qui va engendrer un conflit entre la mission de la DGSI, chasseuse de jihadistes, et celle de la DGSE chargée de les « soutenir ».En avril 2013, une note issue des services diplomatiques marocains rapporte comment la France manœuvre à l’ONU pour ne pas apparaitre comme condamnant Nosra en tant qu’organisation « terroriste ». Ce document résume l’option politique de Paris, peu importe que les Salafistes prennent le pouvoir à Damas, il nous faut la peau de Bachar. On retrouve là une priorité partagée par l’Arabie Saoudite, le Qatar, la Turquie et Israël. Et, dans un entretien avec Le Monde, le ministre des Affaires étrangères de Doha finira par déclarer « Al-Nosra est notre allié, il faut travailler avec ce groupe ». En France, d’étranges « rebelles » syriens qui ne sont rien d’autre que des membres d’Al-Qaïda font de discrets séjours histoire de faire le point sur leur « guerre de libération ».Mais la montée en puissance de Da’ech vient brouiller les cartes, une redéfinition de la politique par rapport aux groupes « rebelles » s’impose. La France ne peut rien faire d’autre que condamner la « barbarie » de « l’Etat Islamique ». Mieux elle s’engage dans la coalition qui bombarde les « barbares ». Bombardements surprenants qui ne ciblent que des bâtiments, souvent vides ou sans usage militaire. Bombardement qui, par exemple, ne frappe pas les colonnes de Da’ech en marche vers Palmyre alors qu’elles sont une cibles idéales. En réponse à ce comportement inattendu, les diplomates français et américains répondent que combattre l’avancée de Da’ech exige la mise en œuvre « d’hélicoptères de combat forcément associés à des unités au sol qui devraient compter 10 000 hommes ». Passé au crible de l’expertise militaire, l’affirmation ne tient pas vraiment puisque l’exemple libyen a démontré, pour qui le veut vraiment, l’efficacité des attaques aériennes contre les convois.Faute d’agir efficacement, la France s’est lancée dans des moulinets diplomatiques. Ainsi le 2 juin 2015 s’est tenu à Paris un sommet anti-jihadistes qui n’a fait trembler personne, au grand bonheur des palaces de la capitale. Au terme de ce conseil de guerre, quatre « ateliers » ont été formés. Pour l’humour qui, dans ce drame, doit être aussi la politesse du désespoir, indiquons que l’étude de la migration des jihadistes a été confiée à la Turquie, pays qui alimente et soutien ce flux. Quant à l’analyse des finances du jihad, on a donné les clés du dossier à l’Arabie Saoudite, pays ami et allié de la France qui finance lui-même les jihadistes. Paris a donné son onction à ces choix qui ont l’avantage de ne pas retarder l’avance des « rebelles » vers Damas. Encore bravo !Jacques-Marie Bourget
De quelques contradictions françaises en Syrie !
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